750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
La Pipette aux quatre vins
La Pipette aux quatre vins
Newsletter
Pages
Derniers commentaires
Archives
La Pipette aux quatre vins
Visiteurs
Depuis la création 1 096 173
25 novembre 2007

Pomerol, Château Gombaude-Guillot, en verticale!

On a beau dire, je connais peu de château bordelais, qui plus est, issu d'une appellation prestigieuse telle que Pomerol, prêt à jouer le jeu d'un tel coup d'oeil dans le rétro!... Vingt millésimes, revus et corrigés!... Revue de détail peu commune!...

En ce lundi de novembre tout de gris vêtu, les kilomètres ne nous font guère peur, pour participer à cette dégustation verticale au Château Gombaude-Guillot. Pas le plus connu des crus de Pomerol, mais peut-être bien le plus proche de l'église du village, dont le clocher se dresse, droit comme un I, au coeur du plateau si caractéristique, à quelques encablures de Libourne et non loin de St Emilion.

191107_004  191107_002  191107_003  191107_001

Pomerol compte 800 hectares. C'est la plus petite appellation de la région bordelaise. La commune est presque entièrement dédiée à la vigne et notamment au cépage-roi ici : le merlot. Malgré l'absence de classement officiel, nombre de domaines et châteaux locaux sont élevés au rang de Grands Crus : Pétrus bien sûr, mais aussi Certan-Giraud, La Conseillante, L'Evangile, Gazin, Trotanoy, Beauregard et quelques autres!...

Le Château Gombaude-Guillot (et le Clos Plince) sont la propriété de la même famille depuis cinq générations. C'est Claire Laval, ingénieur agronome de formation, qui dirige le domaine depuis 1983, succédant à son père. Dès son arrivée, elle est surtout étonnée par le fait que tous les vignerons du cru, notamment, s'inscrivent dans la notion de terroir, voire le revendiquent, tout en y injectant une foultitude de matières et de produits divers!... Pour la vigneronne de Gombaude, on est là, bien loin du milieu vivant, postulat de base de tout sol agricole!...

191107_008   191107_013

Elle va donc se rapprocher, petit à petit, des tenants de l'agriculture biologique et décider de réorienter le travail et la tenue des vignes, au lendemain même du gel noir des 21-22 avril 1991. Il faut dire que les villages de Pomerol et St Emilion furent parmi les plus touchés cette nuit-là. Un désolation impressionnante et heureusement plutôt rare!...

img142

Le vignoble de St Emilion, le 24 avril 1991

Dès 1998, la reconversion à l'agriculture biologique est officialisée. Depuis, le domaine s'appuie sur les prinicpes de la biodynamie. Au passage, Claire Laval précise qu'ils ne sont guère plus de trois à pouvoir revendiquer un label bio sur l'appellation Pomerol!... La route est longue...

Le Clos Plince (1,15 ha) est situé à quelque distance de Gombaude, sur un sol composé essentiellement de sable sur argile. Gombaude-Guillot (à peine 7 ha) est planté de 80% de merlot et de 20% de cabernet franc (naguère, le bouchet) sur des graves typiques du plateau, sur argile. Les parcelles sises au début de la pente sont plantées sur la crasse de fer (un taux élevé d'oxyde de fer), célébrité locale, qui donne, dit-on, 191107_006toute la classe aux crus de la région.

Cette verticale (face nord!) a commencé par une série de Clos Plince, dans des millésimes récents. Elle a permis notamment de constater que les vins étaient souvent le reflet du millésime, ce qui est très instructif en terme de dégustation. De même, on pouvait noter une certaine parenté entre les vins des deux crus, issus d'une même année.

- Clos Plince 2005 :
Le nez est assez en retrait, mais la qualité du fruit se fait jour doucement. Assez belle persistance, pour une bouche volumineuse et dense. Laisse transparaître un équilibre qui pourrait le rendre très accessible rapidement.

- Clos Plince 2004 :
Le vin semble s'être refermé. Le début d'une période plus ingrate, sans doute, avec un fruit un peu austère et une bouche peu homogène. De la matière, malgré tout. Voir l'évolution.

- Clos Plince 2003 :
Fruits mûrs et compotés au nez. Beaucoup plus solaire. On imagine aisément les températures estivales de l'été 2003 sur le plateau!... Tannins fermes sur une bouche volumineuse, un rien évoluée, mais finissant un peu asséchants.

- Clos Plince 2002 :
Une expression en retrait. Les premières années de bouteilles ont sans doute permis de le trouver attrayant, mais, fin 2007, il ne montre que les qualités (relatives!) d'un demi-corps. Assez à l'image du millésime.

- Clos Plince 2001 :
Beau nez! Une expression intense sur un fruit mûr et une assez belle complexité aromatique à l'aération. De191107_010 la puissance!... Une tendance à montrer la minéralité du lieu, qui le rend plus ambitieux.

- Clos Plince 2000 :
En demi-bouteille. Le nez se montre assez fermé. En revanche, la bouche se montre assez pleine et élégante. Si ce n'est le contenant, pourrait être très agréable dès maintenant, du fait de sa rondeur.

- Clos Plince 1999 :
Assez belle expression, avec des notes viandées, animales, relevées par une pointe de réglisse très agréable. Une puissance notoire et des tannins fermes, mais un plutôt bel équilibre. On doit pouvoir le mettre à table!...

- Clos Plince 1998 :
Fruits mûrs au nez et des notes de tabac. De la rondeur et de l'étoffe. Dans un autre registre que le précédent, mais doit être un bon compagnon à table, en ce moment.

- Clos Plince 1996 :
Nuancé au nez, souple et agréable en bouche. Des tannins fondus, gourmands. A son meilleur sans doute!...

191107_007   191107_005   191107_009

- Château Gombaude-Guillot 2006 :
Quatre lots non assemblés à ce jour : un cabernet franc à la belle matière fruitée, un premier merlot montrant d'ores et déjà une certaine rondeur, un certain charme, un second plus ferme, plus structuré et un troisième qui, à ce stade, semble se situer entre les deux!... A revoir... plus tard.

- Château Gombaude-Guillot 2005 :
De très beaux arômes, sur le fruit, mais nuancé, peut-être un peu sur la réserve, mais quoi de plus naturel?... En bouche, la matière se révèle équilibrée. Ce vin semble avoir un très beau potentiel, avec du caractère et sans doute, une expression fidèle du cru, dans les belles années.

- Château Gombaude-Guillot 2004 :
Le nez s'exprime plus franchement sur des notes de goudron, puis d'épices. La bouche ne se montre pas fondue à ce stade et propose une sorte d'austérité. Pas forcément un défaut, le vin nous suggère peut-être là toute la minéralité du cru.

- Château Gombaude-Guillot 2003 :
Très mûr! Un peu toute la gamme des notes empyreumatiques au nez. Grosse matière et tannins très 191107_011présents. C'est du solide!... Il faut le laisser s'ouvrir et ne pas ménager l'oxygénation! Une rétro finale sur le pruneau compoté et une certaine complexité, qui peut nous inciter à le mettre à table dès maintenant, sur des viandes cuisinées.

- Château Gombaude-Guillot 2002 :
Une robe et des arômes qui révèlent déjà une certaine évolution. La bouche n'est pas dénuée d'une certaine fraîcheur, mais la structure est quelque peu insuffisante. Demi-corps, mais pour un 2002...

- Château Gombaude-Guillot 2001 :
Oh! Les beaux arômes de fruits frais!... Très belle expression au nez, intense et pure. Les tannins sont fermes, mais droits. Ils donnent une impression d'austérité, mais révèle la belle structure de l'ensemble. Une finale torréfiée qui renforce la complexité du vin. Jolie minérailté. Un très beau potentiel!

- Château Gombaude-Guillot 2000 :
Nez d'une belle complexité, avec des notes de fruits noirs, puis de l'encens et enfin des arômes floraux, tendance jasmin et pivoine. Superbe! Ce millésime a pris de l'avance sur le précédent et se montre d'une belle souplesse et d'une élégance notoire. Faut-il l'attendre plus longtemps?...

- Château Gombaude-Guillot 1999 :
Là, ce sont des notes viandées, animales qui dominent. La bouche est assez difficile et d'une certaine raideur. Finale un peu chaude... On peut soupçonner un échantillon pas révélateur du millésime...

- Château Gombaude-Guillot 1998 :
Très belle robe profonde!... Au nez, nous sommes franchement sur les arômes tertiaires, sous-bois, humus... Les tannins sont plutôt (trop?) présents et à la longue, le vin se montre quelque peu dissocié. S'agit-il là aussi d'un problème d'échantillon... ou d'une fatigue passagère, compréhensible sur une telle dégustation?... A moins que ce ne soit les coupe-faims?...

- Château Gombaude-Guillot 1997 :
Robe franchement évoluée! Le type même de vin dans un millésime très difficile. Fluet, mince. Aux abonnés absents!...

- Château Gombaude-Guillot 1996 :
Curieusement, le nez est pour le moins fermé!... Franchement en retrait et austère. A revoir, au cas où!...

- Château Gombaude-Guillot 1995 :
Un magnum sur des notes d'évolution façon pruneau. Puis, une touche assez classique, gibier, tripailles. L'alcool et les tannins sont assez présents et pas de manière fondue.

- Château Gombaude-Guillot 1994 :
Nous entrons dans ce qu'on peut appeler les années difficiles. Plutôt un nez agréable, mais très vite l'alcool 191107_012devient omniprésent. Matière minime, insuffisante.

- Château Gombaude-Guillot 1993 :
Robe évoluée, tuilée. Un nez franchement toasté-grillé quelque peu étonnant!... Austère, raide, sans grand intérêt.

- Château Gombaude-Guillot 1992 :
Un magnum également, sur des arômes de fruits compotés. La bouche se caractérise surtout par une finale sur des notes de champignons et une consistance plutôt légère.

- Château Gombaude-Guillot 1991 :
Ce magnum révèle un nez quasi absent. Seulement, de vagues notes de cerise à l'alcool. Fluide, presque aqueux! Collector!...

- Château Gombaude-Guillot 1990 :
Nuances d'évolution pour la robe. Un beau nez de figues et d'agrumes confits!... Belle matière en bouche, avec une puissance donnant à l'ensemble une belle cohérence. Une rétro étonnante sur de fins arômes de gâteau aux noix! Fin de bouche plutôt élégante, malgré une évolution assez marquée. Où ira-t-il désormais?...

- Château Gombaude-Guillot 1989 :
Nez élégant, fin et complexe. Très beau vin dont la bouche se montre homogène et ferme. Souple, droit, de l'élégance. Très beau millésime à apprécier pour sa classe, mais qui n'est sans doute pas au terme de son évolution, pour les amateurs curieux et... patients!...

- Château Gombaude-Guillot 1988 :
Encore un nez agréable de fruits noirs mûrs. De la rondeur et une belle puissance expressive et droite. Encore un beau vin!... Là encore, toute l'expression du potentiel du cru!...

- Château Gombaude-Guillot 1986 :
Remarquable nez sur la bougie, la suie, façon cheminée froide. La bouche est tout à fait homogène et même dotée d'un très beau support acide. Au point de mettre en évidence une très belle rétro fruitée. Excellente surprise!...

Si ce n'est la chance de pouvoir déguster dans de telles conditions la production d'un domaine, étalée sur une vingtaine d'années, il est difficile d'en tirer des conclusions définitives. D'abord, parce que son ampleur et sa durée peut provoquer une fatigue qui risque de pénaliser certains millésimes. Ensuite, parce que si nous disposions de quelques amuse-bouches, eux aussi peuvent faire évoluer la perception, notamment des161107_003 saveurs de base et amplifier ainsi, la sensation de vins dissociés, assez souvent ressentie ici.

Il vaut donc mieux être rompu à ce genre d'exercice et faire une "lecture" des vins et qui plus est, des notes de dégustations, sans perdre de vue qu'il s'agit bien là d'une photo à un instant T.

Ceci dit, il est peu probable que des "vins insuffisants" ne retrouvent une nouvelle jeunesse, séductrice en diable. De la même façon, une telle séance révèle parfois que des millésimes vénérables possèdent un charme certain et un intérêt non négligeable à l'heure de passer à table. Enfin, le plus souvent, il convient de teinter d'une sorte de prudence, de mansuétude légitime, nos jugements sur les millésimes les plus récents, dans un sens comme dans l'autre. Dont acte.

Commentaires
I
Je viens bien tard sur cet article mais c'est bien là une des qualités du net.... on retrouve toujours des beaux chemins du vin! Et là avec ce Pomerol de Claire, un grand bonheur partagé!<br /> Bravo pour cet article!<br /> On y revient au printemps!
Répondre
P
Merci Messieurs pour vos quelques mots encourageants!...<br /> Bordeaux est seul, ou presque, à nous offrir la possibilité de telles dégustations et, cependant, nos commentaires sont parfois un peu sévères!...<br /> C'est comme dans d'autres... domaines : ce qui est parfois suggéré entretien le mystère.<br /> Mais, il est probable qu'à la première nouvelle occasion, je reprends la route!... Incorrigible!...
Répondre
F
Je tenais à vous féliciter pour la finesse et la grande précision avec lesquelles vous avez décrit cette belle verticale. J'aime beaucoup la méticulosité de chacun des commentaires d'un millésime à l'autre. <br /> <br /> Pour revenir au sujet, je suis bien d'accord avec vous sur la délicatesse de Pomerol. Non seulement c'est un des rares terroirs du bordelais qui ne s'est pas aventuré dans la course au classement et à la comparaison, mais en outre on n'a rarement des (mauvaises) surprises avec Pomerol. C'est toujours bien vinifié, velouté et soyeux. J'aime bien les vieux millésimes de Nénin notamment, avant d'être racheté par la famille Delon de Léoville Las Cases.
Répondre
D
Très belle verticale, Philippe,et comme tu le suggères des vins bien mieux définis et pleins à partir du millésime 2000,avec un superbe 2005, et un 2006 que je n'ai pas encore goûté, mais qui compte tenu dela réussite de l'appellation dans ce millésime ne devrait pas manquer d'intéret.Des notes ferrugineuses sont souvent perceptibles en finale dans ces vins.<br /> <br /> Daniel
Répondre
J
Très bel article d'un connaisseur : bravo !<br /> En voisin j'admire.
Répondre