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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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12 juillet 2008

La Loire, rive gauche et rive droite - Part. I

Ça y est!... Cette fois-ci, c'est l'été!... Les derniers jours de juin nous apportent enfin de la chaleur. Pour longtemps?... Rien n'est moins sûr!... Notre petit groupe se met en route dès matines, en direction de la Loire. Nous resterons sur la rive gauche pour la première visite et nous passerons rive droite dans l'après-midi.

Notre première halte se situe au coeur du Saumurois, à Brossay, non loin du Puy-Notre-Dame, au Château de Fosse-Sèche, cher à Guillaume Keller et à sa famille. C'est un lieu un peu hors normes, à quelques encablures de la route qui relie Doué-la-Fontaine et Montreuil-Bellay. Beaucoup plus qu'un domaine viticole...

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Notre petit groupe est à l'heure (ce sera la seule fois de la journée!...), mais Guillaume Keller, qui nous accueille, nous attire très vite dans les vignes. Le site n'est pas, à proprement parlé, spectaculaire. Point de coteau vertigineux, de cirque majestueux, d'arènes magiques!... Néanmoins, nous allons très vite nous rendre compte qu'il recèle quelques points forts, absolument déterminants.

Premier point, nous sommes sur un plateau convexe ("le meilleur choix pour l'avenir, avec les expositions nord", dixit Guillaume Keller), qui génère des flux, selon le régime des vents du moment, composé d'un sol de gravier et de silex, sur une terre légèrement argileuse. Le vigneron de Fosse-Sèche est passionné par la géologie, celle que décrivent les spécialistes qui sont venus sur place. A ses visiteurs, il aimerait restituer toute l'approche scientifique du sujet, mais il l'exprime avec quelques mots simples et pour un peu, on lui demanderait un carottage, un profil, pour en savoir encore plus!...

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Le second point, c'est l'ardoise. Pas celle des toits, restaurée judicieusement par les précédents propriétaires (ce qui réjouit les occupants actuels!), mais celle du sous-sol de Fosse-Sèche. Elle remonte au Jurassique (203 MA) et cette roche mère qui se dégrade, restitue des minéraux très importants, en même temps, qu'elle permet à la vigne de trouver de l'eau, par capillarité, y compris pendant les années les plus sèches, comme la trilogie récente 2003, 2004 et 2005.

Ce n'est donc pas un hasard si les cabernets francs furent plutôt réussis ces années-là, dans le secteur du Puy-Notre-Dame, voire de Saumur-Champigny, alors que les vignes proches de l'Anjou, plantées le plus souvent, sur un sous-sol à forte inertie thermique, datant du Turonien (92 MA), connurent des temps difficiles... Les spécialistes en matière de géologie apprécieront (et corrigeront éventuellement!...).

Le Château de Fosse-Sèche est tout entier ancré dans l'histoire. Selon des écrits anciens, il était connu en 1238. Dès le XIIIè siècle, les moines y plantèrent de la vigne et on trouve même, au centre de la cour, des cuves millénaires (ci-dessous, photo de droite, dans le bâtiment du premier plan) d'un modèle qui, semble-t-il, n'existe qu'en deux endroits en France. A noter également que, c'est ici que fût élaboré pour la première fois, en 1904, le Cabernet d'Anjou.

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La famille Keller est installée là depuis 1998. Après un long séjour à Madagascar et au terme des études d'oenologie de Guillaume en Suisse (dont ils sont originaires), ils regagnent l'Europe et se mettent en quête d'un vignoble. Ils finissent par découvrir ce domaine, aux mains de trois investisseurs malouins, prêts à le céder, après quelques courageuses restaurations, sur les bâtiments notamment. Jusqu'en 1991, l'ensemble était en fermage et en polyculture, comme souvent dans la région. Un autre point positif, puisqu'il y avait là un troupeau de vaches, dont le fumier était remis sur les terres et dans les vignes, si bien que ce terroir n'a jamais vu de fumure minérale (potasse).

Fosse Sèche (Fossa Sicca en latin) est une entité à part entière. Un écosystème dans lequel est intégré un vignoble. C'est un aspect sur lequel les vignerons du lieu veulent communiquer à l'avenir. Il ne s'agit surtout26062008_008 26062008_007pas de revendiquer un quelconque label (AB n'apparaîtra jamais sur les bouteilles du domaine!), mais de mettre en évidence les compétences diverses qui sont mises en relations, au fil du temps.

Il y a là au total 45 ha de terres, dont 16 dévolus à la vigne. On compte également deux forêts, trois parcelles de grande culture de luzerne (environ 20 ha), cinq surfaces de compensation écologique (+/- 4,5 ha), en fait de l'herbe fauchée une fois par an, où insectes et oiseaux nichent et également trois parcelles de jachères polléniques (des fleurs des champs) sur 2,7 à 3 ha. On trouve aussi un apiculteur, avec 55 ruches. L'ensemble est désormais une réserve de la LPO et aussi une réserve de chasse, sur laquelle une seule personne prélève très modérément et fait office de garde-chasse. Si vous cherchez une définition au mot écologie...

Chaque visite permet, immanquablement, d'observer épervier ou chouette, un couple de faucons qui niche dans le pigeonnier du XVIè, des buses survolant les grands arbres proches et parfois même, une buse st martin, gris cendré, que Guillaume Keller revoit chaque année, avec autant de plaisir, au moment du 1er mai.

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La vigne est donc implantée sur le tiers de la superficie totale du domaine. Les cépages sont répartis dans tout le vignoble, un peu au hasard des renouvellements de parcelles : chenin, cabernet franc, cabernet sauvignon (en diminution) et un soupçon de chardonnay. Le vigneron confirme qu'il y a bien 8 à 10 % de manquants, mais qu'il ne souhaite pas les remplacer, surtout dans des vignes de 60 à 65 ans. Passé ce stade, il lui semble plus cohérent d'arracher petit à petit, renouveler ainsi tout le vignoble en 20 à 25 ans et transmettre ce qu'il aura planté intégralement.

Autre point important, le type de sol, pauvre et faible en inertie thermique, confère aux vins un caractère moins rond, moins jovial dans les premières années, que dans une bonne partie du Saumurois. Ici, les vins sont plus droits, plus austères (tout est relatif!) dans leur jeunesse et ont besoin de temps... "Prenez la Réserve du Pigeonnier 2000, c'est bon en ce moment, on dirait un Chambolle!..." se réjouit Guillaume Keller.

Passons aux vins. En premier lieu, la cuvée Éolithe, en Saumur rouge. Elle se veut le fer de lance du domaine et l'image même de la morphologie du sol de Fosse Sèche, à peu près la moitié du volume total. Les silex sont ici en forme d'écailles de tortue, de la dernière ère glacière. A noter que les trois cuvées rouges gardent le même assemblage : 80% cabernet franc et 20% cabernet sauvignon. C'est le rendement à l'hectare qui les différencie (40 pour Éolithe, 25-30 pour La Clef de Voûte et 15 hl/ha pour la Réserve du Pigeonnier) et quelques aspects de la vinification et de l'élevage.

Pour Éolithe 2004 donc, 27 mois d'élevage en cuves, alors que les 2006 et 2007 sont actuellement en barriques. Souvent, les cabernets sont vinifiés à 30, voire 33°. Ici, ils ne dépassent pas 17 à 19°. En fait, ils infusent (un terme que nous retrouverons dans l'après-midi...) et ne subissent aucun remontage, 26062008_013ni pigeage.36_1_ Pas d'extraction sur les rouges!... Pas de collage, ni filtration. Dans ce millésime, le raisin a capté la floraison tardive des jachères polléniques (septembre et octobre), si bien que les vins ont un caractère floral assez étonnant!...

Les raisins sont égrappés, mais pas foulés. Ainsi, la Réserve du Pigeonnier 2004 a passé d'abord douze mois en barriques neuves (Seguin-Moreau). Puis, l'ensemble a été transvasé en cuves, avec les lies (par la vanne du bas, pour ne pas "décarboniquer" les vins) et élevé ainsi pendant 24 mois (30 à 36 mois en 2005!). Pas de soutirage, la cuvée passe ainsi de 18 à 20 mois, après la fermentation alcoolique, sans SO2!... Et a fait l'admiration de René Barbier (de Priorat) lui-même!... En fait, ce choix de fermentation à basse température fait qu'il y a moins de CO2 et donc, les fermentations sont moins turbulentes. Ainsi, le marc reste dans le jus et infuse, sans avoir besoin de brasser le liquide.

Blanc sur rouge, rien ne bouge!... Il nous reste très peu de temps pour découvrir les blancs du domaine. Arcane 2006, 100% chenin élevé en cuves uniquement, avec beaucoup de fraîcheur et un côté tonique très séducteur. Il n'y en a pas plus de 5000 bouteilles dans ce millésime (au lieu de 15000 en moyenne!). D'où le régime très sévère imposé par le vigneron à ses clients cette année : une bouteille pour cinq flacons de rouge achetés!... Viril, mais correct, pour que chacun puisse en avoir un peu.

Nous terminons avec la dégustation de La Margelle 2006. Pas la plus connue des cuvées de Fosse Sèche, et pour cause!... En fait, il s'agit donc d'un chardonnay botrytisé, vendangé début novembre, dans une configuration "complètement chocolat"!... Guillaume Keller, grand amateur de liquoreux, nous explique que l'on doit vendangé dix à quinze jours après le "pourri plein", parce que le botrytis sait fabriquer des formes d'acide plus complexes. Nous ferons l'impasse sur les Tris de la Chapelle 2006, mais nous terminerons sur la cuvée De But en Blanc 2005, qui est issue en fait, des derniers tris de la Chapelle 2005, vendangés avec quatre jours de retard et ramassé à 24° au lieu de 16!... Douze mois d'élevage en barriques, 190 grammes de23_musique_1_ sucres résiduels, un gras époustouflant qui tapisse la bouche. Encore un vin qu'il faut savoir attendre, insiste le vigneron, pour la tension qu'on y trouvera, inévitablement, avec le temps...

C'est peu dire que la Loire nous réserve quelques belles surprises!... Le Château de Fosse-Sèche en fait partie, surtout parce qu'après dix années de travail, le domaine montre un potentiel qui en fera sans doute, petit à petit, un domaine référent pour la région. Vous pouvez l'inscrire sur vos tablettes et partir à la rencontre de la famille Keller, au Salon des Vins de Loire 2009, par exemple. Forcément une rencontre sous le signe de la passion!... 

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