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La Pipette aux quatre vins
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28 octobre 2009

Suspicion d'addiction au Roussillon (1)

Allez savoir vraiment ce qui vous attire dans certaines contrées!... Pour ma part et pour ce qui est du Roussillon, est-ce l'incomparable carignan gris, à moins qu'il ne s'agisse du lledoner pelut?... Voire le soufle léger de la tramontane, lorsqu'elle se veut souriante et tiède?... Ou encore, l'inimitable décor des vignes du pays, lorsqu'il s'habille, en octobre, du drapeau sanc e or?...

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A y réfléchir vraiment, ce sont peut-être les hommes, les vignerons du cru, qui méritent plus que tout, que l'on vienne à leur rencontre, pour les écouter parler de leur terre vivante, de leurs vignes tourmentées par le vent, de ces cépages endémiques, que quelques inconscients arrachent à tour de bras. Ces hommes, ils ne sont pas forcément catalans d'origine, loin s'en faut, mais, ils sont devenus les meilleurs ambassadeurs de la Vallée de l'Agly, des Montagnes Bleues des Albères ou des schistes vertigineux de Banyuls et Collioure. D'autres, dans les Aspres, ou sur la route du Capcir, relèvent le défi lancé par ces passionnés venus d'ailleurs, se souvenant des mains et du sourire d'un grand-père, voire d'un arrière grand-père et proposent à leur tour, quelques merveilles que chacun devine essentielles, pour les générations futures. Des muscats superbes, des rancios à tomber, des ambrés de légende!...

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Cette escapade, sous l'égide de Vigne'Horizons, était intitulée : "Tout Calce, etc..." Et tout d'abord, bien sur, parce que la première journée était consacrée à ce petit village, à vingt minutes de Perpignan, sorte d'université d'été des quatre saisons, où quelques talents ont décidé de s'investir. A l'évidence, il n'était pas possible de rencontrer tous les vignerons qui comptent, dans la viticulture catalane, exerçant leur art, sur cette mosaïque de terroirs. Ainsi, la découverte (contrariée par les circonstances) du Domaine de l'Horizon, de Thomas Teibert, le dernier arrivé par la D18, se fera dès le prochain passage. De même, une rencontre avec Gérard et Lionel Gauby ou Olivier Pithon s'impose d'elle-même. Nous reviendrons à Calce!...

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- Domaine Jean-Philippe Padié -

Lorsque la vigne et le vin lui en laissent le loisir, Jean-Phi Padié apprécie de recevoir quelques visiteurs. Non qu'il fasse oeuvre de communication de manière ostantatoire, mais plutôt sans doute, parce que parler des sensations qu'il reçoit de sa terre ou des émotions que lui procure une cuvée, dans certaines circonstances, est au moins aussi important, que de solliciter des avis flatteurs ou de prendre connaissance de palmarès et de notes dithyrambiques. Non qu'il néglige certains aspects de son activité globale (il n'y a qu'à voir la qualité du site du domaine!...), mais bien, parce que la dimension humaine de son métier de vigneron est pour lui, à la fois une évidence et une source d'équilibre.

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Pédagogue, mais jamais donneur de leçons, didactique, mais surtout pas dogmatique, il aime et apprécie ce temps passé dans les vignes, à exposer sa méthode. Les succès rencontrés par certaines de ses cuvées, çà et là, pourraient laisser croire qu'il compte déjà quelques certitudes, mais en fait, chaque année, il fait évoluer ses choix, s'adapte, reste à l'écoute du millésime et n'hésite pas à se lancer dans quelques essais. Pour les effets de la standardisation, vous repasserez!...

Ne négligeant rien et pour apporter une sorte de supplément d'âme à notre séjour à Calce, Jean-Philippe Padié s'est préoccupé de nous fournir quelques données géologiques (même en proie aux affres d'une imprimante récalcitrante!), au travers d'un document fort intéressant, complété d'un descriptif indispensable des cuvées disponibles au domaine.

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Source : Atlas des paysages du Languedoc-Roussillon

Cette notion de mosaïque de terroirs, il suffit de parcourir la garrigue et les chemins de la commune, pour qu'elle devienne vite une évidence. Du calcaire affleurant dans l'argile du Clos du Moucheron aux marnes noires de Coum Majou, en passant par la parcelle dite des Trois Couleurs, la variété des sols suggère la nuance et la complexité des cuvées. Encore faut-il mener à bien cette alchimie, mais on devine la passion de l'écrire, ou de la mettre en musique.

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A l'issue de ce tour de (vignes)horizons, quelques minutes consacrées aux vins en cours d'élevage, tant du millésime 2009, que de quelques 2008 et cela, dans le cuvier, situé sur la petite place, qui fait également office de chai à barriques. A peine quelques pas de plus, et nous gagnons le caveau, où nous allons pouvoir apprécier quelques cuvées disponibles.

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Nous commençons la série par les rouges (blancs sur rouges...) et par Calice 2008, un pur carignan sur argiles rouges (terra rosa), vinifié en macération semi-carbonique et élevé dix mois en cuve inox. Un vin de plaisir, mais non dépourvu de caractère, avec une expression franche et droite. Vient ensuite Petit Taureau 2006. Une cuvée, comme une sorte d'hommage à Claude Nougaro, 50% carignan sur marnes calcaires, 30% syrah sur schistes, 10% grenache noir sur argilo-calcaire et 10% mourvèdre sur schistes. Macération traditionnelle de deux à trois semaines (qui tend à être plus réduite désormais) et un élevage en cuve béton (80%) et vieux demi-muids (20%) pendant un an, puis un an de plus, assemblé en cuve. Du caractère, un vin tonique et ferme... Boxe!... Le troisième rouge, c'est Ciel Liquide 2005, une sélection de vieilles vignes de grenache noir et de carignan, issus de divers sols de marnes, argilo-calcaires et schistes (zones convexes uniquement), plus un peu de syrah et de mourvèdre sur schistes. Macération traditionnelle de trois à quatre semaines, élevage d'un an en demi-muids de deux ou trois vins, puis un an et demi en cuve béton. Beaucoup d'ampleur et de volume. Tension et franchise d'expression, avec des arômes délicats de chocolat, qui se mêlent à des notes florales et épicées.

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La transition se fait en douceur, avec Ad Libitum 2008, un rosé de pressurage pur mourvèdre sur schistes. Une exception qui a vu le jour du fait d'une qualité estimée insuffisante par le vigneron, de la vendange de ce cépage. Fermentation et élevage de dix mois en vieilles barriques de 350 litres. Un vrai rosé de gastronomie!... Passage aux blancs, avec tout d'abord, Fleur de Cailloux 2008, composé d'un tiers de grenache blanc sur argilo-calcaire, d'un tiers de grenache gris sur marne calcaire et d'un dernier tiers de maccabeu sur marnes schisteuses et marnes calcaires. Fermentations et élevage de huit mois sur lie, sans soutirage ni bâtonnage, pour deux tiers en vieilles barriques de 300 litres et un tiers en cuve inox. Une cuvée qui porte bien son nom!... Très belle expression tendue et ferme, qui ne peut laisser indifférent.

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Enfin, last but not least, Milouise 2008, sélection de vieilles vignes de grenache gris et blanc, issus de plusieurs secteurs, dans le même esprit que Ciel Liquide. Fermentations et élevage de douze mois, sans soutirage ni bâtonnage, en vieux demi-muids. La minéralité se prolonge avec une franche note saline, qui intensifie la persistence et l'onctuosité du breuvage. Mais, comment faire pour en garder?... Nous avons à peine le temps d'avaler une ou deux gorgées de Llan-a, une cuvée façon Jura cap au sud, qui suggère le Comté de belle origine, que nous devons tous pousser la porte du Presbytère, restaurant local qui ne permet guère d'expier ses fautes, où nous retrouvons Tom Lubbe et quelques Portugais de passage, qui allaient nous permettre de deviser longuement, autour de quelques très beaux flacons et d'un joli menu : velouté de potiron, daube de sanglier aux petits légumes et nougat glacé. Et en apothéose, deux Porto de chez Niepoort, qu'il était difficile de départager!... "Lequel préférez-vous?... Les deux!..."

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- Domaine Matassa, Tom Lubbe -

Voici un vigneron, grand voyageur à ses heures, qui connaît la chance d'être là, à Calce. Né en Afrique du Sud, mais ayant grandit en Nouvelle-Zélande, il regagne son pays d'origine en 1996, où il commence à vinifier, çà et là. C'est peu de temps après qu'il découvre les vins de la Muntada, de Gérard Gauby. Ce dernier vient de faire l'acquisition du Domaine Le Soula, dans le Fenouillède proche, sur le granite, à 500 m d'altitude. Or, Tom Lubbe vient de monter un petit domaine avec sa soeur, sur la côte ouest sud-africaine, sur un terroir identique et à une altitude proche. Les effets d'une forme calcienne de rétro-mondialisation!... Tout le monde s'accorde sur le fait que l'expérience de Tom chez lui, peut être transposée dans la région. Sa grande sensibilité au terroir, ce qu'il exprime de sa volonté de mettre dans le vin, ce que la terre peut donner, a de quoi séduire Gérard Gauby, qui lui fait confiance et il vinifie ainsi quatre millésimes, moyennant quelques aller-retour aériens!...

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Il croise à cette époque Olivier Pithon et Jean-Philippe Padié, mais aussi la plus jeune soeur de Gérard Gauby, Nathalie, qui va devenir sa compagne. En 2002, il commence avec quelques ares de vignes, dans la montagne, le Clos Matassa, puis il prend l'option de créer le nouveau Domaine Matassa. Sur le bord de la D18, un espace peu ragoûtant a des allures de décharge publique, où l'on trouve pêle-mêle, un morceau de bus rouillé, un vieux frigo et divers détritus!... Mais, le chemin mène aussi à près de quatre hectares de vieilles vignes et à une petite ruine en pierres. Au début de 2004, le sol n'est que poussière et cailloux. Les schistes verticaux gris-bleus ou bruns ont permis de planter carignan, mais aussi grenache gris, presque centenaire aujourd'hui, sur un hectare et du muscat d'Alexandrie sur une surface équivalente, sans oublier un remarquable lledoner pelut. Au début, il a fallu tailler à la tronçonneuse!... Les rendements ne dépassaient guère 4 hl/ha... Aujourd'hui, ils atteignent 18 à 20 hl/ha, ce qui rapproche du rendement moyen dans le département, au XIXè siècle!...

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Malgré la réputation de sécheresse du secteur (230 mm de pluie à Calce en 2008, mais on soupçonne la présence de réserves souterraines d'origine pyrénéenne!), les coteaux ont été labourés au cheval ou au chenillard. Désormais, on constate le retour d'une bonne vie organique. Les vers de terre réapparaissent en même temps que la lavande sauvage. Mais, aux yeux de Tom, c'est surtout un bien meilleur rapport argile/matière organique/pierre qui le conforte dans ses choix et lui donne de grands espoirs.

Pour Tom Lubbe, les projets ne manquent pas!... Il y a tellement à faire dans ce pays!... Au total, il dispose désormais d'une quinzaine d'hectares, dans des secteurs différents, plus trois autres de muscat qu'il destine à la coopérative. Une activité de négoce s'appuyant sur le Domaine de Majas, Three Trees, est apparue, avec la collaboration de Louis/Dressner Selections. Un contrat sur la base d'un muscat bio, devrait se concrétiser avec un grand nom de supermarchés britanniques. Un dynamisme qui doit asseoir un équilibre pérenne. La sincérité, l'enthousiasme, surtout pas de sectarisme et encore moins de combats d'arrière-garde... On retrouve cela dans le choix de ne proposer aucun vin en AOC. Pour lui, l'appellation Vin de Pays des Côtes Catalanes est très positive et porteuse. Elle bénéficie d'une bonne résonance à l'étranger et sur le marché, avec la proximité de Barcelone. Clair, engagé et pour le moins, pragmatique!...

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Ne restait plus qu'à continuer la conversation autour de quelques flacons. Des cuves et des barriques tout d'abord, pour prendre connaissance des vins en cours d'élevage. Si on admet aisément tout ce qui rapproche les vignerons du groupe de Calce (terroir, authenticité...), on devine aussi ce qui les sépare. Là où Jean-Phi Padié nous parle de cuves béton, Tom Lubbe nous dit préférer l'inox, pour des questions de maîtrise des températures en cours d'élevage, d'inertie thermique. Quand le premier se déclare non-interventioniste, pour les malos notamment, le second fait en sorte que les fermentations se déroulent dans les meilleurs délais, afin que les vins soient secs, pour la durée de l'élevage. Sensibilités nuancées et pourtant, pour l'un comme pour l'autre, des cuvées enthousiasmantes, au final.

Nous commençons par les blancs et le premier est salué par les amateurs de passage. Il s'agit de la Cuvée Nougé 2008, composée de muscat petit grain sur schistes (80%), de muscat d'Alexandrie, de maccabeu et d'un peu de viognier (3%). Fermentation et élevage en cuve. Fraîcheur et distinction, pour un vin que l'on attend sur une expression variétale et qui présente plutôt des notes délicatement fruitées, bien soutenues par le minéral. Et l'on se dit qu'un poisson lui conviendrait à merveille!... On ne peut alors être surpris d'apprendre que cette cuvée connait un vif succès au Japon, pour les sushis!... "C'est la roche qui donne le style, pas le cépage!..." Autres accords forcément envisageables : les artichauts, les épinards ou les asperges sauvages venant de la même terre!...

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Vinrent ensuite une cuvée peu connue, Tataouine 2008 et la cuvée Marguerite 2008, muscat petit grain et viognier sur schiste. Fermentation et élevage en barriques de 228 litres. Là encore, beaucoup de nuance et une persistance fine et délicate. Matassa Blanc 2007, 70% grenache gris et 30% maccabeu sur marne et schiste se révèle complexe et intense. Fermentation et élevage en demi-muid.

Les rouges pour conclure, Matassa Rouge 2006, pur carignan sur granite, à 600 m d'altitude, élevé vingt mois en demi-muid, séveux et tendu, puis la cuvée Romanissa 2006, grenache noir (70%), carignan (15%), mourvèdre (10%) et cabernet sauvignon (5%) sur schiste, élevé également vingt mois en demi-muid, plein et d'une buvabilité étonnante.

La nuit tombant, il nous fallait prendre congé de Tom et de Calce, pour gagner Paziols, non loin de là, aux confins de l'Aude, afin de profiter d'une nuit réparatrice, non sans faire honneur à la cuisine catalane du Rêve d'Angèle!... C'est fou comme, certains jours, il est impossible d'être raisonnable... A suivre!...

Commentaires
F
superbe reportage<br /> il a l'air de bien se porter l'ami jean-phi !
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J
Encore bravo!!<br /> reportage encore de haute volée, précis et empreint de gourmandise...<br /> et que dire des photos!! ca donne envie d'aller faire un tour vers Calce<br /> jull
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A
C'est absolument magnifique, merci Philippe ! Les vins de J-Ph Padié et ceux de Tom Lubbe étaient dans mon quinté à St Jean...<br /> Si je comprends bien ce que tu sembles répondre à Adnane, tu feras un saut à Vannes le 21/11 ? Quel regret de ne pouvoir être parmi vous !<br /> Alain
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P
Merci doc!... Et devine un peu ce qu'on va goûter le 21 novembre?... ;-)
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D
ça c'est du reportage !!!<br /> Chapeau et rien que pour cela,très longue vie à Vigne'Horizons...
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