750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Pipette aux quatre vins
La Pipette aux quatre vins
Publicité
Newsletter
Pages
Derniers commentaires
Archives
La Pipette aux quatre vins
Visiteurs
Depuis la création 1 096 790
25 octobre 2010

Eric Morgat, Savennières d'aujourd'hui et de demain

Éric Morgat le rappelle souvent, au hasard des conversations : vu de la rive gauche de la Loire, vu du Layon, le village de Savennières et ses hectares de "Grands Crus", ont longtemps gardé l'image d'un doux rêve, presque une chimère, pour les vignerons de Rochefort sur Loire, Beaulieu sur Layon et autre St Aubin de Luigné.

De grandes demeures du XVIIIè ou du XIXè, aux toits d'ardoises, construites à l'origine par la bourgeoisie angevine. Des notables locaux qui s'entichent de ces vignes de chenin, à une époque où on a peine à imaginer que ces grandes cuvées peuvent voyager et plaire, sans même parler de rivaliser avec d'autres grands vignobles et... la belle s'est endormie!... La bonne fée du conte de Perrault l'avait prédit : la piqûre du fuseau n'était pas mortelle, mais il faudra bien des années avant que la petite cité ligérienne ne se réveille!...

Coul_e_de_Serrant   becherelle   Epir_

Ceci dit, n'allez pas croire que je veuille nécessairement faire d'Éric Morgat, le Prince Vaillant de l'histoire qui, sur son destrier blanc, vole au secours de la princesse saponarienne, mais il serait injuste de ne pas lui reconnaître cette volonté de dépoussiérer les vieux greniers locaux et de s'inscrire dans le paysage, pour le meilleur de ce que Savennières doit vivre désormais. De plus, il n'est pas seul. Damien Loreau, Loïc Mahé, voire Jean-Marc Renaud ont trouvé quelques parcelles. Et il en reste bien d'autres, puisque l'on a coutume de dire que la moitié seulement des terres de l'appellation sont plantées de chenin.

Puis, il y a eu toutes les arrivées plus ou moins récentes, en droite ligne du Layon : Ogereau, Papin, Branchereau, Guégniard, puis Mosse ou encore Baudouin (j'en oublie peut-être?). De quoi animer le landerneau!... Sans compter la nouvelle génération locale, qui fait mieux que pointer le bout de ses idées : Tessa Laroche ou encore Virginie Joly, toutes deux au coeur des futures AOP!... Evelyne de Pontbriand, au Closel et Luc Bizard, au Château d'Epiré (référence locale des années 80!) doivent apprécier comme il se doit, cette brise qui secoue les branches des pins centenaires de la contrée!...

15102010_006   15102010_021   15102010_016

C'est un vrai plaisir, de se retrouver à la Pierre Bécherelle, en compagnie d'Éric Morgat!... De suivre l'évolution de cette parcelle d'un hectare au fil des années, presque au fil des saisons. Un coteau exigeant, qui ne donne pas encore sa quintessence, au point de proposer une sélection parcellaire de ce cru. Mais, la magie du lieu, au profil difficile, est une réalité, qui va au-delà du paysage qu'il propose. Pour le moment, le vigneron soigne, bichonne, écoute sa terre. Elle est un peu comme un enfant, auquel on porte toute l'attention voulue, mais qui cache quelque mystère, un potentiel sur la réserve.

Là, cet ancien sol forestier, pourtant préparé et planté avec toute la patience voulue, se sent-il désormais investi de sa nouvelle dimension "Grand Cru"?... Les schistes jaunes et bruns, prêts à dévaler la pente sous nos pas, doivent se convertir à la vigne (une sélection massalle de chez Fouquet, à Vouvray) et donner au raisin, tout ce qu'il cache encore... Patience!... Éric le sait bien, même si l'on devine un soupçon d'impatience, lorsqu'il mesure les années qui passent, en voyant son fils grandir.

15102010_010   15102010_008   15102010_001

Le Domaine Éric Morgat compte actuellement 5,5 ha. En plus de Pierre Bécherelle (1 ha donc), rappelons que L'Enclos (3 ha) reste la parcelle historique, même si l'intitulé Domaine de la Monnaie a disparu. A courte distance de Pierre Bise et du Breuil, de l'autre côté du fleuve, se trouve Litus, ou Spilite (1 ha), une terre autre, qui domine le Layon, non loin des Treilles de Jo Pithon.

De l'ordre des Grands Crus, quasiment officiels, le vigneron de Savennières dispose de 50 ares en Roche-aux-Moines. Une parcelle (plantée en 1999) qui faisait partie d'un lot cédé par le Château de Chamboureau, en 2005, à quelques vignerons (Damien Laureau, Claude Papin et la famille Branchereau, du Domaine des 15102010_014Forges). Le Domaine FL est aussi présent dans ce secteur. Avec le Domaine Laroche et Nicolas Joly, la liste des vignerons de cette appellation est vite dressée.

Une AOC qui, comme toutes les autres, va devenir AOP. A ceci près que les dénominations anciennes (Savennières-Roche-aux-Moines, tout comme Savennières-Coulée-de-Serrant d'ailleurs) ne vont plus avoir droit de cité à Bruxelles et ailleurs. Il a donc fallu composer un nouveau décret d'appellation propre à l'AOP Roche-aux-Moines (ainsi que pour l'AOP Coulée-de-Serrant, monopole comme chacun sait). Après débat, celui-ci se veut plus restrictif dans le sens, par exemple, qu'il interdit tout désherbage chimique. Une avancée qui ne peut que réjouir Éric Morgat, dont le domaine est en conversion bio depuis un an désormais, même s'il travaillait le cavaillon depuis trois ans.

Ce demi-hectare, qui a nécessité un travail important depuis cinq ans, commence à exprimer un caractère original. Dès 2010, il fera peut-être l'objet d'une cuvée parcellaire. Une sorte d'éclaireur, en vue de l'évolution souhaitée par le vigneron. En effet, ce dernier ressent de plus en plus le besoin de mettre sur le15102010_015 marché des Savennières qui ont de la bouteille pour, en quelques sortes, lutter contre la consommation trop rapide de ces cuvées taillées pour une garde minimum. A l'image des crus bourguignons, que bon nombre d'amateurs laissent s'épanouir en cave.

Jusqu'à maintenant, au côté du layonesque Litus à partir de 2008, toutes les parcelles sises sur Savennières entraient dans L'Enclos. A terme, le domaine comptera quatre cuvées : L'Enclos, Litus, Pierre Bécherelle et Roche-aux-Moines. Pour ces deux dernières, une sélection d'une ou deux barriques (4 à 8 hl) permettra chaque année de dédier ces crus à quatre années d'élevage (deux en barriques, deux en bouteilles), avant de les lâcher dans l'arène.

Avant de filer jusqu'à Coulaine, pour un tour d'horizon des millésimes les plus récents, étape au domicile d'Éric et Ana-Maria Morgat, pour découvrir ce qui sera sans doute le futur cinquième élément du domaine. Autour de la maison, d'autres chenins ont été plantés, en 2009, sur 70 ares de schistes ardoisiers de belle facture.

15102010_018   15102010_022   15102010_017

A quelques pas, à peine, une autre parcelle de 20 ares, plantée cette année même, fait d'ores et déjà figure de laboratoire et pourrait devenir la mémoire du chenin. On y trouve pas moins de 34 variétés de ce cépage ligérien, comme une sorte d'expérience en vraie grandeur d'un travail de fond effectué, depuis quelques temps, par les Pépinières Mercier. Si pour le pinot noir ou le merlot, par exemples, on dénombre de nombreux clones qualitatifs, il n'en va pas de même pour le chenin. Selon l'ITV, on ne compte à ce jour, que quatre clones officiels et trois qualitatifs seulement.

Chez Mercier, l'idée d'une démarche approfondie d'investigation est donc apparue et les pépinières du groupe ont fait le tour du Val de Loire, pour sélectionner des bois dans une cinquantaine de parcelles intéressantes de vieilles vignes. Au final, après avoir écarté les quelques cas de viroses, 34 plants ont été conservés et mis en terre dans cette parcelle restée en friche pendant quarante ans. Il va donc être possible de les étudier, de prélever des bois pour compléter la parcelle et même de complanter les manquants des autres "crus". Indéniablement, la démarche d'Éric Morgat s'inscrit dans le futur. Les Savennières de demain sont déjà là!...

15102010_023   15102010_019

Et ceux d'aujourd'hui, me direz-vous?... Au domaine, ce ne sont plus tout à fait ceux d'hier. Le vigneron pense s'être un peu cherché pendant les premières années. Au début des années 2000, les vendanges se déroulaient selon un véritable plan de bataille. Le résultat escompté devait s'inscrire dans une stratégie : les parcelles dans un ordre établi, le réfractomètre donnant le signal du départ. Entre 1996 et 2002, le botrytis est recherché, presque incontournable. Les tries sont la règle et s'inscrivent dans cette logique. Les hautes maturités, quitte à conserver au final, une pointe de sucre résiduel, sont la marque du Domaine de la Monnaie. Les élevages s'inscrivent dans la durée.

2006 et 2007 sont de vraies années de transition, même si cela n'apparaît guère encore à la dégustation. L'élevage est passé à deux années pleines (une en barriques, une en cuve). Au moment de la cueillette, la proportion de raisins moins mûrs est plus grande et surtout, sans botrytis. A partir de 2008, plus de tries, les parcelles sont ramassées en un seul passage. Quelques barriques font leur malo. Un souffle nouveau se glisse dans le chai du domaine.

- Litus 2008 :
D'ores et déjà, une belle personnalité!... 14° affichés!... Un chenin solaire et intense. On peut penser qu'à l'avenir, cette parcelle sera ramassée à un niveau de maturité moindre, surtout pour que s'exprime un équilibre propre à cette cuvée, résolument Anjou layonesque, plutôt que Savennières!...

- L'Enclos 2008 :
Très jolie expression, pour un vin qui se met en place. Tendu, droit, homogène, dans un registre couleur locale. Belle sensation de fraîcheur.

Les 2009, pour la plupart, sont en cuves et dans une phase plus difficile. Expression aromatique en retrait. Saveurs dissociées. Le vin s'habille. Comme s'il devait vivre dans l'obscurité pendant quelques temps et qu'une porte baignée de soleil s'ouvre plus tard, pour laisser entrer la lumière d'une journée de printemps... Parfois, un stade au cours duquel le vigneron se fait quelques sueurs froides!... Les 2010 sont encore, le plus souvent, sur des arômes primaires, voire fermentaires. Des nuances apparaissent, sur les agrumes. Certains jus semblent porter une expression d'une belle originalité.

Éric Morgat semble afficher une sorte de sérénité. Non qu'il considère les choses acquises, puisqu'il mesure parfaitement ce qui fait tout le charme, mais aussi la difficulté du métier de vigneron : admettre que les millésimes se suivent et ne se ressemblent pas!... Les comprendre et avancer, avec leur visage propre, leurs caractères pluriels. En plus, il dispose désormais de Savennières pluriels eux aussi et veut donner leur chance à tous. Finalement, ce sont peut-être les amateurs qui seront les plus chanceux, pour peu qu'ils le suivent sur ces chemins innovants. Et pour ce chenin souvent étonnant!...

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité