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La Pipette aux quatre vins
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13 novembre 2011

Mais, que voulait-elle me dire ce jour-là?...

Les Terres Noires, un complexe sportif au vert, si proche de la ville mais déjà à la campagne. Depuis son plus jeune âge, Roma avait coutume d'y gambader à sa guise, dans un large espace libre entourant salle de sports, terrains de football et de tennis. Mieux, elle en avait pris possession, mais sans restriction d'accueil. Pas son genre! Avec ou sans papiers, tout visiteur à quatre pattes était pour elle un compagnon de jeu plutôt qu'un intrus. Curieusement, elle se faisait une joie d'en voir certains revenir. Avec d'autres, elle était parfois sur la réserve et préférait que je l'accompagne.

Aux beaux jours, la porte du bureau restant ouverte, elle se promenait, furetait dans des limites qu'elle avait adoptées, admises. Parfois, je me préoccupais des raisons de son absence qui se prolongeait. Je sortais alors, l'appelais, sifflais... Sans réponse, je m'inquiétais de ne pas la voir revenir, mais elle était comme ça... Je me lançais alors à sa recherche aux alentours immédiats. Immanquablement, si je prenais l'option de passer d'un côté de la salle, 04112011 003elle revenait par l'autre!... Je me suis demandé plus d'une fois si ce n'était pas un jeu entre nous. Où si elle ne cherchait pas à renforcer cette sorte de complicité qui nous liait au quotidien. Souvent, toujours à sa recherche, je me retournais et l'apercevais devant la porte, s'étonnant que je m'époumonne ainsi.

- Tu vas me faire tourner bourrique, lui reprochais-je alors gentiment.
- Mais, je suis là, ne t'inquiète pas, fais moi confiance, semblait-elle me dire, avec son regard plein de tendresse et d'une sorte d'insouciance rassurante.

En ce dernier mois de septembre passé avec elle, nous continuions nos passages aux Terres Noires. Elle restait plus volontiers avec moi au bureau, même porte ouverte. C'est vrai qu'elle avait peur des bruits de certaines activités relancées après l'été, comme ceux du stand de tir voisin, mais peut-être était-elle plus faible, tout simplement, ou avait-elle besoin de partager encore plus?... Si j'étais encore en charge de cette association sportive depuis plusieurs années, c'est aussi parce que Roma était là et que je me devais, je lui devais la possibilité de passer un peu de temps au grand air, chaque jour. D'une certaine façon, c'était notre raison d'être.

A la mi-septembre donc, avant de rentrer à la maison, je lui propose de faire un tour, comme nous le faisions souvent. La soirée est douce, presque chaude. Il n'a pas plu depuis plusieurs jours. Elle m'accompagne d'un pas04112011 001 somme toute alerte et nous traversons tout l'espace libre. A l'extrémité d'un des terrains de football se trouve une pente herbeuse d'autant plus confortable que les tondeuses ne sont pas passées depuis quelques temps. Je m'y allonge en observant quelques nuages et le ciel griffé par les avions, en haute altitude. Roma se roule sur le dos dans cette herbe épaisse, puis reste juste à mes côtés, assez longuement. Tranquille et calme. J'ai alors le sentiment fugitif que rien ne viendrait la déranger vraiment.

Mais le temps passe. Il faut rentrer. Je l'invite à reprendre la direction du parking. Elle me suit sans rechigner. Nous passons dans l'allée bordée de grands chênes vénérables. Là, elle a coutume de fureter lentement le long du talus. Je prends de l'avance, à peine quelques mètres. Je me retourne et l'interpelle doucement.

- Romanée, il faut y aller maintenant!...

Comme les autres fois, elle aurait dû continuer à se hâter toujours aussi lentement, sans se préoccuper vraiment de ce que je lui disais alors. Et moi, de m'impatienter encore. Mais, cette fois, elle est venu vers moi aussitôt en me regardant fixement de ses yeux sombres et doux. Elle s'est arrêtée tout près de moi. Étonné, je m'agenouille à côté d'elle, pose la main sur son dos, la caresse. Elle me regarde encore de la même façon. Je l'embrasse sur la tête. Nous restons là quelques instants... Et toujours ce regard et cette attitude que je ne lui connaissais pas, dans ce genre de circonstances...

Mais, que voulait-elle me dire alors?... Si l'on affirme parfois de certains animaux, qu'il ne leur manque que la parole, ce jour-là, Roma m'a parlé. Je n'ai rien entendu, bien sûr, je n'ai fait que ressentir... Était-ce pour me dire qu'elle allait nous quitter?... Était-ce pour me faire quelques reproches pour mon manque de vigilance quant à sa 04112011 002santé?... Ou pour souligner qu'elle aurait bien aimé continuer avec nous?... Ou qu'elle nous aimait, tout simplement?...

Mon trouble est resté présent depuis ce jour. Il me parait de plus en plus évident que nos animaux familiers nous délivrent des messages, quant à nos attitudes d'humains. On y trouve de la tolérance, des leçons de patience, le besoin d'échanger de la confiance... Sans doute aussi que la colère est mauvaise conseillère et que le partage, ne serait-ce que d'un peu d'eau, est primordial. Et qu'il ne faut pas tenir rigueur de certaines petites fautes qui égratignent notre ego.

J'ai très souvent été fier de Roma. Pas de ce que j'en avais fait (comment peut-on avoir cette prétention?...), mais de ce qu'elle était, tout simplement. Elle m'étonnait chaque jour, aussi pour tout ce qu'elle m'incitait à voir d'un autre oeil, les autres animaux, la nature, les hommes parfois... Finalement, je crois qu'être étonné, c'est un besoin de notre quotidien. Cela fait partie du carburant de notre vie. Je ne crains pas la panne sèche, mais sans elle, le futur a pris des rides. Néanmoins, je formule le voeu de rester fidèle à ce qu'elle était. Au nom de sa part d'humanité. Et parce qu'elle contribuait à donner un sens à ma vie...

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Cette vie est-elle une passerelle branlante entre deux mondes?... Est-ce l'écume de la vague submergeant le caillou sur le sable et qui finit emportée par le vent marin?... Est-ce un soleil trop brillant, qui ne masque plus ses faiblesses après la tempête?... J'avoue ma lassitude, depuis quelques jours, face au développement exponentiel du virtuel, du paraître et du sempiternel besoin de séduire, comme de cette soi-disant fidélité à des idées tendance, qui érige des citadelles d'intolérance. Et, dès demain, revendiquer le droit de changer de point de vue, de me tromper, de préférer une longue balade sur le sable d'une plage, même sans mon chien, mais un peu sur ses traces quand même, plutôt que la musique grinçante d'une journée virtuellement amicale, voire amicalement virtuelle. Décidément, j'ai beaucoup appris pendant cette petite douzaine d'années et même que le silence a des fois plus de sens que la parole... 

Commentaires
S
Ahh merde j'avais pas vu cet article... le gros chien blanc ne viendra plus courrir entre nos rangs.. je suis triste pour toi philippe
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