En 2012, nous avions évoqué cette heureuse initiative, partie du côté de chez Jo Pithon, à St Lambert du Lattay, réunissant la cohorte chaque année grandissante des vignerons bio d'Anjou. Une rencontre qui permettait de constater un croisement de générations et plus encore une sorte de fusion avant même d'évoquer une fédération qui ne dirait pas encore tout à fait son nom. Chacun pourra, dans les rangs des vignerons, évaluer l'importance, plus ou moins haute, d'organiser de telles journées, mais il est difficile de nier l'évidence : le marché des vins de qualité garde une sorte de fragilité (le client serait-il fidélo-volage?) dont les causes sont multiples et variées. On peut ainsi évoquer pêle-mêle l'étendue de l'offre ne serait-ce que nationale, les vertus résolument communicantes de certaines régions, surfant parfois sur le fait que d'autres se soient laissées enfermer dans la promotion d'une production peu qualitative et à valeur ajoutée plancher, mais aussi la difficulté que les vignerons peuvent ressentir face au client, lorsqu'il s'agit d'expliquer qu'ils font des vins de qualité, dont la garde est certaine, mais qu'ils sont heureux de les revoir régulièrement!... Les producteurs de très beaux liquoreux du Layon de certaines années 90 ne peuvent l'ignorer, notamment ceux qui ont alors pris le risque d'expliquer que les 96 et 97, par exemple, pouvaient être oubliés pendant des décennies au fond des caves et qui depuis, constatent que leurs clients de l'époque les ont également oubliés, pour ce type de vin du moins.

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Non, l'Anjou noir n'est pas seulement le fief des rosés de comptoir, fussent-ils de Loire!... C'est sans aucun doute aussi une région qui doit définitivement s'installer dans la promotion de ses grands vins blancs secs issus de chenin. Sortir de la mine et aller au charbon pour briller en pleine lumière!... Et surtout, ne pas faire de complexe vis-à-vis de la production de quelques voisins disposant d'autres types de sols, souvent présentés comme la panacée des terroirs de haut vol. Calcaire ou schiste?... Parlons donc de diversité!...

Promouvoir, mais aussi s'entendre sur l'essentiel. Les fortes personnalités ne sont pas rares, tant sur les rives du Layon, que sur la rive droite de la Loire, du côté de Savennières. Les parcours des vigneronnes et vignerons sont aussi très différents. Il y a celles et ceux qui s'appuient sur un véritable patrimoine historique et ceux qui ont déniché quelques arpents, ici ou là, entre deux chemins creux. Certains, malgré le recul des années, constatent désormais tout le potentiel de certaines parcelles, d'autres s'étonnent chaque jour un peu plus, que le pouvoir de séduction de ces chenins ne soient pas plus reconnu par les papilles des passionnés et intégré dans une supposée hiérarchie des crus et des régions. Pas de doute, Savennières et Roche-aux-Moines sont de la même veine (si ce n'est géologiquement parlant!) que Montbenault, Les Treilles ou Les Bonnes Blanches!... Et leur attractivité indiscutable doit leur ouvrir plus encore les cartes des vins des bonnes et grandes tables de France et de Navarre.

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L'an dernier, dans une sorte de premier ballon d'essai, les vignerons bio-angevins avaient surtout voulu se réunir pour se compter et pour savoir qui acceptait de se rallier au panache blanc de l'Anjou layonesque, indépendemment des absences pour cause de vacances (que les vignerons essaient de prendre parfois quand même!). Ainsi, Tessa Laroche, Evelyne de Pontbriand ou encore Jean-François Vaillant, par exemple, étaient là pour croiser le verre et échanger avec les Joël Ménard, Jean-Christophe Garnier ou Cédric Garreau. Afin de ne pas faire de cette journée une réunion strictement entre soi, quelques invités furent également conviés, parmi ceux des journalistes (et blogueurs!) qui ont l'habitude de circuler dans le vignoble. Cette sorte de "collégialité" fut bien appréciée et les animateurs de la Paulée de l'Anjou noir optèrent donc cette année, pour une ouverture plus large encore, en faisant notamment de la gastronomie angevine, l'invitée d'honneur de cette deuxième édition. Mais, bonne surprise, l'accès à Princé pour cette journée était aussi proposé à divers photographes, cavistes, blogueurs, blogueuses et même institutionnels, puisque Benoit Stenne, nouveau Directeur Général d'InterLoire était aussi de la partie et de la balade dans les vignes. A noter que son arrivée, fin décembre 2012, a permis aux responsables de l'Interprofession régionale d'annoncer la mise en place d'un nouveau plan de communication, alliant celle plus spécifique par appellation (pas moins d'une cinquantaine en Loire!) et celle plus largement collective. Et ainsi sans doute, éviter par ce premier effet d'annonce, une contagion de départs, suite aux défections récentes de Montlouis et des Fiefs Vendéens.

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Balade donc, en premier lieu pour cette journée. Le site de Princé, bien aidé par la météo, se prête à merveille à la dégustation champêtre proposée par Patrick Baudouin notamment. Et l'idée d'une approche géologique du secteur ne pouvait que séduire les participants, surtout que Fabrice Redois, géologue bien connu dans la région, n'a pas son pareil pour vous faire découvrir son passionnant métier et vous laisser croire un instant que vos pas, ce matin, vous mènent quasiment sur la Lune, à moins que ce ne soit au col d'Ardenay, à 75 mètres d'altitude!... Comme, de plus, il nous explique en quelques mots que nous marchons ici-même sur des métagrauwackes du Précambrien (leur synonyme, schistes verdâtres, est bien moins sexy!), la roche la plus ancienne du Maine-et-Loire (entre 540 Ma et 245 Ma quand même!), on se sent presque les dépositaires de ce patrimoine antédiluvien planté de "champs de raisins", selon le terme générique utilisé par ses élèves, pour les plus nobles vignes du secteur. Où on apprend aussi à déceler les traces de quartz, les cailloux qui laissent des traces blanches sur son marteau, ceux qui produisent instantanément une sulfureuse mousse blanchâtre, lorsqu'on verse sur leur tranche quelques gouttes d'un liquide incolore au moyen d'un goutte à goutte et d'autres, qu'il faut savoir découvrir au moindre affleurement, notamment ces schistes pourpre plus ou moins dégradés, dont chacun peut apprécier le qualificatif largement plus opportun de... lie de vin. Enfin, chacun pourra aussi apprécier que le géologue évoque ici la richesse de la géologie locale, au sens de la variété des roches composant le sol viticole de la région, ce qui, selon lui, devrait inciter les vignerons du cru à vinifier plus souvent (quand c'est possible) par secteurs géologiques identifiés (voire par parcelle) et ainsi, tenter de mieux comprendre le terroir, au sens terrien du terme. En attendant, certains vignerons en profitent pour prendre rendez-vous avec Fabrice Redois, toujours passionné par la perspective de casser quelques cailloux sur des sites méritant des investigations soutenues et répétées. Enfin, on apprend au passage que certaines cartes géologiques, comme celle présente ici, ont beaucoup évolué depuis quelques années. En effet, elles représentaient souvent les sols profonds des zones concernées, alors que le patchwork des sols est désormais proposé, ce qui peut paraître plus accessible au commun des vignerons et des mortels.

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Le temps d'apprécier communément divers panoramas méritant le coup d'oeil (et là, on ne dira jamais assez l'intérêt, pour un visiteur lambda de se rendre sur les parcelles des vignerons), tel celui du Cornillard, pour la dynamique ambiante due souvent à l'aérologie remarquable et quasi permanente du lieu, de parcourir les chemins creux bien connus des troupes de Chouans et des vététistes du dimanche (notez au passage qu'il ne s'agissait pas de la Troménie de Locronan!), d'accrocher le barde dans le grand chêne séculaire au bout du chemin et le village gaulois angevin pouvait faire ripaille!...

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En guise de mise en bouche, près de 70 vins étaient proposés à la dégustation, avec une forte proportion de blancs, mais aussi quelques rouges fort agréables, comme ceux de J-C Garnier et de Kenji et Mai Hodgson. Les chenin (what else?) ou chenin for ever, selon les mentions apparaissant çà et là, sur le carnet de dégustation, se taillant la part du lion, avec toute leur variété et leur complexité d'expression, selon leur origine géographique et les choix du vigneron. Parmi ceux-ci, les Rouliers et Noëls de Montbenault de Richard Leroy, ce dernier confiant qu'il situait la qualité de ses 2011 dégustés ici, au top de ce qu'il a proposé jusqu'à ce jour!... Option zéro soufre qui plus est, pour deux vins taillés pour la garde!... Allons, chers amateurs des cuvées leroyesques, cesser de vider vos flacons avant même qu'ils n'aient pris la température de votre cave!... Cochon qui s'en dédit!... Justement, les cerbères du foyer de braise en avaient terminé avec la cuisson des cochons. Il ne nous restait plus qu'à passer à table pour évoquer souvenirs de dégustations plus ou moins récentes et projets de voyages, une occupation fort sympathique, est-il besoin de le préciser?...

La Paulée de l'Anjou noir, deuxième du nom, avait vécu. Rendez-vous en 2014 et d'ici là, sur d'autres terrains de jeu et de promotion, n'en doutons pas.