Les vignes de Terres du Pic sont dans une sorte de canyon surplombé par la falaise calcaire du Pic Saint Loup et l'éperon rocheux de l'Hortus. Mais ici, les diligences passent sans encombre sur la piste qui serpente dans la végétation languedocienne. Depuis déjà longtemps, Patrick Maurel a déposé ses plumes de chef local et effacé ses peintures de guerre sur son visage. Au coeur de l'AOC Pic Saint Loup, il s'amuse de voir ses congénères évoquer le terroir, se soumettre aux bifurcations réglementaires du syndicat local exigeant la plantation toujours plus importante de syrah, s'orienter vers encore plus de méthodes de conduite des vignes et de vinification calquées sur quelque vignoble supposé prestigieux ou lointain. Il est le descendant de quatre générations de vignerons respectueux de leur nature environnante et se fait fort de mener son domaine de manière équilibrée. Ici, la complétude agricole est recherchée et, pour l'essentiel, atteinte. Les moutons, les vaches et le potager sont aussi importants que le carignan ou l'oeillade, ancêtre du cinsault et les vins ont le caractère du cru.
Le vigneron de Terres du Pic est volontairement en marge de ses congénères du cru. Pas nécessairement pour vivre en ermite dans la maison familiale, dont les plus anciennes parties remontent au XIIè siècle, mais parce qu'il a adopté un mode de vie qui s'éloigne de la logique économique de notre époque. Plusieurs générations ont vécu là d'une polyculture permettant de rester en contact et d'accompagner la nature environnante. Ici, toutes sortes de fruits sont cultivés. Moutons, vaches et volailles diverses font parties du décor. Et il n'est pas rare de voir le paysan du Mas de Londres user du troc dans ses relations de proximité.
Patrick Maurel et son épouse ont repris le domaine dans les années 90. Guère plus de 5 ha 50 au total. Une petite parcelle de carignan à proximité de la maison, mais l'essentiel, à sept ou huit kilomètres, sur les contreforts du Pic Saint Loup, sur des éboulis calcaires, au milieu de la garrigue, entre 200 et 300 mètres d'altitude. Parfois des vignes centenaires et une bonne proportion d'oeillade, ancêtre du cinsault dit-on, représentant les trois quarts de l'ensemble. Un raisin à la peau fine, avec peu de pépins, que l'on consomme parfois à table.
Quatre vins sont proposés chaque année, de manière quelque peu immuable pour satisfaire une clientèle de fidèles, qui ne manquent pas de passer au domaine régulièrement. Tous les volumes sont vendus en un semestre et pas un flacon ne franchit les frontières. Les revendeurs sont rares, pour les 20000 bouteilles issues des 22000 pieds de vigne, selon les estimations du vigneron, qui parfois, pourrait adopter comme devise le célèbre proverbe : pour vivre heureux, vivons cachés.
L'oeillade, travaillée sur la fraîcheur et le fruit, compose le rosé de pressurage - Cuvée des Brumes - et le premier rouge - L'Or du Puits. La troisième - Cuvée Les Courrèges - est construite sur le seul carignan, dans un mode vin de garde, comme la quatrième - Lune montante - où les deux cépages sont associés. En fait, quelques cépages méconnus et éparses entrent aussi dans la composition.
A la vigne, le vigneron du Pic s'est vite rapproché de la biodynamie, mais l'agriculture biologique est la règle depuis bien longtemps. Tisanes, décoctions et macérations diverses, ainsi que les algues et l'argile ont fait oublier tous les produits issus de l'oenologie moderne. Patrick Maurel revendique la production de vins 100% naturels, sans levures exogènes, ni soufre. Na-tu-rels!... Ce qui vaut d'ailleurs à toutes ces cuvées d'être proposées en Vin de France, même si elles sont toutes produites sur l'aire d'appellation Pic Saint Loup.
"C'est l'oenologue qui fait le vin que le consommateur veut!... L'AOC est dévalorisée aujourd'hui, à coups d'engrais, de systémiques, de désherbants et de levures. Et tous mes voisins ne parlent que de terroir, de vins minéraux! C'est la mode... Comment peut-on d'ailleurs définir cette minéralité?..."
A la place, Patrick Maurel évoque volontiers ce qui lui permet de produire des vins frais et toniques. Entre Pic Saint Loup et Hortus, les nuits sont fraîches et les maturités phénoliques se situent le plus souvent entre 12 et 13°. De plus, certains années, le vigneron n'utilise pas de cuivre et donc de fongicide, protégeant à priori les populations de levures indigènes.
En 2013, les vendanges se sont prolongées sur tout le mois de septembre. Du fait de cet étalement, la cueillette a pu se dérouler en famille, en plusieurs passages et en toute sérénité. Pour ce millésime, les vins ont plus de couleur que les 2012 et peut-être un supplément d'âme, tant ils paraissent équilibrés et homogènes. Comme pour ponctuer une série d'années qui permettent de mettre en valeur les vins de cette région.
Patrick Maurel, du haut de son double mètre, sait prendre de la hauteur lorsqu'on parle des vins du Languedoc, modernes et désormais, souvent élevés au rang de rivaux de ceux d'autres régions. Ici, pas de place pour la démesure et l'architecture quasi délirante. Depuis quelques mois, le couple Maurel restaure le vieux mas et y vit. Il propose aussi un gîte et réserve certaines pièces à quelques amis.
Marcher sur les dalles polies par les siècles et découvrir les voûtes en arc participe au charme de l'ensemble. L'été, on apprécie volontiers l'ombre et la fraîcheur de cette maison. En plus, vous pourrez aussi goûter une jolie série de vins. Terres du Pic, une étape à ne pas oublier lors d'un prochain séjour.
En cela il il se rapproche de Pierre Rabhi agro-écologiste qui vente la terre mère.
Ce sont des hommes faits pour un monde nouveau et ils sont des exemples dans l'amour de la terre que le créateur nous a demandé de 'cultiver avec soin'