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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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11 novembre 2019

Escapade en Catalogne du Nord!...

Cette période de l'année, qui fait passer bon nombre de nos régions de "l'été indien" de la saison des vendanges à la rudesse (parfois!) de l'hiver, est plutôt favorable aux escapades en Roussillon ou dans le Languedoc. Bi Ranci!, les (4è) Rencontres Européennes des Vins Oxydatifs Secs, se déroulait le 28 octobre dernier à Perpignan, "à cent mètres du centre du monde" et de la gare de Perpignan, guère alimentée par les trains venant du nord, vu les conséquentes inondations provoquées par le dernier "épisode méditerranéen" ou cévenol!... Pas moins de 70 domaines étaient présents, venant de plusieurs régions espagnoles (Andalousie, dont Jerez et Montilla Moriles, Valencia, dont Alicante, Castilla y Leon, Mancha et Navarra), de Catalogne (du sud! Conca de Barbera, Emporda, Montsant, Priorat, Penedes, Tarragona et Terra Alta), d'Italie (Sicile, Sardaigne et Piémont), de Hongrie, de Grèce (île de Zante ou Zakynthos) et du Portugal, avec Madère. La France était représentée par la Catalogne (du nord!), l'Occitanie, la Nouvelle Aquitaine, le Jura, comme il se doit et même la Loire layonesque!...

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La manifestation fut sans doute très proche de faire l'unanimité, au seul bémol près, pour certains, qu'il était impossible d'acheter quelques flacons, mais un salon strictement mercantile n'était sans doute pas dans les objectifs des organisateurs réunis autour de Marie-Louise Banyols et de quelques vignerons locaux. Peut-être un sujet à débattre, néanmoins, afin de fidéliser les producteurs venant parfois de loin... L'association, co-présidée par Alain Pottier (Domaine La Tourasse, à Port-Vendres) et Jacques Sire (Domaine des Schistes, à Estagel), avait bien fait les choses, dans un espace très bien adapté. Jean Lhéritier, ex-président de Slow Food France (entre 2004 et 2012), très attaché à l'idée que des vignerons du cru devaient présider aux destinées de l'association, avait bien fait passer le message. Quelques passionnés de vin et de dégustation, mais aussi quelques proches de ceux-ci, ont largement contribué à la bonne dynamique de cette journée.

Bien sûr, toute la variété des cuvées proposées à la dégustation, dans des verres spécifiquement destinés aux rancios, apportait le charme d'une telle découverte. Il fallait laisser ses certitudes au vestiaire et faire un effort de concentration, tant la complexité de ces nectars vous propulse aisément sur une autre planète!... Au-delà de cette approche gustative, on note également que parmi les grandes qualités de ces vins, figure en premier lieu, de donner l'envie de cuisiner, qu'ils suggèrent dès le premier nez!... Vous avez bien un petit guide de la cuisine catalane spéciale rancios sur vos étagères?...

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~ Domaine des Demoiselles et La Pipette, 20 ans plus tard ~

Peut-être n'avez-vous pas connu La Pipette d'avant?... Cette micro-publication très artisanale, née de l'envie de partager les découvertes, les escapades dans le vignoble, les dégustations, en bref, la passion autour du vin. Sa parution trimestrielle (à peu près!) déclenchait des envois en France et parfois, de l'autre côté de quelque océan, au titre peut-être de l'universalité du vin, de la vigne et pour tous les passionnés qui s'étonnent et aiment en parler, en tentant d'abolir les frontières. Pas plus de quatre à six pages au début, puis jusqu'à huit ou dix, voire douze, lorsque les derniers numéros parurent, au-delà de la quarantaine. Au cours du deuxième trimestre 1999, fut proposé le numéro 21. Dans l'actualité d'alors, les frappes de l'OTAN en Bosnie et la crise de la dioxine en Belgique et ailleurs... C'est si loin et si proche finalement... Et notre faculté à oublier assez énorme!...

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Nous n'avions pas oublié, malgré tout, le domaine cher à Isabelle Raoux et Didier Van Oothegem, à Tresserre, au coeur des Aspres, un petit village qui propose notamment, chaque année, fin octobre, la Festa de les Bruixes, ou Fête des Sorcières (l'histoire ne dit pas si les Demoiselles du Mas Mulès y participent!). Il était resté dans notre mémoire, aussi bien visuellement que gustativement, dans toute sa variété catalane. Avec d'autres, c'est un peu le pivot d'une viticulture traditionnelle, attachée à toutes les valeurs locales qui font l'identité de la région sang et or. La photo de la cour du mas construit au XVIIIè siècle ressemble trait pour trait à celle prise vingt ans plus tôt. Isabelle, représentante de la septième génération présente sur ces terres souvent argilo-siliceuses, est une femme de caractère, ayant une idée assez précise de ce qu'est la viticulture nord-catalane, malgré toutes les évolutions. Celles des goûts et des couleurs. Celles qui ont conduit, petit à petit, vers la préservation de toute une biodiversité et le respect absolu de l'environnement. Surtout quand les quarante hectares, dont vingt-huit de vignes, doivent être cédés, à terme, aux générations futures. Kilya, une autre Demoiselle, de la huitième génération quant à elle, sera certainement sensible à la préservation de ces terres.

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De retour au Mas Mulès en 1995, Isabelle et Didier n'y sont officiellement installés qu'en septembre 1998. L'ampleur de la tache est vite évidente, surtout lorsqu'il s'agit, pour la vigneronne des Aspres, de vinifier seule mille hectolitres, comme ce fut le cas cette année-là. Depuis, la production ne dépasse guère la moitié de ce volume, voire même le quart depuis 2018, avec les difficultés liées au mildiou notamment, ou encore aux conditions climatiques de 2019 et en particulier l'échaudage dont furent victimes certaines parcelles le 28 juin dernier, jour où la température extérieure a atteint 45 à 46°, avec sans doute, au niveau du sol, dix degrés de plus!... On imagine cette vision cauchemardesque pour Didier, qui ayant pris deux à trois heures de repos en début d'après-midi, du fait notamment de la nécessité de se lever très tôt par ces chaleurs caniculaires, découvrit grappes et feuillage littéralement passés au chalumeau!...

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Le Domaine des Demoiselles a opté pour une viticulture biologique dès 2000 et fut certifié en 2003-2004. Cette évolution était comme une évidence pour l'opiniatre vigneronne de Tresserre, mais pour qui l'étape décisive fut atteinte lorsque fut officialisée l'apparition des "vins biologiques" en 2012 et non plus seulement la transformation de "vins issus de l'agriculture biologique". Un point fondamental, que l'on aurait peut-être tendance à évacuer, surtout pendant cette sorte de période intermédiaire...

Isabelle et Didier sont aussi d'infatigables voyageurs, multipliant les déplacements dans toute la France et même à l'étranger pour faire découvrir leurs vins, mais aussi fidéliser leur clientèle. Quelque chose qui est sans doute inscrit dans les gènes de celle dont l'arrière-grand-père, Joseph, dans la première décennie du XXè siècle, quittait son pays pour aller vendre ses grenaches et ses carignans à Rennes!... Et il faisait le voyage avec sa charrette chargée de ses foudres. C'est d'ailleurs à l'une de ces occasions que le fier catalan rencontra Céline, jolie bretonne qui devint sa femme. C'était en 1909, voilà cent vingt ans!...

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Aujourd'hui au domaine, on peut déguster toute une gamme de vins, de Pierre de Lune 2018, un blanc sec à base de muscat petit grain et de marsanne qui "fleure bon les soirs d'été... de pleine lune" au Rivesaltes tuilé et au rancio sec, Evoe, sur une base de 1965. Depuis plus d'un siècle et l'époque où le Mas Mulès comptait quelque cent hectares de vignes, les vins ont certainement changé, mais on y retrouve quelques jolies cuvées fidèles à tout ce qui caractérise le pays. La moitié des parcelles sont de très beaux gobelets, ce qui dénote quelque peu dans un secteur ou de gros domaines (120 hectares et plus) optent pour un palissage de tous les cépages présents. Les Pierres Blanches 2017, 40% grenache blanc, 40% grenache gris et 20% macabeo, issue de vieilles vignes de 70 à 75 ans, cuvée illustrant toute la complexité des blancs secs de qualité de la région. La gamme Marieta, dans les trois couleurs, se veut plus légère et aérienne, sans rien renier de son identité. Du côté des rouges, une série intéressante, avec Cairo 2017, en IGP Côtes Catalanes et sa dominante carignan (70%), le reste de grenache noir, puis Le Mas 2017 (70% grenache noir et 30% syrah), qui exprime bien le style Côtes-du-Roussillon. On retrouve avec plaisir Le Partage 2014, en Côtes-du-Roussillon-Les Aspres, appellation apparue en 2003, après une longue bataille!... A partir du millésime 2015, la cuvée sera proposée en Côtes-du-Roussillon-Villages-Les Aspres et, à partir de 2017, sans doute dans une évolution intégrant des macérations plus courtes, issue aussi de vendanges égrappées. Il convient bien sûr de ne pas négliger les vins doux naturels du domaine : Dona del Sol, en Muscat de Rivesaltes, Solera, en Rivesaltes Ambré, Terra Granat 2011, en Rivesaltes Tuilé 100% grenache, ainsi que Kilya 2000 (100% grenache noir aussi, passé en barriques pendant dix ans) et Celina 2006, en Muscat de Rivesaltes. Evoe, en Rancio Sec, étant un peu le point d'orgue de la dégustation. Oh temps, suspend ton vol!... Et vous, heures propices, suspendez votre cours!... Laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours!... Lorsque vous citez Lamartine dans le texte, c'est qu'il est peut-être temps de poser votre verre, ou de redemander deux doigts de ces nectars!...

Un domaine qui va donc de l'avant!... D'autant que, comme l'affirme Isabelle Raoux, "après la 24è vendange, le vin n'est pas une science exacte!" Chaque année, elle apprécie sans doute cela comme une évidence, en compagnie notamment de Brigitte Soriano, oenologue bien connue dans le région, qui l'assiste pour les vinifications depuis toutes ces années. D'autres choix, d'autres options pourront intervenir à l'avenir, comme la plantation vivement souhaitée par Didier du cépage xarel lo, afin de donner toute sa dimension catalane et sans frontière au Domaine des Demoiselles, si tant est que ce fut nécessaire!...

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~ Domaine Danjou-Banessy, à Espira de l'Agly ~

A quelques kilomètres de Tresserre, pour peu que l'on prenne, à certaines heures, quelques précautions quant à la circulation routière perpignanaise, il est possible de rencontrer les Frères Danjou, Benoit et Sébastien, toujours prêts à vous faire passer un bon moment dans leur chai à barriques enterré cachant quelques trésors. Avec leur physique de troisième ligne de l'USAP et leurs casquettes vissées sur le crâne, ils trouvent vite les mots pour exprimer leur passion, à grand renfort, ici aussi, de catalanitude, mais option nord. Comme au Domaine des Demoiselles, avec Isabelle Raoux, on mesure bien tout ce qui est inspiré par l'identité catalane, mais dans sa diversité. Si on regarde de près ce qui illustre la viticulture des Pyrénées-Orientales, vos interlocuteurs évoquent parfois à mots couverts tout ce qui différencie les secteurs de Banyuls-Collioure, des Albères, des Aspres, de l'Agly, des Fenouillèdes... C'est un peu à l'image des paysages et de la géologie, comme le montre la carte ci-dessous.

geologie

Benoit et Sébastien Danjou ont pris conscience, voilà quelques années, des trésors qu'ils avaient sous leurs pieds, lorsqu'ils arpentaient leurs parcelles. Des argilo-calcaires, pour le maccabeu de la cuvée Coste 2018, des terres noires sur des schistes pour le carignan gris de La Truffière 2018, par exemples. La moitié des vignes est âgée de quinze à trente ans. Celles du grand-père ont entre soixante et cent vingt ans. Avec ce millésime 2018, que l'on peut découvrir encore en cours d'élevages, ceux-ci se prolongeant désormais une vingtaine de mois, au lieu de douze à quinze précédemment, il faut voir là une forme d'aboutissement. "C'est ce qu'on rêvait de faire depuis plusieurs années..." confesse Benoit. Millésime difficile s'il en est, avec un combat permanent contre le mildiou. "On s'est battu comme des morts de faim (ou de soif!). On n'a jamais pu s'absenter ensemble, il fallait monter la garde de façon permanente. Mais, quand on voit le résultat!..."

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Leurs sourires en disent long, tant ils ont le sentiment d'avoir dompté la nature, lorsqu'elle exprime son hostilité. "Coste 2018 évolue doucement sur la pierre chaude, malgré une pointe d'élevage toujours présente. Ce sera bien sur quatre ou cinq ans. Après, au-delà de six ou sept ans, le vin glisse vers les hydrocarbures!..." Ça pétrole, comme on dit parfois à propos de certains rieslings!... Le carignan gris de la future Truffière, "c'est un buvard à sols et à terroirs. Ça fait des vins sur la verticalité, avec des finales salines!..." Un cépage qu'il faut élever sur la réduction. Que celui qui n'aime pas ça, nous jette le premier verre!...

Les rouges sont tous dans un même registre de qualité. A propos des vins de cette couleur, les frères Danjou s'amusent de cette sorte de coup de génie qu'ils ont eu au terme des vendanges 2018. Il y avait finalement de belles quantités, pourquoi ne pas faire un primeur, qu'ils avait abandonné depuis au moins dix ans?... La cuvée s'appelle SuperNova. Un vin nouveau, peu ou pas sulfité, sorti un mois avant les Beaujolais Primeurs. Un pur mourvèdre, qui ne dépasse pas 10,5°. Du fruit pur glouglou, à moins que ce ne soit l'inverse!... Une partie fut même élevée pendant six mois, en vue d'une mise de printemps. C'est toujours un régal! N'en cherchez pas, "nous l'avons uniquement commercialisé dans le Triangle d'or, entre Perpignan, Toulouse et Barcelone!..." Ils sont joueurs les Danjou! En 2019, ils ont récidivé, mais avec du grenache cette fois et en très petite quantité!...

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Lors d'une précédente visite, j'avais pu découvrir l'esquisse du futur vinicole au Domaine Danjou-Banessy, quelque part entre Espira et Vingrau. Repris en 2013, le Clos des Escounils est désormais, depuis peu, leur propriété. Guère plus de 2 ha 20 sur une succession de terrasses, au milieu de la forêt. Des vignes centenaires, où seront bientôt plantés, dans une sorte d'évolution vers l'agroforesterie, des oliviers, des amandiers et peut-être d'autres essences d'arbres. Pour le moment, on trouve là principalement des vignes complantées en grenaches blanc, gris et noirs (pas plus de 6% pour ces derniers). Tout est ramassé simultanément en vue d'un pressurage direct, puis d'un élevage en foudre, pour vingt moins là encore. Ce clos, que l'on pourrait qualifier de "cru", n'est pas exempt de difficultés diverses, au point que, parfois, les frères Danjou en jetteraient leur casquette sur le sol, dans un (rare) accès de colère catalane!... L'année de la reprise en 2013, l'oïdium détruisit la récolte. En 2016, ce fut la sécheresse qui ne permit pas de ramasser une vendange significative. Les deux années suivantes, ce furent les sangliers qui se transformèrent en habiles vendangeurs!... En effet, les grenaches gorgés de sucre leur apportant leur besoin en liquide, plutôt rare ces dernières années, vu leur prolifération. De plus, non contents de grapiller, en pratiquant un égrappage attentif, ils cassent parfois les ceps, sans doute en se dressant sur ou contre eux, afin de permettre aux plus petits de trouver leur content de raisins. Bien sûr, la situation ne pourra rester en l'état et les deux frères réfléchissent à ce qui pourra endiguer le phénomène, celui-ci risquant de s'aggraver, du fait du développement des hardes dans toutes nos contrées. La présence de clôtures électriques ayant parfois montré ses limites, il n'est pas impossible qu'une solution plus solide soit envisagée...

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Pas de quoi ternir l'humeur de Benoit et Sébastien cependant, dont les vins connaissent un franc succès, malgré les petites quantités, notamment pour les cuvées telles Les Myrs (carignan) ou Les Mirandes (syrah), sans oublier Espurna (cinsault), Estaca (grenache noir) et bien sûr Les Truffières en blanc (carignan gris) et rouge (carignan noir et grenache). Il faut savoir que ses cuvées sont issues de parcelles allant de 33 ares à un hectare. Le mode de vinification n'est pas inscrit dans le marbre (égrappage ou pas), mais à chaque fois, il s'agit plus d'une patiente infusion, révélant des touches florales et une fine acidité, permettant d'inscrire ces vins pour une élégante garde. Tentez votre chance, au printemps prochain!... Que dire de plus de ce vignoble?... Monts et merveilles en Catalogne du nord!...

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