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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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21 octobre 2021

Sicile, au pays de l'Etna et de ses terres noires

Première semaine d'octobre. Sur le versant nord de l'Etna, les vendanges battent leur plein ou sont programmées pour les tout prochains jours. L'arrivée, supposée se faire sous un ciel bleu et une belle lumière d'automne, se déroule sous le déluge d'un bel orage!... Chaud devant!... Je gagne en altitude et en activité météorologique intense. Je traverse Linguaglossa, Rovitello, pour atteindre sans encombres Solicchiata, mon quartier général pour les cinq prochains jours. C'est aussi un peu celui de tous les vignerons du coin. Il faut dire que la Cave Ox, de Sandro Dibella, est ouverte presque tout le temps et que le maître des lieux, passionné absolu "de vins, de nourriture et de la vie sur Terre", est vraiment un point de ralliement essentiel du vignoble local. D'ailleurs, l'après-midi est déjà bien avancée, mais en ce samedi, presque toutes les tables sont occupées!... A peine ai-je le temps de prendre possession de ma chambre et de ranger la voiture dans le parking, que j'ai déjà un premier rendez-vous (non prévu à l'origine) pour la matinée du lundi. Mieux, Sandro, dont le téléphone est plein des numéros de vignerons siciliens, me propose de découvrir un premier domaine avant la nuit!... Et comme, j'obtiens aussi de rencontrer un producteur de Randazzo, non loin de là, le dimanche matin, le programme s'annonce chargé!... Tant mieux!...

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La Strada Statale 120 (ou route nationale 120) traverse le nord de la Sicile, passant aux environs de sept cents mètres d'altitude, entre la vallée de l'Alcantara, fleuve côtier se jetant dans la Mer Ionienne et le flanc nord de l'Etna. Entre Randazzo, vert l'ouest, Castiglione di Sicilia, perché sur un éperon rocheux et Linguaglossa, vers l'est, la route traverse le meilleur du vignoble nord du célèbre volcan. On peut ainsi découvrir les localités qui la bordent, autant de frazione, comme on les appelle en Italie, Solicchiata, Passopisciaro ou Montelaguardia, jalonnant le parcours, un peu comme sur la D2 du Médoc ou l'ancienne RN 74, au coeur des grands crus bourguignons.

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Qu'il pleuve, qu'il vente ou que la piscine avec vue sur le sommet de l'Etna de la Cave Ox vous tende les bras, il vous faut être vigilent. Ici, à chaque instant, vous pouvez recevoir un appel téléphonique ou une alerte émanant de Sandro Dibella, capable à toute heure de suggestions opportunes. En quelques minutes et le plus souvent, moins de dix kilomètres à parcourir, vous pouvez vous retrouver au milieu du vignoble, sur quelques terrasses bordées de mûrs noirs et de pierres de lave extraites du sol. Pas de doute, vous êtes au bon endroit pour rencontrer des talents bien connus (Frank Cornelissen, Vino di Anna, d'Eric Narioo et Anna Martens, ou quelques autres...), mais aussi d'autres, d'une moindre notoriété, mais prêts à relever quelques défis, au moment où la DOC Etna connaît un franc succès.

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Plutôt qu'une carte routière classique, il peut être intéressant de consulter une carte comme celle ci-dessus. Dans le secteur qui nous motive plus particulièrement, elle situe l'aire d'appellation Etna, comme définie selon le décret du 11 août 1968 (en vert), ainsi que les différentes localités viticoles. On y voit aussi les courbes de niveau et la route parallèle à la SS 120, dite Quota Mille. Longue de vingt cinq kilomètres, tracée entre Bronte et Linguaglossa, elle est devenue une route stratégique pour le tourisme et la fréquentation de l'Etna. Lorsque vous rendez visite aux vignerons du coin, il n'est pas rare qu'un petit tour des vignes vous amène sur cette route, voire au-dessus, parce que nombre de parcelles et de terrasses au-dessus de mille mètres d'altitude sont réputées très qualitatives (cas de la contrada Barbabecchi notamment), alors qu'elles ne disposent pas de l'appellation Etna. Un paradoxe qui finira sans doute par être rectifié, après de longues négociations, comme c'est le cas en France, lorsqu'il s'agit de modifier une seule ligne d'un décret!... Suivez mon regard!...

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Sur cette carte, apparaissent aussi les coulées de lave les plus récentes et les plus importantes. On y distingue celle de 1879, qui ravagea Passopisciaro, celle de 1911, qui s'insinua entre Solicchiata et Rovitello, ou encore celle de 1947, qui s'arrêta à la Cote 1000. La plus étonnante est peut-être celle de 1981. En mars de cette année-là un flux dévastateur menaça Randazzo, coupant routes et voies ferrées. Toutes ces coulées ne sont pas forcément du même type et elles se figent lorsqu'elles ne sont plus alimentées par le cratère. Mais, parfois, il faut prendre en compte sa vitesse d'écoulement pour en mesurer tous les dangers. Ainsi, celle de 1981 atteignit 100 mètres cube par seconde, ce qui est plutôt rare, d'autant qu'elle se produisit dans un secteur non touché depuis des siècles. En atteignant le vignoble, elle perdit de sa vitesse initiale, détruisit de nombreuses vignes, mais dévia de sa trajectoire, pour finalement atteindre la rive droite du fleuve sans envahir son lit. Ce genre de déviation est des plus rares, mais le vignoble de Bruno Ferrara par exemple, dans la Contrada Allegracore, fut épargné, puisque le flux s'en écarta à cent mètres près!... Mamma mia, la Madonna veillait!... Mais, en observant attentivement la topographie du paysage, on distingue aisément, presque partout, ces formes caractéristiques de coulées de magma, parfois très anciennes, mais qui modèlent les parcelles et les contrade* (au nombre de 133 dans toute l'appellation, dont 81 pour la seule zone nord de l'Etna).

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Lorsqu'on circule mollement sur cette "route des vins" tortueuse à souhait et parfois très fréquentée à certaines heures (prenez garde, les "pilotes" de cars scolaires s'imaginent parfois au volant d'une Ferrrrari ou d'une Maserrrati sur le circuit automobile de Enna-Pergusa!...), on distingue quelques vieilles demeures parfois abandonnées, mais aussi des vignobles en cours de restauration, avec parfois des plantations récentes sur des terrasses remises en état. Ce qui traduit bien le dynamisme et l'essor d'une région viticole attirant de nouveaux investisseurs, dans la foulée de ceux arrivés depuis le début du siècle, comme autant de passionnés prêts aux paris les plus fous. Il faut bien dire que s'installer ici dans les années quatre-vingt-dix ou à la charnière des deux millénaires relevait alors de la gageure. Même si la réussite d'un Frank Cornelissen, par exemple, toujours prêt pour de nouvelles aventures (non loin de Passopisciaro...), a donné le ton et boosté l'enthousiasme des uns et des autres. Ce qui n'empêche pas ce dernier d'espérer qu'une dimension culturelle ne persiste pour tous ces nouveaux projets...

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S'appuyant sur de vétustes palmento rénovés, dotés désormais d'un matériel moderne (et d'une exigence de qualité résolument à la hausse) ou en en construisant de nouveaux flambant neufs (Frank Cornelissen, encore lui, ne manque pas de conseiller aux intrépides néo-vignerons, que si on prévoit des locaux pour cent mille bouteilles, il faut construire pour le double!...), de nouveaux domaines ambitieux augmentent l'offre, au grand ravissement des amateurs. Cependant, à côté des Domaine Graci ou SRC Vini, voire Sciara, cher à Stef Yim, natif de Hong-Kong et passionné par l'Etna, tous présents dans le coeur de la "route des crus", d'autres initiatives se font jour. Ainsi, suite à une succession familiale ou guidés par la passion des grands vignobles, quelques jeunes (ou moins jeunes) récupèrent quelques arpents, font de nouvelles rencontres et se lancent dans une production certes artisanale, mais bigrement passionnante!... Demandez donc à Sandro Dibella, qui voit parfois arriver sur son bar de nouveaux échantillons et constate alors, à la dégustation, que les poils de ses bras se dressent tout seuls, tant ses sens sont mis en alerte par tant de qualité!... Ces nouveaux vignerons (et vigneronnes!) proposent parfois leur premier millésime. Ils ont pour nom Fabio Signorelli, Nerina Cardile ou encore Sonia Gambino, du côté de Maletto, sur le flanc ouest de la montagne. Lorsqu'on sait qu'une bonne proportion de vignes sont franches de pied et que certaines sont plus que centenaires, on imagine aisément cette volonté de s'y confronter, d'en proposer quelques bouteilles, plutôt que d'en vendre les raisins ou de les distribuer en vrac, comme c'était souvent le cas naguère... Alors, de nouvelles secousses telluriques, annonciatrices d'une éruption de talents?... A suivre!...

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*: Une contrada n'est pas l'équivalent d'un "cru" ni même d'un "climat", tel qu'on l'entend en France. Il s'agit plus d'une délimitation s'appuyant sur le cadastre, en attendant que des recherches plus... approfondies sur les sous-sols ne se fassent. Au-dessous de la Quota Mille, vous pouvez indiquer en toutes lettres le nom de la contrada sur l'étiquette. Au-dessus, vous êtes en IGT Terre Siciliane et vous devez vous contenter des initiales convenues (BB pour Barbabecchi par exemple), mais vous avez le droit de l'indiquer sur la contre-étiquette!... Sans parler des contrade qui sont de part et d'autre de la limite de l'appellation...

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