Xynthia, J+10
Loin de moi l'idée de céder au sensationnel. Il y a assez des médias traditionnels pour osciller, dangereusement certains jours, entre nécessité de témoigner, de rendre compte et satisfaction d'une certaine forme de voyeurisme, voire de réactivation passagère d'animosités locales, qui n'apporteront guère de choses positives dans le débat.
Depuis une semaine, notre quotidien régional, Ouest-France, est plein de ces photos prises à bord d'un canot pneumatique ou d'un hélicoptère survolant la zone la plus sinistrée, où l'on peut distinguer ces alignements de petites maisons blanches, typiques de la région, avec leur toit de tuiles ocre. Une sorte de paix en émane... De paix éternelle même, pour trop de victimes...
Et puis, ce dimanche, sont parues ces deux vues du satellite SPOT (dont celle de droite prise le 2 mars dernier) de la Baie de l'Aiguillon, qui valent mieux qu'un long discours. Sur la partie gauche des images, les deux communes meurtries de L'Aiguillon sur Mer et de La Faute sur Mer, avec la pointe d'Arcay, souligné d'un trait blanc de sable et nos souvenirs de nuits passées là, pour pratiquer le surf-casting. On distingue aussi à quel point, la mer est entrée dans les terres agricoles qui bordent St Michel en l'Herm, Champagné les Marais et autres communes proches. Des milliers d'hectares, de ce qu'on appelle parfois la P'tite Beauce, recouverts par l'eau salée. C'est un autre aspect du drame que vivent les populations de cette région. L'agriculture, les élevages divers sont dans une situation que l'on a peine à imaginer.
A droite de ces photos, c'est la Charente Maritime, avec notamment Charron, dévastée également et ses ostréiculteurs désespérés. Plus au sud, La Rochelle, ou encore le Marais d'Yves, particulièrement touché dans sa biodiversité, à l'image de l'île de Ré ou d'Oléron. Non loin de là, la ville fortifiée de Brouage, à deux kilomètres de la mer, a vu revenir les flots lécher ses mûrs!...
En Vendée, on peut affirmer sans crainte d'être excessif que tous les secteurs conchylicoles sont durement touchés. Comme ci-dessus, au Port de la Guittière, à Talmont-Saint Hilaire, ou cabanes, parcs à huîtres et matériels divers ont souffert, ou sont même, pour certains, largement détruits.
Les effets de la tempête, sur le profil de la côte, ne sont pas les moins visibles, comme ci-dessous, du côté de la petite plage, proche du vivier de La Mine, où je séjourne volontiers, dès les premiers beaux jours. Le sentier du littoral a disparu, dans sa partie la plus proche de la grève!... La Mine, ma plage amie de trente ans!... L'accès par l'autre extrémité du sentier est également fermé. Sa prolongation vers le Port de Bourgenay, côté sud aussi.
En prenant la direction des Sables d'Olonne, les dégâts deviennent spectaculaires. La route de la corniche a subi quelques outrages, qui vont empêcher son accès pendant quelques semaines. La nouvelle passerelle réservée aux piétons et aux cyclistes, face au restaurant étoilé Cayola s'est envolée!...
En plusieurs endroits, les portions de chemin ont disparu. Pire encore, la route a été littéralement coupée par le flot dans un des virages, malgré une protection centenaire.
Quelques kilomètres encore et l'ampleur du phénomène prend toute sa dimension dans la ville et le port des Sables d'Olonne, sans pertes humaines malgré tout. Cela laisse supposer la hauteur d'eau au plus fort de la marée!... Sur le Remblai, la mer a atteint les façades et déferlé dans les caves. Le bitume a été soulevé par l'eau s'engouffrant sous le trottoir. Port Olonna est un sinistre capharnaüm!...
En continuant vers le nord, un autre point de la côte concentre l'attention des spécialistes du littoral, afin de limiter au plus vite les effets de la marée : la Plage des Granges, près de La Gachère, à l'embouchure du petit fleuve côtier Auzance. Là, l'écluse et la digue ont résisté, mais de chaque côté, surtout sur la rive nord, la dune a été emportée, comme un château de sable, à la fin d'un concours estival, pour enfants en villégiature!...
La Plage des Granges, elle-même, a reculé de plusieurs mètres (dix par endroit). Le profil de la dune a quelque peu évolué... Ce sera désormais une constante jusqu'à Noirmoutier.
Parmi ces plages dévastées, l'une d'elles attisait ma curiosité. Nous nous y rendons en passant par St Gilles-Croix de Vie, où les effets de la tempête sont peut-être moindre que dans d'autres points de la côte, à l'image également de St Jean de Monts, quasiment épargnée. Mais, tout est relatif. Nous voici donc, à l'entrée de la Plage de la Parée Préneau, à St Hilaire de Riez. Là, une barrière en empêche l'accès aux promeneurs. Et pour cause!...
On y découvre une marche d'environ 3,50 m!... Ce qui vient confirmer le constat fait plus au sud. Pour illustrer complètement l'ampleur du phénomène, on voit là une sorte de trottoir en béton, que je retrouve non sans surprise, après quelques années. En effet, il s'agit de la conduite bétonnée, qui protège l'atterrissage des câbles sous-marins transatlantiques!... Celle-ci devrait être à 4 m, au moins, sous le sable de la plage!... Étonnant!...
A priori, sur toute la côte, on constate un recul de 7 à 10 m du trait de côte des dunes littorales. Ce retrait est certes connu depuis de nombreuses années. Mais, d'aucuns estiment que celui-ci atteint 20 m dans certains endroits, depuis le 28 février dernier. Ci-dessus, la photo de droite est une vue de la Plage de Luzeronde, sur l'île de Noirmoutier, non loin du port de l'Herbaudière. Ceux qui y séjournent parfois, vont avoir du mal à en reconnaître le profil!... Noirmoutier, où les quatre communes de l'île se réjouissent des efforts consentis, ces dernières années, pour renforcer les digues, atteintes malgré tout et d'avoir interdit certaines zones à toute construction, en imposant des règles strictes pour l'implantation des nouvelles maisons, au-dessus du niveau de la mer.
Dans le Nord-Vendée, quelques phrases également à propos du secteur de la Baie de Bourgneuf, où l'on retrouve une flottille de bateaux dans le Port du Bec, concentration d'ostréiculteurs, la plupart très atteints par la force des éléments. Tout comme leurs voisins installés sur le polder des Rouches, 27 ha envahis par 400 000 m3 d'eau de mer, retenus par une digue submergée par la marée, sans avoir cédée. Pompage en cours!...
En fait, tous les secteurs liés à l'activité maritime, à l'exception des pêcheurs côtiers, sont vivement touchés. Les sauniers comme les conchyliculteurs. Les agriculteurs littoraux au même titre que tous ceux qui sont partie prenante de "l'industrie touristique".
Il serait vain de se poser en donneur de leçons. Mais, le temps d'une certaine prise de conscience est venu, ne serait-ce que parce que la terre que l'on veut nôtre, même sous la forme de quelques arpents, dans un lotissement "les pieds dans l'eau", nous ne faisons que l'emprunter à nos enfants...
Et, je ne formule là que le voeu, que tous les niveaux d'autorité et de décision prennent le temps d'écouter ceux qui en savent plus sur le sujet, avant de tirer des conclusions opportunes, au fil du temps. Après tout, il est de plus en plus aisé de consulter des études et des données scientifiques très explicites. Il en va de notre citoyenneté et de notre communauté. De notre futur, tout simplement!...
A noter, au passage, cette sympathique initiative d'une autre communauté, celle de la blogosphère : Du rouge pour la Vendée!...