Chronique d'un destin fragile...
... pas d'une mort annoncée, parce que l'emploi de certaines formules nous fait toujours un peu mal. Ou que nous manquons de courage... En tout cas, Olivier B pousse un cri de douleur, d'amour.
2011 commence sous de sombres augures. Toutes les statistiques évoquant le moral des Français semblent nous installer dans un hiver en pente douce. A l'heure où le débat sur les 35 heures rebondit de nouveau, comme pour démontrer à quel point le débat politique est vain, répétitif, stéréotypé et, pour le moins, peu imaginatif, tout en manquant fatalement de pudeur, d'autres nouvelles nous arrivent donc du vignoble.
Olivier B fait profil bas. Olivier B a le blues dévastateur, mais reste lucide en tournant le dos aux difficultés de tous ordres. Mauvais bilan du dernier exercice?... Perspectives peu réjouissantes en matière de réglementation?... Clientèle volage?...
Olivier B l'explique fort bien : quand son propre équilibre mental, quand sa santé physique paraissent menacés, il ne faut pas faire l'année de trop... Comme certaines de ses cuvées, il est épuisé.
Il est celui qui crie sa douleur, qui évacue son mal-être. Ne serait-il pas, au passage, une sorte de porte-parole de tous ceux qui en bavent des ronds de chapeau, en ce moment?... Notamment, dans le milieu des vignerons et avec eux, des cavistes, des restaurateurs?... Y compris chez ceux qui peuvent se rassurer d'une notoriété déjà ancienne, leur délivrant un passeport ou une carte "As du volant" ou "Increvable"!... Qu'ils ne savent quand jouer, parce qu'ils ont oublié la règle du Mille Bornes, à force d'être toujours sur les routes!...
Pourquoi en arrive-t-on là? La faute à la crise? La faute à l'espoir né de deux décennies, au cours desquelles de vertueux politiques et grands communicateurs nous ont ressassé l'absolue nécessité d'aller de l'avant, de tenter sa chance en solo. "Mais, foncez!... Avec votre talent... Et au bout, la Rolex!..."
Certains tracent leur route (pas forcément rectiligne, loin s'en faut!). D'autres ont déjà démontré leur force, leur capacité d'adaptation, leur imagination... Et pourtant, ils sont parfois au bord du gouffre!...
L'exemple d'Olivier B, qui pourrait être suivi d'autres, surgit au moment où la blogosphère viti-vini connaît un développement que d'aucuns se hâtent de mettre au pilori, pour vice de conformisme! Mais, comment peut-on se permettre encore de tirer sur les pianistes qui apportent un souffle nouveau? Les BL, Eva, Antonin sont peut-être nos Stones à nous, nos Ray Charles (pour les fans de jazz!...). Les Dylan et autre Patti Smith, qui vont finir par faire hurler nos transistors tout droit sortis des années 60 ou 70, à coup d'iPhone avec vue-sur-la-planète-entière!... En leur souhaitant quand même un autre destin que ces illustres radio stars.
On peut avoir de l'affection pour ces jeunes passionnés de vin et de dégustation, parce que le fait qu'Olivier B arrête comme cela, juste d'un cri, ils viennent de le prendre dans la tronche! Peut-être que, voilà juste quelques jours, ils pouvaient être surpris que les dinoblogueurs évoquent avec une sorte de tristesse, teintée d'un soupçon de perplexité, les difficultés ou le sort de tel ou tel vigneron de leur connaissance. Parce que les liens noués çà et là, dans un caveau, autour de quelques barriques ou flacons, élèvent parfois les rapports humains. Au point de parler (de façon excessive peut-être) d'amitié...
Avec nous désormais, la bloglouglou facebookiste et twitterienne s'interroge... Que faisons-nous vraiment pour ces vignerons qui nous interpellent de leurs cuvées? Pour ces fous vinifiants dans leur drôle de cuvier? Sommes-nous dignes de leur confiance? On aimerait être certains d'avoir un impact sur leur équilibre financier, avec nos 200 visiteurs/jours, mais rien n'est moins sur... Nos relations doivent-elles néanmoins rester uniquement de l'ordre du fichier clientèle?
La période que nous partageons, me fait penser à ces petits jeux de société, sorte de labyrinthes couverts d'une vitre. La petite bille doit, à force d'adresse et au hasard de vos mouvements des mains, atteindre le centre des cercles concentriques, en passant par de petites portes décalées. Il y a parfois deux billes sur la même ligne et cela se complique!... On joue peut-être avec le même jeu, mais tout le monde ne suit pas le même parcours. Les vigneron(ne)s y sont même conviés, mais ont-ils adopté la même règle?
Il me semble que l'humilité doit rester la règle. Il faut continuer à partager, à évoquer nos émotions, à nous rencontrer, voire à nous "pochetronner" (en sachant raison garder!), à écouter les vignerons, à décrypter leurs paroles, à lire entre les lignes, à leur acheter quelques flacons, à nous mettre à table et puis, à tenter d'élargir le cercle des passionnés, en usant chacun de nos armes. Pour que celui des vignerons disparus cessent de s'agrandir.
Je connais peu Olivier B et ses vins, pour ne les avoir croisés que récemment. Mais, le vigneron ardèchois (coeur fier et fidèle!) a certainement contribué aujourd'hui à faire bouger quelque peu le sol sous nos pieds. Aura-t-il néanmoins réveillé le papillon qui dormait aux antipodes?...