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La Pipette aux quatre vins
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16 juin 2012

REVEVIN 2012 : Eric Nicolas, Domaine de Bellivière

La dernière matinée des REVEVIN est traditionnellement consacrée aux moelleux et liquoreux du Val de Loire. Longtemps circonscrite à l'Anjou et même au Layon, la séance dominicale s'ouvre désormais à d'autres territoires et explore le vignoble, en remontant le cours du fleuve, voire de ses affluents.

Cette année, Coteaux du Loir et Jasnières (dont un certain Curnonsky a pu dire, naguère, qu'il était trois fois par siècle, le meilleur vin blanc du Monde!) étaient à l'honneur. Christine et Éric Nicolas, du Domaine de Bellivière, que l'on a coutume de croiser sur divers salons, avaient tout à fait compris l'esprit qui anime ce genre de matinée. A l'instar d'un Patrick Baudouin, qui nous permit de découvrir l'exceptionnel millésime 1997 ou d'un Francis Poirel, proposant de passer en revue tous ses Suronde, le vigneron de Lhomme fit de nous, en à peine quelques heures, des pêcheurs par gourmandise. Sans nous en rendre compte, nous redevinrent de jeunes garçons (et des petites filles!) prêts à gravir l'escabeau pour atteindre le sommet de l'armoire et plonger nos doigts dans les pots de confiture de notre grand'mère!...

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Certes, il convenait d'être attentif, au moment de découvrir tous ces nectars, mais il fallait aussi être gourmand. Attentif, du fait de la rareté de ces cuvées et de toute leur complexité, mais aussi gourmand, pour être certain de capter les arômes, les sucres, les équilibres, qui font de ces vins, des témoins de temps presque révolus. C'est souvent le hasard des millésimes et de la vie qui en a été la genèse : une parcelle oubliée, des raisins voués aux étourneaux et finalement porteurs d'une sorte de mystère... On se prend alors à espérer que la passion du vigneron reste intacte, que rien ne vienne trop la contenir et que le temps qu'il a pu passer à préparer cette superbe séance (en remuant quelques cartons dans sa cave et en soufflant sur la poussière des étiquettes afin d'être certain de les identifier) l'ait suffisamment amusé, afin de réactiver son envie et remis quelques souvenirs d'un grenier poussiéreux que l'on se surprend à chambouler, au goût du jour et des futurs millésimes.

Allez savoir pourquoi, cette série de onze vins me rappelle certaines après-midi de vacances estivales en Bretagne, lorsqu'une météo chafouine de juillet incitait ma grand'mère à ouvrir sa cheminée (en principe toujours fermée, comme un placard, par deux grandes portes bleu ciel), à allumer un feu et à nous faire cuire de grandes crêpes sur une large crêpière posée au-dessus de la braise. La confiture de fraises, parfois de mûres, descendait alors de l'armoire. Curieusement, certains pots étaient mal refermés et des traces de doigts étaient encore apparentes!... "Tu m'en diras des nouvelles!... Si tu es sage, pot bihan, je t'en ferais une autre, au sucre..." Magie de la mémoire. Gageons que cette séance rejoindra la galerie de nos bons souvenirs montois et carlinesques.

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1- Les Giroflées 2004 - Rosé de Pineau d'Aunis :
Rose brillant, pelure d'oignon. Le nez s'exprime sur des notes doucement poivrées. L'attaque est fraîche et intense (haute maturité, potentiel de 14,2°). La bouche suggère légèrement la cerise coeur de pigeon. Pas plus de 20 à 30 gr de sucres résiduels, ce qui donne au vin une finale délicatement acidulée, assez typique du pineau d'Aunis, additionné ici d'une touche de grolleau. ****

2- Les Giroflées 2009 - Rosé de Pineau d'Aunis :
Rose tendre. De délicats arômes de fraise cuite, à moins que ce ne soit même de tarte aux fraises!... Bouche acidulée et douce, avec une belle fraîcheur. Un rosé demi-sec bien constitué et 35 gr de SR qui en font une réelle gourmandise. ***(*)

3- La Salamandre 2004 - Rosé moelleux de Pineau d'Aunis :
Or brillant soutenu. Nez remarquable, tout en finesse, dont la délicatesse le dispute à la complexité : notes de champignons de couche, de racine... Du grand art, que d'obtenir une telle robe avec un pineau d'Aunis!... La bouche est tendue, ample, harmonieuse. 50 gr de SR et indiscutablement un pur bonheur à table, sur une belle cuisine épicée. Remarquable!****(*)

4- Haut-Rasné 2002 - Coteaux du Loir :
Or soutenu. Le vin a dix ans et son expression est déjà multiple. Toujours sur un mode fin et complexe, le nez révèle de jolies notes de miel de tilleul. Un vin issu de chenins assez jeunes, sur un sol d'argiles à silex sur tuffeau et sables filtrants. La bouche est droite, dotée d'une belle finale saline. Une touche de fruits secs, de figue donne toute la dimension de ce vin mature, dont la puissance et l'intensité s'étirent longuement, relevées par une pointe oxydative. ****(*)

5- Haut-Rasné 2005 - Coteaux du Loir :
Très belle robe dorée. Dès le premier nez, sensation de fraîcheur, avec une sorte d'acidité fruitée, qui évolue sur les fruits confits, l'abricot. Bouche intense et droite, gardant une sorte de subtilité jusqu'à la belle finale tonique, qui s'exprime sur le miel et l'ananas frais. Un autre registre que le précédent, presque une opposition de style, démontrant tout ce qui nuance les millésimes. ****

6- Haut-Rasné 2009 - Coteaux du Loir :
Or brillant soutenu. Un nez intense et explosif de miel et d'orange confite, avec une approche aérienne et florale. La bouche est à la fois acidulée, puissante et précise. La finale s'étire sur des notes de fruits blancs cuisinés, voire confiturés. A ce stade, il faut l'apprécier pour lui-même et tenter de le lire entre les lignes. Potentiel plaisir indiscutable. ***(*)

7- Philosophale 1999 - Coteaux du Loir :
Or soutenu, intense. On entre dans une autre dimension!... Celle des grands liquoreux issus de chenin, dans les années d'exception. Issu d'un assemblage de parcelles situées sur trois communes, lorsque la vendange dépasse 18° potentiels. Un superbe nez de miel et de cire, qui évolue vers des notes de truffes. On retrouve la cire d'abeille et le miel pour la bouche droite et complexe. Jusqu'à la finale, une sorte d'ampleur dynamique accentue la persistance de ce grand vin. ****(*)

8- Philosophale 2010 - Coteaux du Loir :
Or soutenu. Un très joli nez d'agrumes frais. Très belle pureté de fruits blancs, soulignée par une acidité délicate et fine. Beaucoup de chair et d'onctuosité, pour cette bouteille dotée d'un grand potentiel. ****

9- Elixir de Tuf 1999 - Jasnières :
Or soutenu, légèrement orangé. Un nez de miel et de cire douce. Du chenin sur argiles à silex sur tuffeau dans les années d'exception, lorsque les tries de vendanges atteignent et dépassent 20° potentiels. Un liquoreux riche et dense sur des notes d'abricots confits. Une vinosité longue poussée par la salinité délicate de la finale. *****

10- Aurore d'Automne 2005 :
Robe qui oscille entre des notes caramel et Cognac. Étonnant nez de fruits rouges confits. C'est la version liquoreuse de la Salamandre, dans les millésimes les plus riches, comme 1999 et 2001. Un pineau d'Aunis doté d'un superbe volume et d'une ampleur étonnante. On passe des zestes confits à la prune cuite. Étonnant, tout simplement!... *****

11- Elixir de Tuf 2004 - Jasnières :
Un oeil miel orangé. Le nez est une pochette surprise!... Épices douces, tabac blond, les ressources semblent infinies!... La bouche est portée par des notes de zestes d'agrumes confits. Le vin possède une liqueur et une densité étonnantes. La rétro-olfaction est cohérente et palpitante. Énorme!... *****

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De très belles liqueurs donc, en guise de conclusion de ces REVEVIN. Une dégustation comme on en rêve parfois, composée de cuvées qui forgent l'histoire d'un domaine. Depuis quelques années, les amateurs ressentent une véritable curiosité à découvrir les millésimes successifs des grands classiques de Bellivière : Les Rosiers, Calligramme, L'Effraie, Vieilles Vignes Éparses, Le Rouge-Gorge... que l'on déguste souvent très (trop?) jeunes. Cette matinée pleine de douceurs démontre à quel point ces vins vivants sont taillés pour la garde et, dans le cas de ces moelleux et liquoreux, faits pour défier le temps. Éric Nicolas peut porter sans crainte son habit de référent ligérien en la matière. Prenez le temps de re(découvrir) ce domaine passionnant. En attendant, prenez connaissance d'autres avis ici et .

Commentaires
V
J'ai eu l'occasion de goûter à l'aurore d'automne 2005, il est excellent.
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