Saumur, Loire et Angers
Comme une trilogie incontournable pour saluer l'ouverture de février, chaque année, le rendez-vous ligérien semble attirer de plus en plus de passionnés de la chose vineuse. Pas tous sans doute, tant la contradiction des autres aime à combattre l'addiction des uns. Encore faut-il affirmer cela avec prudence, puisque les premiers disent combien ils admirent parfois certains bio-nectars et les seconds se défendent de tout sectarisme, même s'ils ne fréquentent guère, pour la plupart, les grandes messes conventionnelles et institutionnelles. Il faut dire que, pour leur défense, ce qui est proposé par les tenants d'une viticulture respectueuse de l'homme et de l'environnement prend des proportions plutôt conséquentes, que ce soit du côté de Montpellier, ou en Anjou-Saumur.
De l'amour pour Saumur, on rend gloire à la Loire et Angers n'est que beauté!... Ca ne devrait pas manquer de vous rappeler quelque chose de très... côte ouest!... Je rêve d'une diligence tirée par un bel équipage, mais c'est un train qui me dépose sur la place minérale très post-XXè (siècle) d'Angers St Laud, à ne pas confondre avec Los Angeles!... D'ailleurs, la température ambiante me le rappelle très vite. Vingt minutes de marche face au vent du nord me sortent de ma torpeur. Je prends le château médiéval à revers et franchis la rivière Maine sans coup férir. En arrivant aux Greniers St Jean, tout semble calme, comme un Fort Alamo avant l'attaque mexicaine. Mais, à peine franchit-on la porte ouest que l'on découvre une foule affairée à chaque table, comme s'il s'agissait de Venice Beach Boardwalk, au coeur de l'été californien.
Le skate-board sous le bras gauche et le Spiegelau dans la main droite, je fends la foule comme une houle. Quelques vignerons amis à saluer, quelques amis de vignerons à retrouver et je prends l'option de casser une petite graine en guise d'ouverture. Après tout, il est 13h passé. Pas forcément le meilleur choix pour optimiser la dégustation qui va suivre, mais, quelque chose me dit que celle-ci ne sera pas aisée, du fait de l'importantee fréquentation du salon. A quelques temps de là, l'ami Olif me rejoint. Finalement, on apprécie quelques canons ensemble, puis on se lance en quête de clichés photographiques - Tronches de vin oblige - avant d'être rejoints par un couple ligério-parisien en goguette et un joyeux groupe venu de Bruxelles, dont nous partagerons la table en soirée... et plus si affinité. C'était au temps où Bruxelles bruxelait, sur les pavés de la Place Ste Catherine... Autour d'un cep, puis le Cercle Rouge, bonne cuisine et quelques quilles à suivre, un peu de rock'n'roll ("plus fort la musique", s'égosille Audrey de Bruxelles, debout sur sa chaise)!... Long is the night!... Au cours de l'après-midi cependant, quelques jolies quilles croisées çà et là : les rieslings de Clemens Busch, sur des schistes aux teintes diverses et variées, rouge, bleu ou gris, ou encore les cuvées très sud d'Aline Hock, venue de Latour de France et les Malepère de Frédéric Palacios, du Mas de mon père, à Arzens. Sans oublier le Domaine des Enfants Sauvages ou Le Soula de Gérard Standley.
A noter que le dimanche matin, frais et dispos avant même l'heure de l'ouverture, nous avons pu apprécier (mieux que la veille pour la plupart des rouges!) les Champagne Marie Courtin, puis les Chablis d'Alice et Olivier De Moor, ainsi que ceux d'Athénais de Béru, dans des styles différents, mais tout aussi passionnants. Jolie série également avec Julien Guillot, en Mâcon-Cruzille, puis belles gammes proposées côté Italie, avec Silvio Messana, de Montesecondo ou encore Elisabetta Foradori. Bonnes sensations également du côté de chez Emmanuel Giboulot, côté Beaune, mais aussi côté Nuits avec Jean-Louis Trapet. Avant de quitter ces lieux très appréciés de tous, escale non loin de la sortie auprès des Delesvaux, où l'on peut apprécier les grains nobles du domaine, dont le fameux Anthologie 2010, nectar ligérien s'il en est.
Bien des impasses cependant, tant le programme s'avère chargé à Angers. Mais, non loin de là, en plein centre ville, deux autres lieux accueillent d'autres groupes non moins passionnants. Etape donc, sous les coups de midi, à la Collégiale St Martin, où se réunissaient les Vins anonymes, soit une bonne trentaine de vignerons qui méritent de sortir de l'anonymat, dans lequel ils ne sont pas tous d'ailleurs : Ivo Ferreira, Sylvain Bock, Jean-Christophe Garnier, Damien Bureau, sans oublier Lilian Bauchet ou Julie Balagny par exemple.
Après nous être restaurés auprès d'Emmanuel Chavassieux, proposant notamment un hamburger franco-français, genre crépinette grillée et moutarde violette, traversée digestive du vieil Angers, pour rejoindre cette fois le château, dont nous franchissons le pont levis et la salle des gardes, avant de rejoindre le Logis du Gouverneur. C'est là que les Mosse, Puzelat et Cie ont invité quelques vignerons français certes, mais aussi italiens, espagnols ou géorgiens, pour Les Pénitentes @ Le Gouverneur.
De la qualité à toutes les tables, méritant toutes le détour : Dominique Belluard a fait le voyage (c'est plutôt rare!), Patrick Meyer, Thomas Pico, Éric Pfifferling, sans oublier les Padovani, Escoda et Serres. Pour tous les goûts!... De plus, dans toutes les salles, ça mitraille!... C'est qu'il y en a des Tronches de passage!... Et des deux côtés des tables!...
En guise de conclusion de ce dimanche angevin, il nous reste juste à mettre le cap sur Saumur, afin d'y prendre nos quartiers. Demain, c'est la Dive bouteille dans les douves troglodytiques du Château de Brézé. Un passage gourmand aux Canons, derrière l'église à Saumur, en soirée, histoire de trinquer avec quelques jolis flacons, dont certains top secret, même pas sortis sur le marché (gâtés!), puis à suivre, une nuit réparatrice (il faut bien ça, parfois!), avant de passer à l'assaut d'une vénérable bâtisse saumuroise.
La 14è édition de la Dive Bouteille, intitulée Le Retour du JeDive (mais où vont-ils chercher tout ça?...), était une fois de plus très attendue. Météo humide mais maniable, moult nouveaux venus, y compris de dernière minute (le buzz orchestré par Sylvie Augereau sur Facebook, à propos de François St Lô a démontré l'impact actuel des réseaux sociaux, au point de surprendre quelque peu le jeune vigneron de Berrie, dans la Vienne, étonné de voir tant de curieux prêts à lui passer commande de ses cuvées 2012, en cours d'élevage!), tous les ingrédients étaient présents pour que chacun apprécie et reprenne un peu de cette force rouge, constatant aisément que les vins "nature" n'ont pas forcément un côté obscur, comme le laissent à penser et à croire certains éminents professionnels.
Lundi 4 février, 10h. Nous sommes les premiers à franchir le pont levis du Château de Brézé et à plonger aussitôt dans le couloir conduisant vers les oubliettes (pour ceux qui seraient mal réveillés!) et les entrailles de la terre. Prêts à en découdre dans les douves, au grand jour et à croiser le verre. La petite bruine matinale nous pousse à rejoindre promptement la grande coursive. Elle monte légèrement et nous conduit vers une salle circulaire, sorte de donjon souterrain. Un endroit agréable, qui va rapidement être pris d'assaut. Il faut dire qu'on trouve là les représentants de la Champagne, de l'Alsace, du Jura, de Savoie et de Bourgogne, Beaujolais compris.
Un peu de Jura du Domaine de la Tournelle en guise de mise en bouche (y'a pire!), puis une série de vins de Savoie, option Chautagne, avec Jacques Maillet, tout à fait zen, du fait notamment de son impression de toucher enfin quelques dividendes d'un travail de plusieurs années et d'une présence quasi constante sur les routes et salons. Il faut dire qu'un petit coup d'oeil à une de ses cuvées, version 2007, tend à démontrer la capacité à bien évoluer de ces vins savoyards, qui ne sont pas tous, loin s'en faut, des vins de raclettes piste rouge!... Autre surprise dans ce recoin du donjon, la présence auprès du vigneron savoyard d'un couple d'amis venu d'Ardèche, plus visiteurs qu'exposants, permettant aux amateurs matinaux de découvrir une ou deux de leurs cuvées, dont certaines déjà très appréciées, en d'autres circonstances, par des passionnés dénicheurs de talents. Les St Joseph de Paul Estève et du Domaine des Miquettes méritent le détour, aussi bien en rouge qu'en blanc. A suivre!...
Non loin de là, découverte importante auprès de Stéphane Bannwarth, alsacien d'Obermorschwihr, guidé par une passion le poussant vers des chemins de traverse, que les amateurs ne peuvent ignorer. Si la vogue (la vague?) actuelle pour les vins orange se confirme et voit apparaître nombre d'essais dans le vignoble, le vigneron alsacien n'a pas ménagé sa peine pour mener quelques expériences traduisant son enthousiasme et sa passion sincère. Il s'est doté de quelques kvevri, des jarres en terre cuite venues de Géorgie, qu'il a enterrées dans son jardin. Très fort les amphores!... Gewurztraminer, pinot gris, riesling et pinot noir du millésime 2011 y ont été entreposées, en adoptant la méthode au mieux. Les deux premiers dégustés à Brézé étaient remarquables!... Du grand art!... Espérons que quelques flacons pourront parvenir jusqu'à St Jean de Monts, en mai prochain.
Côté Bourgogne, juste le temps d'apprécier les vins droits et élégants du Château des Rontets, en Pouilly-Fuissé et la jolie gamme du Domaine Sarnin-Berrux, catégorie Tronches de vin et nous désescaladons le boyau occupé par de nombreux représentants des vignobles du Grand Sud (et par un nombre de plus en plus important de visiteurs!), jusqu'à faire étape auprès des Ardéchois, venus en force et occupés, pour l'heure, à déguster quelques huîtres... Dégustation de quelques jolies cuvées, photos... clic, clac, dans la boîte!...
Avant de passer au vaisseau amiral - la Loire que diable! - petite séance sandwich et restauration diverse, puis retrouvailles avec Luca Roagna, dont la série barolo-barbaresque se goûte remarquablement. Très fort, Il Piemontese!... Des vins qu'on souhaite accessibles à tous les amateurs, afin qu'ils puissent les découvrir, à table notamment. Encore quelques (re)découvertes auprès de Tom Lubbe et Bruno Duchêne, option Roussillon : joli rancio à Banyuls et blanc de macération à Calce, à noter sur nos tablettes.
Comme il se doit, la Loire, au final, ne s'en laisse pas compter : difficile de les citer tous, ceux dont on apprécie tant les cuvées, par les temps qui courent : Jérôme Bretaudeau, Marc Pesnot, venu en chaise à porteurs dit-on, ou encore Noëlla Morantin. Enfin, la série proposée par Etienne Courtois, dont la pureté d'expression et la dynamique sonnent comme des références ligériennes, fussent-elles issues d'un "petit coin de Sologne"!...
La Dive, décidément, un endroit où il peut se passer de drôles de choses!... Nom d'une Tronche de vin!...