Olivier Cousin, un vigneron au tribunal
La date était fixée depuis plusieurs mois : 2 octobre, 14h, au Palais de Justice d'Angers. La Fédération viticole d'Anjou, en tant que plaignante et l'INAO (Institut National des Appellations d'Origine), sont à l'origine de ce procès à l'encontre d'Olivier Cousin, vigneron à Martigné-Briand, au coeur du Layon, suite aux nombreuses infractions constatées depuis 2011 par la Répression des Fraudes, essentiellement pour l'utilisation de mentions dites illégales, pour celui qui revendique une production en Vin de France, voire en "Vin d'ici", mais aussi une origine rigoureusement angevine pour ses cuvées.
Toujours égal à lui-même, Olivier reste disponible lors de ce pique-nique organisé au pied des marches du tribunal. Pourtant, il n'ignore rien des risques de l'affaire, soit 37500 euros d'amendes non payées à ce jour et jusqu'à deux ans de prison. Il faut dire qu'au moins cent cinquante personnes ont fait le déplacement : des vignerons ligériens (Richard Leroy, Patrick Baudouin, Xavier Caillard, Gérard Marula et beaucoup d'autres), mais on retrouve aussi Sylvie Augereau, un peu à la base de ce fort mouvement de solidarité et de soutien international (sans doute 3000 signatures recueillies!) avec Glougueule, quelques journalistes représentant de radios nationales et d'autres plus locales, comme Graffiiti Urban Radio, de La Roche sur Yon, avec Marion qui recueille les avis de quelques présents, pour son émission Les Petits Saignants. On retrouve aussi quelques lecteurs de Tronches de vin, quelques blogueurs (Jim Budd, Bertrand Celce) ou photographes avisés, tel Jean-Yves Bardin, expert ès portraits de vignerons.
Il faut attendre 14h donc, pour rejoindre la salle d'audience. D'ici là, on casse-croûte, on apprécie le vin apporté en charette par Olivier Cousin, on échange sur le sujet ou à propos des vendanges, qui s'annoncent comme parmi les plus compliquées du millénaire, qui ne fait que commencer. La salle n'est pas très grande, mais peut accueillir la plupart des participants, après qu'ils aient satisfait aux formalités de sécurité (passage sous le portique, dépot d'armes diverses, notamment les couteaux, sommeliers et autres limonadiers, après présentation d'une pièce d'identité, il faut dire que nous avons là affaire à un public sensible et volontiers vindicatif!) et traversé la classique salle des pas perdus.
Le problème est que la dite audience s'articule au milieu des comparutions immédiates et tout le monde doit s'armer de patience. Le procès en lui-même débute par l'intervention de Maître Fouquet, avocat de la partie civile (l'INAO), qui très vite laisse entendre que certaines pièces n'ont pas été communiquées en temps et en heure. Au terme de sa plaidoirie, il demande le report du procès à une date ultérieure. Après la courte intervention du procureur, c'est ensuite à l'avocat d'Olivier Cousin, Maître Morain, de plaider. Il s'oppose alors vivement à cette éventualité, mais finalement ne sera pas suivi par la Cour qui, après une suspension de séance, revient annoncer le report pur et simple du procès au 5 mars 2014.
Après, c'est, comme de bien entendu, le temps des supputations. Chacun s'interroge sur les véritables raisons d'un tel report, qui laisse perplexe nombre des présents, quant à l'attitude de la Cour, balayant d'un revers de toge la dimension humaine de l'affaire, pour un prévenu confronté à cette situation depuis maintenant deux ans. Maître Fouquet se réjouissait, visiblement, au cours de sa plaidoirie, de la présence du public, là même où d'autres supposent que la justice espère faire retomber le soufflé, en gagnant du temps et en dépassionnant le débat, repris de façon assez intense par quelques médias nationaux, depuis quelques jours.
Photos : Jean-Yves Bardin
D'aucuns rêvent d'ores et déjà d'une nouvelle mobilisation début mars et elle pourrait se concrétiser après le début d'année, à l'occasion des divers salons qui réunissent moult vignerons de la mouvance bio et nature. Affaire à suivre!... On peut donc laisser la conclusion à Jim Budd, reprenant une expression so british pour illustrer la journée et ce procès : "Kick it into the long grass!" On pourrait traduire cela par botter en touche, un peu comme si ce ballon était usagé et qu'on souhaitait s'en débarraser en l'oubliant dans les hautes herbes...