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La Pipette aux quatre vins
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5 juillet 2019

La Paulée de l'Anjou 2019 : de la Coulée aux Greniers

Une semaine de canicule sur la France n'a pas freiné l'enthousiasme des quelque cinq cents invités et participants de la 8è édition de la Paulée de l'Anjou!... Pourtant, chacun admettait, en ce dimanche 30 juin, que les températures extrêmes des deux jours précédents auraient pu sans doute perturber son bon déroulement si, d'aventure, elles s'étaient confirmées... Pensez-donc! La découverte pédestre du célèbre Clos de la Coulée de Serrant, "grand cru" ligérien, imposait eau fraîche et brumisateur, voire chapeau de paille ou ombrelle... Sportif et propice à évacuer quelques toxines!... Avant même de passer aux choses sérieuses et de déguster les vins de plus de cinquante domaines de l'Anjou noir et de l'Anjou blanc, dont une bonne partie issue de ce que l'on a coutume d'appeler plus précisément le Saumurois. Mais, tous fans de chenin!...

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Le traditionnel rendez-vous de la Paulée de l'Anjou noir a donc pris un audacieux tournant dans sa récente histoire, puisque la réunion au caractère très champêtre de ces dernières années, au cours de laquelle cent, voire deux cents personnes d'un panel assez large, allant du journaliste spécialisé au bon client amateur, se retrouvaient autour de quelques jolies cuvées et un cochon grillé, souvent accompagné de légumes anciens, a muté en un raout quelque peu mondain, ou nombre "d'influenceurs" internationaux se devaient d'être présents. Il faut dire que cette Paulée faisait figure d'entrée en matière opportune, voire de mise en jambes quelque peu physique, papilles comprises, au 1er Congrès du chenin (CBIC, Chenin Blanc International Congress, comme on dit dans la langue des plus éminents dégustateurs anglo-saxons!) se déroulant à Angers, du 1er au 3 juillet. Que tout le monde ait apprécié ce changement de paradigme, c'est une autre histoire, mais le chenin, cépage des plus remarquables et les vins de la région, dont certains peuvent certainement prétendre au sommet de la hiérarchie gustative, méritent bien ce genre de grand'messe. D'autant que l'initiative, rappelons-le, en revient voilà sept ans, à un groupe de vignerons passionnés et militants, ayant petit à petit laissé de côté ses divergences, pour faire valoir toute sa diversité et entretenir l'idée même de la biodiversité devenue la préoccupation d'un plus grand nombre.

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A la demande des vigneron(ne)s du cru eux-mêmes, un homme nouvellement arrivé dans la région (et déjà adoubé par ses pairs ligériens, semble-t-il!) pouvait contribuer à ce nouvel élan. Ivan Massonnat, "financier parisien, ambitieux et passionné", selon la description qu'en fait le journal régional Ouest-France du 29 juin, en avait la carrure, même si de toute évidence, il ne tire pas dans la même catégorie (sportivement parlant!) de celui qui l'a convaincu de poser et d'exprimer sa passion du chenin. En effet, depuis quelques semaines, Ivan Massonnat a repris le Domaine Pithon-Paillé et du même coup le Coteau des Treilles, cher à Jo Pithon, admirable cru connu pour sa pente vertigineuse composée de roches volcaniques, spilites et grès, voire poudingues carbonifères!... Et même, au passage, quelque dix hectares du Domaine Laffourcade situés en appellation Quarts-de-Chaume. Un véritable défi, surtout lorsqu'on tient compte des difficultés à écouler ces grands liquoreux du Layon!... L'ensemble est devenu le Domaine Belargus, tirant son nom d'un petit papillon bleu présent dans la réserve naturelle du Pont Barré toute proche. L'homme ne manque certes pas d'ambition, ni d'enthousiasme, puisque lors de son discours, au moment de l'apéritif au Musée Jean Lurçat, à Angers, Ivan Massonnat faisait part de deux scoops à l'auditoire : l'organisation de la prochaine Paulée, en 2020, dans le cadre du Saumurois, notamment à l'Abbaye Royale de Fontevraud, haut-lieu du tourisme régional, mais aussi richesse incontestable du patrimoine ligérien et sans doute, d'un épisode new-yorkais pour cette même Paulée de l'Anjou!... Une sorte de nouvelle conquête de l'Ouest, ce qui peut se révéler tout à fait opportun, tant la demande de vins blancs secs de la Loire semble croître de façon quasi exponentielle outre-Atlantique, dit-on!...

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Après un petit parcours Angers-Savennières effectué en car (ceci évitant le stationnement de dizaines de véhicules sur le site) et la récupération des badge, carnet de dégustation, bouteille d'eau et chapeau de paille pour ceux qui le souhaitaient, de petits groupes se sont aventurés dans le cadre remarquable de la Coulée de Serrant. C'est Nicolas Joly qui présente le lieu, avec toute sa dimension historique incontestable. Il rappelle les jalons principaux de l'Histoire : 1130, plantation de la vigne par des moines cisterciens installés dans le monastère tout proche et faisant partie de la propriété, puis les trois batailles (sic!) essentielles : 1214, bataille de La Roche aux Moines, opposant Capétiens et Plantagenêts, dont on sait qu'elle n'eut pas vraiment lieu, puisque Jean sans Terre, roi d'Angleterre, vit ses alliés se dérober à l'approche des armées de Louis (qui deviendra pour la postérité Louis VIII le Lion) et de Philippe Auguste, venues libérer la forteresse construite en 1206, subissant un siège impitoyable. En 1592, pendant les Guerres de Religion, elle sera largement démantelée, au point que seule la grande allée de cyprès (dite Cimetière des Anglais), remontant au XIIè siècle, subsiste de nos jours, là-même où se déroulait la dégustation des crus de la région.

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Bien sur, le maître des lieux se devait de nous éclairer quant à la troisième bataille... Elle est en cours, selon lui et pour la définir, Nicolas Joly explique qu'il s'agit de celle que mène "l'agricuture conventionnelle à celle respectant le vivant et le goût du lieu, pour ce qui est des vins", théorème que les vignerons présents ici ont adopté sans rechigner. Il nous explique au passage que pour savoir si un vin exprime sa terre et son lieu d'origine, il suffit d'ouvrir une bouteille et d'en consommer un petit verre chaque jour pendant deux semaines. S'il reste le même, voire s'il s'améliore sur la durée, vous serez là en présence d'un flacon qui exprime "les forces ventrales du vin"!... On peut dire qu'il s'agit là de vivre la passion vineuse avec ses tripes!...  Mais, l'heureux propriétaire du célèbre cru de sept hectares qui, avec 2018, en est donc à sa 888è vendange, évoque aussi, non sans humour et de façon anecdotique, ces jours où il s'équipe d'un détecteur de métaux et se lance à la découverte des témoins du passé, à savoir les pièces qui traversent l'histoire dans les sables et les schistes du domaine, démontrant que le temps n'a pas de prise sur un tel lieu.

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Après cette entrée en matière, la promenade bucolique concoctée par les organisateurs, nous permettait de descendre au fond de la coulée perpendiculaire au lit de la Loire, puis de s'attaquer au versant sud pour atteindre son sommet. Une première pause permit à deux jeunes spécialistes de nous présenter un des auxiliaires du vivant local, à savoir les chauves-souris, très utiles pour lutter contre certains ravageurs (ver de la grappe, ou cochylis). On y apprend que vingt-et-une espèces de chiroptères sont présentes en Pays de la Loire (34 en France, 39 en Europe et 1000 à 2000 dans le Monde), dont la Pipistrelle de Kühl, l'Oreillard ou les Rhinolophes, qui ne sont pas rares dans la contrée. Après avoir hiberné, les femelles se rassemblent en colonies plus ou moins importantes (les mâles étant tenus à l'écart!) afin d'assurer une bonne gestation des petits. Équipées d'une sorte de sonar, elles se déplacent aisément la nuit, afin de se nourrir d'insectes divers, sachant également que ces animaux, pesant entre cinq et trente-quatre grammes, mangent la moitié de leur poids chaque nuit, dans un rayon moyen de trois cents mètres!... Auxiliaires indispensables!...

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A quelques encablures du sommet, c'est Fabrice Redois qui nous proposait une dernière pause, afin d'évoquer le terroir de l'Anjou. Un spécialiste du sous-sol, intervenant régulier lors des Paulées, qui n'a pas son pareil pour aborder le sujet avec humour, mais non sans précision. Rappelant que les pédologues sont bien les spécialistes du sol et donc, plus à même d'aborder la question de la plante elle-même dans son support, il rappelle en quelques phrases et quelques documents ce qui caractérise la région. Les cartes ci-dessous sont celles du département du Maine-et-Loire, la première des mines et carrières, soit la géologie montrant bien la séparation entre le Massif Armoricain et le Bassin Parisien, la seconde étant une carte lithologique simplifiée, qui fait état de la nature des sols de surface. Au-delà, on apprend également que les domaines des vignerons concernés sont situés entre 50 et 100 mètres d'altitude et dans une zone recevant moins de 660 mm de précipitations par an (moyenne nationale : 800 mm).

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Source : BRGM Info Terre

Quelques minutes plus tard, la boucle était bouclée, non sans quelques ultimes efforts, afin d'apprécier comme il se doit l'ombre des cyprès et les nombreux crus à (re)découvrir, chance que n'eut pas Louis XIV lui-même, puisque, dit-on, son carrosse s'embourba, alors même qu'il souhaitait découvrir le lieu!... Après un court passage, non loin de là, au salon très nature de Tim Toigo, de Canon Canon, sympathique bar à vins de Rochefort sur Loire, il fallait rejoindre la noble ville d'Angers souffrant quelque peu des mêmes effets de la chaleur, au point que le Musée Jean Lurçat et les Greniers Saint Jean n'offraient pas la fraîcheur espérée, lorsqu'on franchit l'entrée de tels magnifiques bâtiments chargés d'histoire là encore. La soirée, co-présidée par les célèbres sommelières Paz Levinson et Pascaline Lepeltier, n'en fut pas moins belle, longue et très réussie, les organisateurs de l'évènement ayant mis la barre très haute, pour ce qui est du menu proposé et de la performance de servir un tel repas, dans de bonnes conditions, à cinq cents personnes!...

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En effet, en partenariat avec Yannick Biteau, du Val d'Evre, à Ancenis, ce sont trois chefs étoilés de la région qui conçurent le dîner : Mickaël Pihours (Le Gambetta, à Saumur) confectionnât une entrée en matière succulente, les Langoustines nacrées, quinoa d'Anjou au citron noir et bouillon de couteaux à la grenade, puis David Guitton (La Table de la Bergerie, à Champ sur Layon) proposa son Veau fondant confit 36 heures, morilles, légumes croquants, jus corsé au Cabernet. Une très jolie Ardoise de fromages fut ensuite proposée par Philippe Gireaud (L'Alpage, à Rablay sur Layon), enfin Pascal Favre d'Anne (Le Favre d'Anne, à Angers) apporta sa délicieuse touche avec Le Galet de Loire, abricots rôtis et crémeux Dulcey, en tout point remarquable.

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Comme on peut le voir, tous les ingrédients étaient réunis pour passer un beau dimanche à la campagne!... De ceux qui restent dans les mémoires, portés, qui plus est, par les saveurs et arômes des cépages vedettes de la région, à savoir le chenin et le cabernet franc. Naguère décriés par certains ne jurant que par les pinot noir, chardonnay ou riesling, entre autres, ces variétés parfois connotées ligériennes élèvent désormais le Val de Loire dans la cour des grands, puisqu'on se souvient de leur présence en Afrique du Sud notamment, mais aussi dans d'autres régions de France, voire même d'Espagne, où quelques vignerons passionnés en ont désormais planté!... A l'heure où on se préoccupe des conséquences du réchauffement climatique (réflexion en cours dans nombre de pays du Sud notamment), ces nectars issus des coteaux de la Loire (dont certains opportunément exposés au nord ou à l'est...) sont parmi les mieux armés pour répondre à l'évolution des goûts internationaux. Ce qui laisse augurer d'un bel avenir pour la Paulée de l'Anjou en particulier!...

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