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La Pipette aux quatre vins
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31 janvier 2021

Anjou : escapade en altitude!...

En janvier, il faut parfois trouver et découvrir des ressources insoupçonnées, au fond de soi, pour partir dans le vignoble. Cette année, avec guère plus d'une demi-journée par semaine de soleil jouant à cache-cache avec les nuages, on se dit en plus, que la situation météorologique dépressionnaire ne va peut-être pas faciliter la dégustation, comme on le constate parfois. Malgré tout, prendre la température du vignoble, après cette année hors normes qui, malheureusement, ne demande qu'à jouer les prolongations, n'est pas vain. Qui plus est, lorsque le choix se porte sur quelques sommets de l'Anjou viticole, soit, dans l'ordre le Domaine aux Moines, de Tessa Laroche, la Coulée de Serrant, chère à Virgine Joly et Richard Leroy, à Rablay sur Layon.

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Brouillard et forte pluie nous accompagnent selon les secteurs, tout au long du chemin. Nous franchissons cependant sans encombre le Pont dit des Lombardières, entre Rochefort sur Loire et Savennières. Sans doute plus aisément que les troupes de Jean sans Terre, roi d'Angleterre depuis la mort de son frère Richard Coeur de Lion qui, revendiquant le titre de Comte d'Anjou, se lança à l'assaut de l'imprenable forteresse de la Roche aux Moines le 2 juillet 1214. Mais, ses alliés et lui-même durent se retirer devant la bravoure des troupes du Sénéchal Guillaume des Roches, allié du roi de France Philippe Auguste, ce qui conditionna ensuite le résultat de la Bataille de Bouvines (voir Le dimanche de Bouvines, de Georges Duby), le 27 juillet de la même année.

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Nonobstant les conditions climatiques, nous prenons d'assaut le pont-levis et le portail (grand ouvert, c'est plus facile!) du Domaine aux Moines, où nous avons rendez-vous avec Tessa Laroche. On sait l'enthousiasme et la détermination dont a fait preuve la vigneronne de Savennières, pour faire évoluer à petits pas l'appellation Savennières-Roche-aux-Moines, fleuron de la rive droite de la Loire, depuis quelques années. Trouvant quelques alliés (tel le roi de France huit siècles plus tôt) auprès de la petite dizaine de vignerons du cru, également détenteurs de quelques arpents sur le célèbre éperon rocheux dominant le fleuve, elle a eu la satisfaction de voir paraître, au Journal Officiel, le 10 octobre 2019, l'homologation du nouveau cahier des charges de l'appellation, après moult tergiversations inévitables dans notre noble contrée. Ce n'est pas néanmoins la fin de l'histoire, puisque la promotion en "Grand Cru", que l'on peut trouver légitime, au même titre que Quarts-de-Chaume ou la Coulée de Serrant, dans les tuyaux depuis quelques temps, va sans doute devoir attendre quelques années... En même temps que l'apparition éventuelle de "Premiers Crus" en appellation Savennières, voire même dans d'autres secteurs angevins, comme à Bonnezeaux ou pour certains coteaux de l'Anjou (Les Treilles, par exemple). Si ces différentes zones semblent connues des uns et des autres, vignerons et représentants de l'INAO, on peut considérer que les planètes ne sont pas encore alignées et que leur prochaine conjonction favorable n'est pas connue!... Même si un "rééquilibrage" tarifaire s'est mis en place petit à petit, entre appellation générique et supposés Grands Crus. La prochaine étape devrait être l'apparition, sur les étiquettes, des appellations "Coulée de Serrant" et "Roche-aux-Moines", dissociées de Savennières, mais il reste à s'entendre sur le bien fondé de l'affaire... A suivre!...

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Tessa Laroche est à la tête d'une douzaine d'hectares, soit le tiers, à peu près, de l'appellation Roche-aux-Moines. On se glisse sous les deux grands pins face à l'entrée, tentant de nous mettre à l'abri de cette pluie fine qui tombe maintenant sans discontinuer. Nous découvrons ainsi la parcelle la plus proche, juste en-dessous, désormais en friche pour quelques années, avant la nouvelle plantation, qui sera issue d'une sélection massale attentive, réalisée avec les vieilles vignes du domaine grâce à la pépinière mise en place. C'est là que se trouvaient les vieux cabernets quasi centenaires confectionnant l'Anjou-Villages du domaine, dont les qualités étaient soulignées par nombre d'amateurs. Mais, le Roche-aux-Moines rouge n'existant pas, il était cohérent de dédier cette surface au chenin. C'est donc chose faite, le rare et ultime millésime 2018 n'étant déjà plus disponible, du fait de la quantité produite très restreinte et même si la promotion de cette cuvée n'était jamais faite par le passé. Tentez votre chance pour quelques flacons, mais ce sera difficile!...

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Petit tour à l'intérieur du Clos, pour découvrir le jardin (dont on ne peut que louer l'élégance, notamment aux beaux jours), jusqu'au Berceau des Fées, un groupe de pins disposés très attentivement où, dit-on les fées et farfadets du voisinage aiment à se retrouver dès l'arrivée de l'été... C'est un conte légendaire, croyez-vous? Par sûr... De retour dans les locaux où l'on peut déguster confortablement, locaux qui devraient d'ailleurs voir quelques aménagements dans les prochains mois, il est temps d'apprécier la cuvée, dans sa version 2019, du Berceau des Fées, avec une large base de jeunes vignes, mais dont l'expression s'affine et s'affirme avec les millésimes successifs. Ici, pas de sulfites ajoutés, pas de filtration et un élevage prolongé jusqu'en novembre 2020, pour un résultat tout à fait séduisant. Dans le même millésime, la cuvée Roche-aux-Moines exprime un très beau potentiel. Quant à l'Anjou-Villages 2018, dans son ultime livrée, il est lui aussi tout-à-fait réussi. Le Domaine aux Moines, créé en 1981 par Monique Laroche (décédée en juin dernier), infatigable lorsqu'il s'agissait d'arpenter les salons de France et de Navarre et toujours prête à défendre ardemment la notoriété de Savennières et de ses crus, vit une très belle maturité, avec de belles perspectives. Et on peut compter sur Tessa pour garder les pieds sur terre et gérer un ensemble qui a trouvé un bon équilibre et une bonne dynamique. Gageons que l'on devrait retrouver les chenins du domaine dans le dossier spécial Anjou blancs de la Revue du Vin de France, à paraître en avril prochain. Il faut dire que Pascaline Lepeltier et Alexis Goujard, venus récemment chercher dans ces murs la tranquillité de la salle de dégustation, auront payé de leurs personnes, au travers de séances marathon, tant les blancs secs de la région sont légion, voire aussi nombreux que les troupes du roi de France s'opposant à l'envahisseur. Palsembleu! Rangeons nos estocs et filons jusqu'au prochain portail!...

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A peine quelques dizaines de mètres, nos chevaux (fiscaux) n'auront point eu l'occasion de s'échauffer!... Nous voici à la célèbre Coulée de Serrant, au château dit de la Roche aux Moines, lieu des combats de 1214. Il ne reste rien ou presque de la forteresse, puisque sa destruction fut ordonnée en 1592, pratiquement au terme de la période dite des Guerres de Religion, lorsque nous étions là à la frontière des territoires contrôlés par les Protestants (Poitou, Aunis, Vendée...) et de ceux aux mains des armées que l'on peut qualifier de "catholiques et royales" (Anjou, Touraine...). Curieusement, deux cents ans plus tard, ces deux termes associés qualifieront les troupes contre-révolutionnaires venues notamment de Vendée. Il est possible de découvrir de façon panoramique tout le vignoble, en faisant quelques pas sur l'allée fortifiée plantée de vénérables cyprés, que l'on appelle le Cimetière des Anglais.

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En pénétrant dans l'enceinte de la propriété, on a parfois le sentiment de franchir les marches vous permettant d'atteindre la passerelle du temps. En effet, ce sont des moines cisterciens, installés dans le monastère construit dans la coulée même, qui plantèrent là les premiers ceps et ce en 1130.  Nous sommes alors à l'époque des premières croisades, les Normands occupent la Sicile. Gênes, Venise, Amalfi et Pise ne vont pas tarder à étendre leur influence sur la Méditerranée. Les Croisés, faisant escale à Chypre, ne tarderont pas à découvrir la Commandaria, vin doux naturel quasi mythologique produit sur cette île, qui sera vite présent sur toutes les tables royales européennes. Notons d'ailleurs que le même Philippe Auguste, cité plus haut, envoya partout ses messagers afin qu'ils collectent les meilleurs vins blancs pour en établir une hiérarchie. Le premier classement des vins!... Le résultat apparaît dans un poème composé aux environs de 1224, par Henri d'Andeli. Connue sous le titre Dit des vins de France, la Bataille des vins est donc le premier concours connu. Si l'on en croit la liste des vins "appréciés" et celle des vins "excommuniés" (sic), nombre de vignobles actuels y avaient leur représentants. La Coulée de Serrant n'y apparaît pas en tant que telle, mais peut-être était-elle associée à d'autres vins de Loire... Quoiqu'il en soit, nous pouvons déguster, en compagnie de Virginie Joly, le produit de la 889è vendange de la Coulée de Serrant (7 ha de fortes pentes exposées plein sud), soit le millésime 2019, ainsi que 2007 (plus de botrytis) mais aussi le Clos de la Bergerie 2019 (3,2 ha sur des pentes douces plutôt orientées à l'est) et Les Vieux Clos 2015 (5,5 ha sur des pentes parfois fortes exposées est), issus des différentes parcelles. Juste ce qu'il faut pour sauter de la passerelle et continuer notre route, en pensant à ceux qui passèrent par ici voilà quelques siècles et aux autres qui franchiront ce portail dans un millénaire...

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Ultime visite du jour, Richard Leroy, à Rablay sur Layon. Pas trop de temps disponible pour nous, couvre-feu à 18h oblige. La météo est toujours exécrable, pas un temps à mettre un vigneron dehors, alors que la taille bat son plein! Mais, le vigneron de Rablay a répondu favorablement à diverses sollicitations et nous ne sommes pas loin d'une dizaine à déguster les lots actuellement en cours d'élevage. Comme l'indiquait Tessa le matin, la semaine semble être très favorable aux visites, qu'il s'agisse de professionnels divers ou d'amateurs, à moins que la perspective d'un nouveau confinement... Pour les premiers, il faut rappeler que nous sommes là dans la période dite des salons. Dans le sud, Millésime Bio a cependant proposé sa première édition de salon 100% digital!... Un succès, disent les organisateurs, au point qu'une seconde session est d'ores et déjà programmée les 18 et 19 mars prochains. Quand on sait ce que cette manifestation a généré, ces dernières années, de "offs" divers en Languedoc-Roussillon, on imagine sans peine quelques frustrations...

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La Loire avait coutume d'accueillir tous ces étonnants vagabonds du verre à déguster dans les jours suivant le rendez-vous sudiste. Mais las, impossible de se réunir dans les conditions imposées par les contraintes sanitaires. Pas de rendez-vous donc fin janvier et début février. Le Salon des Vins de Loire a donc proposé une réunion de toutes les initiatives angevines et saumuroises (Greniers Saint Jean, Demeter, Dive Bouteille, etc) dans un même lieu, soit le Parc des Expositions de la cité des Ducs d'Anjou. Depuis, consciente des difficultés, Sylvie Augereau, organisatrice de le Dive, avait donné son accord mais, elle vient de revenir sur cette option, trouvant les dates des 11 et 12 avril bien trop proches du marasme actuel. Sans qu'il y ait nécessairement de cause à effet, il se murmure que cette réunion de la mi-avril a du plomb dans la carafe!... Autre option possible, un rendez-vous à la mi-juin, au moment de Wine Paris et Vinexpo 2021, qui se tiendront (normalement!) du 14 au 16 juin, à la Porte de Versailles. On peut penser qu'à Angers, les vignerons pourraient se rencontrer les 13 et 14. Il n'y aurait qu'un jour de chevauchement et ce pourrait être le moyen d'attirer les acheteurs internationaux sur les deux sites, pour peu que mesures barrières, vaccins et green pass (?) aient rassuré la population... et nos dirigeants. Les spéculations vont donc bon train!... Ce qui ne nous empêche pas d'apprécier les chenins de Richard Leroy, versions Rouliers et Noëls de Montbenault 2019, issus de différents lots et de barriques de nombreux horizons. Les vendanges furent très précoces (tout début septembre), ce qui confirme la tendance exprimée au Domaine aux Moines et à la Coulée de Serrant. La pureté et l'élégance de certains jus en étonnent plus d'un!... Le dégré d'exigence du vigneron s'exprime dans le verre. Ses trois hectares donnent le meilleur d'eux-mêmes!... On devine qu'il n'y en aura pas pour tout le monde, d'autant qu'il est déjà difficile de satisfaire toutes les demandes... On en est à espérer que ces bouteilles ne deviennent pas que des objets de spéculation, tant elles méritent de figurer sur la table des amateurs. Pas de doute, nous sommes bien là au sommet!...

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