Et si l'on parlait de terroir?...

Ne voyez pas là une quelconque intention de délivrer, à cette occasion, un cours magistral, loin s'en faut, mais simplement d'évoquer cette notion qui, jamais ne met plus de quelques minutes pour apparaître dans la bouche des amateurs, au cours de la moindre dégustation et, parfois même, lorsqu'il s'agit d'émettre un avis sur le Beaujolais Primeur!...

Pour un auteur américain, il s'agit même d'un "vaudou viticole"! Outre-Atlantique, là où priment, le plus souvent, cépages et méthodes de vinification, cette notion chérie en France est presque intraduisible.

Néanmoins, dans le Nouveau Monde viticole, les conceptions anti-terroir reculent. Ainsi, en Napa Valley, des secteurs privilégiés ont été délimités. En Australie Méridionale, les calcaires rouges - terra rosa - du Coonawarra sont cités en exemple.

Alors?... Quelle définition peut-on donner pour ce mot : terroir? Peut-être celle de Hugh Johnson :

C'est une réalité complexe qui ne saurait être réduite à la composition chimique des sols. Pour les vins de qualité, le concept de terroir, qui est associé à celui de cru, peut être perçu comme un écosystème résultant de l'association, en un lieu donné, d'un type de sol, d'une topographie, d'un sous-sol, d'un climat, d'une plante (porte-greffe et cépage) et de l'homme.

A cela, admettons également que le sol ne doit pas être riche, que la structure est importante, mais pas sa texture. Enfin, la topographie et, notamment, les pentes bien exposées sont déterminantes.

Quoi de mieux qu'une carte d'un sous-sol viticole pour illustrer le terroir dans toute son acception?

Cette carte géologique de l'appellation Savennières, pour les communes de Bouchemaine, Savennières et La Possonnière, établie par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières d'Angers, tend à montrer que les roches-mères les plus représentées datent du Paléozoïque (hic! ère primère). Elles correspondent aux schistes de la série de Saint Georges sur Loire, avec intercalations de bancs de grès, de spilite, de rhyolite et de phtanite. Le Quaternaire est également bien représenté sur l'appellation avec la présence des sables éoliens.

   

En orange, les schistes (pour 191,4 ha, soit 57,6% de l'AOC). Orange pointé de rouge, les grès (77,7 ha - 23,3%), comme du côté d'Epiré. En violet, les phtanites siluriens (3,2 ha - 0,9%) que l'on peut voir surtout dans la partie nord. Descendant vers le sud et en rouge, les rhyolites ou microgranites (16,3 ha - 4,9%) et en vert foncé, les spilites (13,5 ha - 4,1%).

Quelques bancs et filons divers, en jaune pâle, de quartz filonien (0,6 ha - 0,2%).  Les surfaces claires aux points rouges représentent 28,7 ha et 8,6%. Ce sont des sables éoliens du Quaternaire.

Chacun aura reconnu la Loire et deviné l'île de Béhuard.. où il fait bon se restaurer!

Noter que la rive gauche du fleuve propose un sous-sol proche de celui de Savennières. Ce que ne manquent pas de préciser les vignerons qui ne sont présents que de ce côté!...L'exposition en moins!...

Bien sûr, il faut ensuite rapprocher cela de la carte de l'appellation. Pour s'apercevoir notamment que certaines parcelles, fort bien définies et présentées comme des "clos historiques" se situent, pour partie, sur des sables éoliens, qui ne sont pas vraiment le summum. Toujours intéressant, non?...

Comments

[PhilR]

Pour un habitant de Savennières, rien de plus simple! Ces cartes sont consultables en mairie, avec moult détails et légendes diverses!...
Une première approche, avant, peut-être d'interpeller BRGM et autre INRA, à Angers!... ;-)

[Iris]

Dans le Sud - et en "zone de montagne sèche", c'est d'éjà une conditio sine qua non:-)

Cela explique entre autre le choix des porte grèffes, qui doivent avoir des racines plus plongeants, pour bien descendre. Nous avions quelques problèmes à la plantation des nos vignes, surtout les pinots étaient gréffés sur des porte grèffes habituelles en Bourgogne, qui ont plutôt une tendence de se déployer horizontalement - mortel les années de canicule dans nos terres pour les plantiers.

Entre temps, nous préférons planter des porte grèffes, qui ont fait leurs preuves sous notre climat et greffer dessus.

[Daniel S]

Philippe,

Merci pour cette présentation géologique qui me ravi peut-être plus que d'autres lecteurs, avec le temps, on devrait gagner en précision, et arriver à plus de finesse dans la géologie des parcelles; les vins devrait ainsi gagner en précision et en personnalité. En tout cas l'analyse des sous-sol parait être, à mon avis une des pistes à explorer pour progresser, sans perdre de vue que si le réchauffement de la planète devait se confirmer, il faudrait favoriser un enracinement plus profond des vignes.

[PhilR]

Merci à vous!
Sans doute suis-je aussi passionné de géographie, d'histoire et donc de géologie!
Il me semble que découvrir ou visiter un vignoble, y enfoncer les pieds, est plus abouti lorsqu'on prend le temps de rechercher des infos sur le sous-sol. Et on le fait sans doute trop rarement!
C'est sans doute aussi en souvenir d'un passage à Vacqueyras, au pied des Dentelles de Montmirail et à la vue d'une parcelle préparée pour une prochaine plantation, qui montrait, dans la pente, des bandes d'argiles de couleurs différentes : blanche, grise, ocre, orange, brune, rouge foncé...
C'était l'occasion de découvrir vraiment une "terre viticole"! Non que ces couleurs variées n'expriment, dans le vin fini, une aussi multiple variété aromatique, mais qui sans doute, permettait au visiteur de passage de deviner ce qu'il y avait sous la croûte apparente. Ca ne pouvait que nous interpeler!
Un peu aussi, comme la parcelle d'Eric Morgat et ses schistes ardoisiers tout à fait remarquables!... Mais, ceci est une autre histoire!... ;-)

[olif]

Effectivement, un très bel article, qui fait honneur à la Blogosphère vinique! J'aime bien cette définition du terroir, même si elle est intraduisible dans une autre langue, parce qu'elle en reflète la complexité et les différents éléments qui peuvent interférer avec. Un écosystème, c'est le terme qui me manquait, en fait! Dans lequel il ne faut pas oublier l'homme, qui a un rôle prépondérant à jouer, bon ou néfaste, malheureusement, car il est tout à fait capable de le détruire en défonçant au bulldozer les couches patiemment agencées au fil des millénaires afin de pouvoir planter plus facilement!

Savennières, par contre, un p... de beau terroir, j'ai l'impression!