Non loin de la D937, ancienne route de La Roche sur Yon à Nantes, entre Les Lucs sur Boulogne et Rocheservière, se situe la ferme de Gaëtan Serenne et de son épouse Marie-Charlotte. Le petit village de La Bézillère abrite donc une exploitation agricole dédiée à l'élevage de cochons et à leur transformation. Mais, pas n'importe quel cochon!... Il s'agit de Porcs blancs de l'Ouest, ou PBO, une des six races rustiques ou anciennes que l'on peut trouver en France, avec le Bayeux, le Gascon, le Basque, le Cul noir limousin et le Corse ou Nustrale. Même s'il est présent dans nombre de départements aujourd'hui, on estime à cent cinquante le nombre de truies (350 kg maxi et 400 à 450 pour les verrats) de cette race, ce qui en fait le plus faible effectif pour les races locales, mais aussi la seule dont la graisse est riche en acides gras poly-saturés, ou oméga 3!... On la reconnaît aussi à ses grandes oreilles tombant sur ses yeux, ce qui ne manque pas de surprendre les visiteurs de passage!...
Comme vous l'aurez peut-être compris, nous avons découvert la production de Gaëtan en nous rendant sur un marché bio local, avec le but de trouver quelques saucisses et autre pâté de qualité, destinés à notre table, voire à la plancha estivale. Nous n'avons pas tardé à comprendre que le camion quelque peu collector de la Ferme des Cochons d'Antan cachait des petites merveilles de cochonnailles!... Actuellement et jusqu'à la fin de l'année, voire début 2020, les produits proposés sont issus de la race Large White, plus commune, qui va ainsi permettre de mieux comprendre les desiderata de la clientèle et de faire de multiples essais.
L'aventure a débuté en 2018, mais comme chacun peut le deviner, la recherche d'une ferme adaptée n'est pas une mince affaire!... Il aura fallu cinq ans pour que cette opportunité se présente. Finalement, c'est à l'extrémité sud-est de la commune de Legé, juste à la limite de la Vendée, que ce natif de Saint Philbert de Bouaine, non loin de là, va commencer à se projeter dans un avenir pertinent. La ferme en deux parties totalise pas moins de soixante-quatorze hectares, mais seuls trente-trois hectares intéressent le couple. Après une ultime négociation et un heureux concours de circonstance, La Ferme des Cochons d'Antan voit le jour fin septembre 2018, le magasin apparaissant en février dernier.
Bien sur, le projet ne s'arrête pas à la production de saucisses, pâtés et autres jarrets. Les idées de Gaëtan et Marie-Charlotte fourmillent, tant pour ce qui est de la mise en valeur de leur ferme et de leur production, que pour ce qu'on pourrait qualifier de tentative de réconciliation entre les producteurs-transformateurs, notamment ceux attachés à un certain bon sens paysan et les consommateurs, plus particulièrement, dans un premier temps, ceux qui restent soucieux de la qualité de leur alimentation, des soins apportés aux animaux et d'une cohérence nous éloignant de la vision productiviste des dernières décennies.
L'un des objectifs principaux est de concevoir au final une ferme pédagogique, progressivement, à l'horizon de dix ans, selon Gaëtan. Les projets d'aménagements de la ferme elle-même ne manquent pas : aire de pique-nique, allée de boule, accueil des camping-cars, mise en place d'un parcours, tant piétonnier que cycliste permettant au public de passage de découvrir les cochons évoluant en liberté dans diverses parcelles, etc...
Les difficultés n'en sont pas moins nombreuses, notamment toutes celles liées à la réglementation et aux aspects sanitaires. En effet, depuis quelques temps, une épidémie de fièvre porcine africaine sévit dans le monde entier (en Chine notamment) et il est obligatoire de prendre différentes mesures, notamment dans l'aménagement des bâtiments (pose d'un barreaudage de 1,30 m de hauteur) afin d'éviter tout contact avec d'éventuels sangliers de passage, la maladie se transmettant de grouin à grouin!...
Il faut aussi être en capacité de surveiller l'attitude des truies vis à vis des cochons, les petits ne pesant pas lourd au regard des mères... et des tantes. Les cochons de cette race n'en sont pas moins gentils et familiaux. A la vue de la relation qui s'est établie entre le fermier et ses bêtes, on comprend mieux que l'idée d'un espace de quatre hectares, le bassin-source de la Logne, à proximité de la ferme, soit d'ores et déjà prévu afin que les mères au-delà de cinq ans, lorsqu'elles ne peuvent plus avoir de petits, finissent leur vie paisiblement dans la nature, au milieu de diverses races anciennes de poules, coqs et autres animaux...
Mais, une grande partie du projet tient également dans une sorte de planification de parcelles permettant aux cochons de gambader dans la nature, mais aussi, à terme de se nourrir. Très vite, des semis de choux, topinambours, navets, citrouilles, maïs et autres betteraves seront réalisés afin que les animaux puissent se nourrir directement dans ces espaces, en suivant un parcours, selon leur âge et ceux à quoi ils sont destinés. Ces parcelles seront séparées par des haies et des arbres, tels que des chênes et des châtaigniers, dont les fruits sont aussi un facteur de qualité des produits finis. Lorsqu'on évoque avec Gaëtan le principe de l'agroforesterie, il préfère l'idée d'une replantation ou d'une reforestation des espaces dont il dispose. On est bien loin d'une agriculture basée sur la monoculture et "l'exploitation" absolue de toutes les surfaces. Il va sans dire que l'ensemble est conduit en agriculture biologique, le label sera disponible fin 2019, du fait des espaces de prairies naturelles dont il a pu disposer dès son installation.
La gestation des truies de Porc Blanc de l'Ouest étant de trois mois, trois semaines et trois jours, ce sont seize petits cochons que l'on peut voir actuellement (trois étant morts lors de la dernière période de canicule de la fin juin) et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils semblent s'adapter fort bien à leur environnement!... Ils font dès maintenant l'objet d'un suivi très attentif quant à leur nourriture et leur évolution, pratique peu commune dans les différents élevages et à laquelle Gaëtan tient particulièrement. Il en va d'une production de qualité, que l'on pourrait dire optimisée, comme il se doit pour toute production agricole qui se veut viable, intégrée et durable.
Bien sûr, ce projet n'en est qu'au tout début. D'autres pistes sont à l'étude, comme l'adjonction de quelques représentants du porc gascon, très prisé de nombre de consommateurs et fort goûteux, apprécié pour les charcuteries sèches qui en sont issues. Mais, certaines caractéristiques des différentes races, comme la durée d'engraissement (seize mois pour les gascons au lieu de douze pour le PBO) ou celle du séchage (douze mois pour un jambon et quatre pour la coppa du gascon) sont des aspects économiques qu'il est impossible d'ignorer à ce stade. D'autant qu'un élevage attentif et soigné de la race présente à la Bézillière semble en mesure de produire des produits séchés de qualité. Mais, peut-être qu'à terme, cet élevage s'intègrera dans le paysage avec une notion de conservatoire des races anciennes!...
En attendant, si vous passez dans le coin, je ne peux que vous conseiller de consulter le site de la ferme, voire de prendre contact, tous les produits y figurant ne sont pas forcément disponibles, certains ayant, comme il se doit, un caractère saisonnier. Quelques marchés de villages du secteur (Saligny par exemple) accueillent aussi le camion de La Ferme des Cochons d'Antan, nul doute que vous pourrez y faire de belles trouvailles!...