750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
La Pipette aux quatre vins
La Pipette aux quatre vins
Newsletter
Pages
Derniers commentaires
Archives
La Pipette aux quatre vins
Visiteurs
Depuis la création 1 096 100
26 octobre 2011

Escapade sarthoise : pas que des rillettes dans le 72!...

Parfois, il arrive que l'on évoque des vignobles sans les situer parfaitement. N'est-ce pas un peu le cas de Jasnières et Coteaux du Loir?... On les imagine assez bien au nord de la Loire, on accepte l'idée qu'ils soient officiellement reliés à la Touraine viticole (quoique...), mais d'ici à les positionner à coup sûr dans le département de la Sarthe, il y a un pas que nombre d'amateurs hésiteraient à franchir, un soir de Trivial Pursuit, option vins.

Pour s'en assurer, quelle meilleure solution que de se lancer à la découverte de domaines et du vignoble de la région, grâce à Vigne'Horizons, association très confidentielle, je le concède, dédiée au vinotourisme qui, à défaut d'Ardèche initialement programmée (et remise au printemps 2012), tente là de sortir quelques passionnés d'une nébuleuse incertitude. Ceci dit, en matière de brouillard, nous fûmes servis en cette matinée, puisqu'une malencontreuse nappe (qui eut servi voilà peu, la production de moelleux et liquoreux du millésime) ne nous permit pas d'apprécier comme il se doit le panorama du coteau des Jasnières. Ne dit-on pas cependant, que le célèbre Curnonsky déclama un jour : "Trois fois par siècle, Jasnières est le meilleur vin blanc du monde!" Pourtant, jusqu'au tout début des années 90, peu d'amateurs autres que locaux n'avaient de souvenir de dégustation de ces vins. A peine savait-on qu'il était issu de chenin!... Cependant, l'apparition de quelques cuvées exceptionnelles dans les millésimes hors normes 1989 et 1990, sous la marque Aubert de Rycke notamment, allait réveiller la belle endormie, qui ne tarda pas à être nommée révélation de l'année, au Salon des Vins de Loire!...

20102011 007

~ Domaine de Bellivière ~

Premier rendez-vous prévu en cette journée, avec Christine et Éric Nicolas qui font désormais figure de porte-étendard des vins de la région. Une somme d'exigences, une attention de tous les instants, de toutes les phases et une part de remise en question permanente, qui font avancer tous ceux qui ne se contentent pas de quelques certitudes. Et, pour le moins, voilà un domaine qui avance!... Au point que les cuvées du domaine sont en passe de devenir les "vins de Bellivière", plutôt que des Jasnières ou des Coteaux-du-Loir!...

Pourtant, il ne faut pas voir là un domaine "historique" de la région, puisqu'il fut créé de toutes pièces au milieu des années 90. Une quinzaine d'années, c'est encore très peu, ce qui laisse imaginer la marge de progression de ce vignoble, qui compte aujourd'hui une petite quinzaine d'hectares en production avec, pour l'essentiel du chenin et du pineau d'Aunis.

20102011 009   20102011 001   20102011 008

Avant de devenir vigneron, Éric Nicolas était un technicien de Total. Peut-être, n'était-il pas tout à fait dans le moule?... En tout cas, ce Picard d'origine rencontra un jour, un "conseiller d'orientation" de la multinationale pétrolifère, qui lui conseilla d'opter pour autre chose de plus personnel. La célèbre entreprise lui permit donc de suivre une formation de deux ans en viticulture-oenologie à Montpellier, qui pouvait lui mettre le pied à l'étrier. Ce fut bien le cas mais, il restait à bâtir...

Après une expérience peu fructueuse dans une structure coopérative du Sud-Est, Eric décide de s'associer avec une congénère de formation originaire des Coteaux-du-Loir. Tout semble se mettre en place dans de bonnes conditions mais, au bout d'un an, le propriétaire des vignes louées reprend son bien!... Tout s'écroule, sauf la détermination du vigneron, bien décidé à s'implanter dans la région.

20102011 003   20102011 005   20102011 002

Il faut donc reconstruire et ce n'est pas simple dans ce vignoble morcelé. De plus, si les anciens du cru évoquent la présence de 3000 ha de vignes naguère, les dix kilomètres du coteau de Jasnières ne comptent plus actuellement que 120 ha plantés (dont 80% vendangés à la machine!) que se partagent vingt cinq vignerons et nombre de particuliers. C'est vers eux que se tournent les Nicolas, pour se reconstituer un capital terroir, souvent excellent au demeurant, avec ses argiles plus ou moins caillouteuses et ses perrons. Notons que l'on dénombre pas moins de seize déclinaisons de terroir sur Jasnières.

Éric et Christine Nicolas regroupent donc, dans un premier temps, 3,5 ha de vieilles vignes, de ci de là. Pas forcément une mauvaise affaire, parce que ces parcelles étaient souvent labourées par leurs propriétaires. Ils s'intallent donc et une nouvelle aventure commence en 1995. Dans un même temps, ils achètent 1,5 ha de friches en AOC Jasnières, qui seront plantés dès 1996. Au terme de ces vendanges 2011, le domaine totalise pas moins de cinquante-cinq parcelles sur cinq communes, en appellations Jasnières et Coteaux-du-Loir!... On imagine aisément la part de négociation en vue de la constitution d'un tel patrimoine!... D'autant que les us et coutumes locaux déclenchèrent quelques réticences, parfois à retardement, face à la méthode adoptée par le vigneron : travail des sols, culture biologique, enherbement, etc... Pourtant, ironie de l'histoire, les Nicolas récupèrent depuis deux ans certaines parcelles de vieilles vignes qui leur étaient inaccessibles voilà quelques années... Au bénéfice des qualités reconnues de leur travail et de leurs cuvées!...

20102011 012   20102011 010   20102011 014

Le jour de notre passage, Éric Nicolas procède au décuvage attentif des rouges du millésime 2011. Au domaine, les presses sont toujours associées aux vins de goutte. Si bien que c'est Christine qui nous convie à un tour d'horizon des cuvées disponibles. Chacun peut ainsi noter une très belle progression de la gamme et une non moins remarquable cohérence de l'ensemble, malgré la nécessité de jongler avec un patchwork de vignes!... De plus, en dépit d'une mise assez récente pour les 2010, l'expression s'appuie sur une très belle pureté de constitution. A Bellivère, on peut affirmer sans crainte que les vins sont grands bien plus souvent que ne le l'affirme Curnonsky!...

En guise d'ouverture, Prémices 2010, un Jasnières issu de plusieurs parcelles de jeunes vignes en conversion, élevé en fûts usagés pendant huit à dix mois. Il reste 19 gr de sucres résiduels, ce qui lui confère une bouche tendre très séduisante, mais néanmoins une belle dynamique. Viennent ensuite L'Effraie 2010, des jeunes vignes 20102011 013en Coteaux-du-Loir cette fois (15 gr de SR) élevé pendant un an, puis Les Rosiers 2010, en Jasnières, issu de vignes qui sont âgées de 10 à 25 ans. Il reste là 12 gr de SR, mais avec un élevage identique au précédent, on ne trouve pas la moindre trace de celui-ci et une certaine complexité se dessine, malgré la proximité de la mise.

On franchit un palier avec Caligramme 2009 (10 gr de SR), un Jasnières de vieilles vignes de 70 ans élevé pendant vingt mois. Droit et tendu, à l'image de Vieilles Vignes Éparses 2009 (4 gr de SR), un Coteaux-du-Loir dont les vignes sont âgées de 70 à 90 ans et qui démontre une pureté étonnante, tout en tapissant la bouche de sensations tactiles, minérales. Il va falloir faire le voeu d'en garder un peu, pour s'étonner de son potentiel!... La surprise ensuite, avec Vieilles Vignes Éparses 2004 (6 gr de SR), qui s'exprime sur des arômes et des saveurs de racines, de cucurbitacées en tout genre!... Amateurs de soupe de courge et de préparations à bases de légumes anciens (cerfeuil tubéreux et autres gratins de patates douces et de panais), ne cherchez plus l'accord parfait, il est à votre porte!... Cette même cuvée prend toute sa dimension lorsqu'on peut en apprécier toute la diversité des millésimes. Ainsi, Vieilles Vignes Eparses 2005 (20 gr de SR) illustre des vendanges au cours desquelles le botrytis avait pris possession de tout le vignoble, sans partage.20102011 011 Résultat : un vin d'une remarquable ampleur, sur des arômes de rivages maritimes, de flore dunaire, d'iode, qui suggère les grands espaces. Un défi culinaire!... A conseiller pour les plus grandes tables!...

Du côté des rouges, mise en bouche sympathique avec Castor 2009, le cabernet, puis Pollux 2009, le gamay. Un fruit sèveux, des structures solides, mais pas la moindre fausse note. Vient ensuite Rouge Gorge 2010, un pur pineau d'Aunis, qui laisse délicatement entrevoir sa touche épicée et poivrée, qu'une tendance fruit-fleur agrémente joliment à ce stade. Enfin, en guise de finale et de dessert onctueux, Haut Rasné 2009, issu de jeunes vignes sur la commune voisine de Chahaignes, dont la vendange entre le plus souvent dans L'Effraie, sauf les années à tendance botrytis, comme ce fut le cas cette année-là. 75 gr de sucres résiduels, mais une pureté d'expression là encore, qui permet au vin de garder une très belle tonicité.

Pas de doute, ne perdez pas la tête, n'appliquez pas la politique de l'autruche, vous avez sous les yeux une des plus belles gammes de la Vallée de la Loire!... Et un domaine qui avance doucement, par petites touches. Un vigneron à l'écoute, qui plus est et qui ne campe pas sur de pseudo-certitudes, quant au travail dans la vigne, quant aux conditions d'élevage... Éric Nicolas évoque en quelques mots ses projets, comme la construction d'un chai à cinq niveaux, afin d'utiliser la gravité de A à Z. Quelques pas de plus vers une forme de perfection, qu'il refuse de rechercher, par simple humilité. Soyez-en certains, Bellivière va encore nous étonner!...

20102011 018

~ Domaine Le Briseau ~

Décuvage à Bellivière, livraison urgente au Briseau, ce sont les Sarthoises qui nous reçoivent en cette belle journée d'octobre!... Christian Chaussard, président de l'AVN, Association des Vins Naturels, du moins jusqu'à la très prochaine assemblée générale prévue le 6 novembre à Paris, a du charger son fourgon et partir dès l'aube pour la capitale. C'est donc sa compagne Nathalie qui nous permet de découvrir ce domaine perdu dans la campagne du village de Marçon. Qui s'en plaindrait?...

Les Mortiers, c'est de prime abord, une sorte de no man's land improbable, que l'on croit surtout dédié à l'élevage ou un lieu perdu au milieu de nulle part, prisé des aventuriers en mal de paix céleste, mais les pieds sur terre!... D'ailleurs, Nathalie qui nous reçoit, semble être surprise de voir surgir chez elle, ce petit groupe d'amateurs, quelque peu en retard, venu troubler son timing de jeune maman!... "Je vous montre les vignes proches et je devrais m'absenter quelques minutes, pour aller chercher mes enfants..." No problem!...

20102011 020   20102011 019   20102011 021

Christian et Nathalie ont mis du temps pour trouver leur Eden. Et souvent, plus à l'est d'ailleurs. Après un passage à Vouvray, le couple se met en quête de vignes en Ardèche, mais faute de bâtiment viticole disponible, ils doivent rebrousser chemin. Direction Bordeaux, mais pour le vigneron, l'expérience est de courte durée!... Nouveau départ vers l'est, où le Jura semble une option séduisante. Malheureusement, les difficultés ardéchoises ressurgissent... Et c'est donc un peu par hasard qu'ils se retrouvent dans la vallée du Loir. Au final, la région, assez sauvage, plutôt préservée (les chevreuils ne sont pas rares, de toute évidence!) et le terroir d'argiles à silex du plateau des Coteaux-du-Loir leur conviennent bien.

Ils se portent donc acquéreurs de quelques îlots de vignes, dont cet hectare des Mortiers en 2002, planté de gamay, de pineau d'Aunis, de cot et d'un soupçon de gamay teinturier, comme c'était souvent le cas, naguère. Ces vignes-là ont une trentaine d'années. Petit à petit, le pineau d'Aunis remplacera, le jour venu, les autres cépages. Au bout de la parcelle, on devine 1,80 ha de ce cépage vedette de la région, récupéré en 2006.

20102011 024   20102011 023   20102011 027

Au total, le domaine compte environ dix hectares, dont huit en production, du fait des arrachages de 2010. Mais, non loin de la maison, de jeunes plantes rivalisent avec les coquelicots... Nous découvrons le cuvier assez récent où toute la vendange passe, y compris les moûts achetés çà et là, pour l'activité de négoce, Nana, vins et Cie, qui complète celle du domaine. Les élevages, quant à eux, se déroulent dans deux petits chais à barriques, à Marçon et dans l'appellation Jasnières, réglementation oblige.

Il est temps de passer à la dégustation. Celle-ci s'improvise presque, au grand air, du fait de la météo clémente. Une pile de palettes entre cuves et pressoir fait l'affaire!... Le caveau de type grand cru, ce sera pour plus tard!... Mise en bouche très agréable avec You are so happy, le pét' nat' façon Chau-Chau, composé de chenin et de sauvignon. Puis viennent deux jolis blancs du millésime 2009 : le Vouvray et Kharaktêr, incontournable du domaine. Seul 2010 de la série, You are so beautiful, le Pinot noir en provenance de Valencay, dans un style assez fool-fool!... Cote d'alerte 2009, pur cot comme il se doit, déborde de fruit sur une structure solide. Enfin, Patapon 2009 (pineau d'Aunis et gamay), puis Les Mortiers 2009 (100% pineau d'Aunis) s'avèrent solides et droits, pour peu qu'on leur laisse le temps de s'exprimer pleinement.

20102011 026

Deux facettes donc, des vins de cette région qui ne manquent pas d'originalité. Il faudrait aussi prendre le temps de rendre visite à Jean-Pierre Robinot, du Domaine des Vignes de l'Ange Vin, à Chahaignes, ou encore à Renaud Guettier, à La Grapperie, sans oublier Émile Hérédia, au Domaine de Montrieux, en Coteaux-du-Vendômois. Tout cela pour faire le tour du Val de Loir nature!... Affaire à suivre, donc!...

Commentaires
S
Renaud Guettier je confirme, c'est du joli travail ce qu'il fait ! j'ai goûté ça au vins du coin à Blois et j'ai vraiment apprécié.
Répondre
J
Merci pour ce super reportage, moi qui suis sarthois (et oui ça existe) ça fait plaisir de mettre en avant quelques bons producteurs de la région ...
Répondre
F
bonjour,<br /> quel beau reportage sur cette région viticole très méconnue.
Répondre