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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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19 mars 2018

D'île en presqu'île du Var : des domaines pas forcément anecdotiques!...

Leurs particularismes font leur charme. Îles et presqu'îles du Var, hauts-lieux du tourisme, cachent parfois un domaine viticole et quelques hectares, voire seulement quelques arpents de vigne, dont la destination première est de produire des rosés destinés à satisfaire tous ceux qui viennent prendre du bon temps, à pied, à cheval (-vapeur) ou en bateau, dans ces petits paradis hors du commun. Des rosés, comme tous les vignerons de Côtes-de-Provence en proposent, mais, oh surprise! parfois quelques jolies cuvées de blancs ou de rouges peuvent surprendre les amateurs, parce que, derrière ces cuves pleines de jus aux reflets saumonés, gris ou pelure d'oignon, on trouve aussi des hommes et des passionnés, aptes à mettre en valeur leur production plus éclectique qu'on ne le pense. Partons donc à la découverte du Domaine des Embiez et du micro-domaine de la Presqu'île de Giens.

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~ Domaine des Embiez ~

Depuis 1958, l'Île des Embiez, que dis-je, l'Archipel des Embiez, forme avec l'Île de Bendor, au large de Bandol, ce que l'on a coutume d'appeler les îles Paul Ricard. En effet, c'est à cette date, que la société éponyme s'est portée acquéresse de ces petits paradis. Cependant, l'histoire des Embiez ne débute pas au coeur des Trente Glorieuses, mais remonte à l'antiquité, avec quelques vestiges de campement de pêcheurs et de navigateurs, sans compter les épaves chargées d'amphores datées du Vè au IIè siècle avant J-C. On imagine aisément le paradis des plongeurs que cela représente. Ce n'est sans doute pas tout à fait un hasard, si le trio Cousteau-Dumas-Tailliez (les Trois Mousquemers) y tournent, en apnée, le premier film sous-marin français, Par dix-huit mètres de fond, au coeur même de la Seconde Guerre Mondiale, en 1942. L'année suivante, sera tourné Épaves, mais cette fois avec le premier scaphandre autonome "Cousteau-Gagnan".

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Le terme Embiez vient du nom latin ambo qui veut dire deux. En fait, à l'origine, il s'agissait de deux îles, St Pierre et La Tour Fondue, reliées par des limons et des alluvions, sur lesquels ont été créés des marais salants, qui cessèrent toute activité en 1937. A cet endroit, fut creusé, à partir de 1960, le port actuel de St Pierre, aisément accessible à partir du Brusc. Le port de plaisance compte pas moins de 750 anneaux.

Des habitants de Six-Fours-Les-Plages, la commune sur laquelle sont situées ces îles, la famille Lombard en fut propriétaire à partir de 1520, afin notamment de reprendre l'exploitation des salins, après les moines de l'Abbaye de St Victor, installés là depuis 1068. Mais, c'est à ce moment-là que furent plantées les premières vignes entre 1580 et 1600. L'île connut une période plus sombre, au début du XIXè siècle, lorsque le sel fut exploité pour produire de la soude, à destination des savonneries régionales. Des dégagements d'acide chlorhydrique provoquèrent de nombreux dégâts sur la végétation et la santé des populations environnantes. L'usine fut fermée en juin 1847, par arrêté préfectoral, suite à l'une des premières pétitions connues en France.

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Source : www.lesilespaulricard.com

"Quand Paul Ricard achète les Embiez en 1958, il fait le voeu de protéger ce paradis naturel et d'en faire une destination pour tous. Dès les années 1960, visionnaire, il voit déjà la civilisation des loisirs comme une évidence." Gageons qu'il n'avait pas tort!... Pour ce qui est du vin, le vignoble réapparaît au tout début du XXè siècle. Véritablement exploité en 1922, il a la réputation de proposer un vin de consommation locale. Abandonné pendant la dernière guerre, il fut remis en état en 1947 et depuis par le Domaine des Embiez. Celui-ci compte dix hectares et une trentaine de parcelles. C'est le seul domaine viticole de la commune de Six-Fours et tout est fait dans la cave de l'île, y compris les mises en bouteilles.

Depuis l'été 2017, c'est Étienne Pats qui a pris les rênes du domaine. Même si celui-ci appartient à la holding familiale Ricard, la structure bénéficie d'une certaine indépendance vis à vis de la société Paul Ricard. Elle fonctionne comme une petite unité de production, avec cependant l'intervention de quelques prestataires et quelques exigences de résultats malgré tout. Dans le cadre reprécisé lors de son arrivée, le vigneron a entamé pour le vignoble une conversion en agriculture biologique, qui sera effective et labellisée en 2020. A noter qu'il sera bien placé pour faire diverses suggestions en la matière puisque, à ses heures, il est aussi vigneron à Pierrefeu du Var, où il possède quelques arpents. S'il ne propose plus de vins en bouteilles depuis 2011 et 2012 (catégorie "vins de garage nature!"), il vend ses raisins à différents vignerons du cru. Originaire de la région, il a toujours travaillé dans le Var et en bio.

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Le Domaine des Embiez s'étend sur dix hectares, plutôt dans la partie centrale de l'île, avec une forte influence maritime et de plus, largement exposé aux effets du mistral. La combinaison des rafales et de l'air salin n'est pas d'ailleurs sans poser quelques problèmes, qui peuvent aller jusqu'à perturber la photosynthèse, même si les parcelles sont parfois séparées de haies de résineux, apportant aussi leur lot d'inconvénients.

On dénombre trois îlots de vignes principaux : La Tour Fondue, avec 50 ares de grenache et 1 ha de cinsault. Puis, Le Gaou et Le Cabanon, qui comptent 30 ares de rolle et 1 ha d'ugni pour les blancs, plus 55 ares de grenache, 55 ares de syrah, 60 ares de cinsault, mais également 45 ares de cabernet sauvignon, 1 ha 45 de merlot, plus un complément de 20 ares de cinsault. Enfin, le secteur dit de La Ferme, avec 55 ares de cinsault, 84 ares de grenache (dont 50 en IGP du Var), 10 ares de cabernet sauvignon en IGP et du Château d'Eau, lui aussi partagé, avec 60 ares de grenache, dont 30 en IGP et 65 ares de cinsault. Un des deux rosés (grenache et cinsault) du domaine ainsi que le rouge (merlot, cabernet, grenache, syrah et cinsault) sont proposés en IGP, le banc et le second rosé (grenache, cinsault, syrah) sont des Côtes-de-Provence. Il reste deux parcelles en cours de plantation : 50 ares de syrah (en IGP) et 20 ares de rolle (Le Gaou), qui sera plantée en 2019. Il est difficile de calculer l'âge moyen des vignes, mais il se situe aux alentours de vingt ans. D'autre part, on remarque une assez forte proportion de sols argilo-calcaire, avec aussi quelques schistes plus ou moins dégradés.

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Arrivé depuis quelques mois seulement, Étienne Pats espère influer sur le cours des choses, à petites touches, même s'il sait bien qu'un cycle complet de la vigne ne sera pas forcément suffisant pour comprendre ce terroir à variantes multiples, très exposé aux conditions climatiques et à l'éventuel manque d'eau. Heureusement, il semble pleuvoir davantage que ces dernières années, en février et mars 2018, ceci devant permettre de constituer quelques réserves... et compliquer au passage les interventions dans la vigne. Mais, la conjonction de certains éléments plaide en faveur d'une évolution importante au domaine. D'abord, la volonté affichée par les propriétaires de prendre en considération les exigences environnementales, sur une île où séjournent nombre de touristes et de par les activités qui y sont pratiquées, randonnée, VTT, etc... Les Embiez sont et doivent rester des territoires vivants, où la faune et la flore restent diverses et riches.

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D'autre part, la production vinicole, même si elle est principalement destinée à la consommation locale (hôtels, lieux de séjour divers, avec 600 à 700 lits, nombreux séminaires, navigation de plaisance...), n'en contient pas moins un potentiel novateur et original, dont une partie est à redécouvrir. Déjà, quelques choix techniques vont dans le sens d'une plus grande qualité : renouvellement de la cuverie, orientation vers des vinifications plus naturelles, en s'appuyant notamment sur les levures indigènes et pourquoi pas, réflexion sur l'encépagement, même si merlot et cabernet sauvignon sont des repères forts pour la clientèle de passage, jusqu'à ce jour. Quand on sait qu'avant 1990, l'île était largement plantée de vieux cépages provençaux, il y a peut-être matière à faire des Embiez un cru exceptionnel, fort d'une typicité marine et de jolies trames salines.

Comme quoi, il ne faut jurer de rien!... Une notoriété locale privilégiée et bien entretenue peut, un jour, être bousculée par la passion et une part de remise en cause. Et les données marketing (la couleur des rosés, les teintes pastel des étiquettes ou des capsules, en accord avec les eaux cristallines et le bleu du ciel d'été...), avec, au-delà de ça, les goûts standards satisfaisant la majorité silencieuse des visiteurs estivaux, à la peau halée et saline, peuvent être chahutés, sans que pour cela, on consente à une révolution de palais inappropriée. Le Domaine de l'Île des Embiez est armé pour cela. A suivre!...

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~ Domaine de la Presqu'île de Giens ~

Sur la route qui mène à l'embarcadère pour Porquerolles, une signalétique récente ne manque pas d'interpeler les visiteurs. Le nom de l'unique domaine viticole de la presqu'île est précédé d'une grappe de raisins. Pas de doute, de la vigne se cache au coeur de la végétation et des superbes villas de cet espace protégé. Un panneau dissuade de continuer sur la petite route pentue, mais pourtant, le Mas du Port Auguier est bien là.

Régis Gautier (et sa grand-mère Yvonne) est en quelque sorte le dernier des mohicans vignerons de Giens, représentant de la huitième génération de la famille!... On est surpris d'apprendre que la presqu'île de Giens comptait encore, voilà quelques décennies, une bonne vingtaine de petits domaines viticoles, à vocation familiale le plus souvent, mais où les Varois et les touristes de passage s'approvisionnaient en cuvées couleur locale, le plus souvent rosées. Mais la pression immobilière a eu raison, au fil des ans, des ultimes résistances, même s'il reste, parait-il quelques micro-parcelles dans les jardins de certaines villas.

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Cette pression, le grand-père de Régis fut un des premiers à la subir et à résister, malgré son jeune âge. Cette histoire locale confine à la légende et, pour un peu, il faudrait la raconter en langue provençale, ou emprunter à Mistral, Daudet, Pagnol et autre Giono, quelques formules évocatrices, parfumées de lavande ou du thym de la garrigue. Nous sommes en 1924, les Gautier sont sollicités par la Comtesse de Béhague, riche Parisienne, mécène et collectionneuse bien connue, qui souhaite agrandir sa propriété appelée La Polynésie. Mais Félicien, alors âgé de sept ans, s'élève contre cette vente. "Parce que je veux être paysan!" déclare-t-il à ses parents. Ceux-ci ne peuvent alors se résoudre à cette cession et la petite propriété agricole va traverser le temps jusqu'à nos jours.

Yvonne Gautier va tenter de conforter le domaine au fil des années. Il n'y a pas si longtemps que ça, elle récoltait les pommes de terre nouvelles, qu'elle partait vendre au marché tôt le matin. Elle faisait de même avec les fleurs d'allium de son jardin, qu'elle cueillait et déposait à la gare de Hyères, afin qu'elles soient expédiées à Londres, où elles étaient très prisées.

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Bien avant, on dit même qu'une petite parcelle de carignan abreuvait les amis de la famille, dans les années 1880 et qu'une autre de chasselas permettait de produire un petit vin blanc que, là encore, les Anglais appréciaient particulièrement. Mais, Mamie Gautier se rendit vite compte que le tourisme allait être la manne de la région. Elle fit construire sur certains de ses terrains les maisons qui allaient devenir autant le lieux de villégiature. Si bien que de nos jours, une vingtaine d'hébergements permettent d'accueillir les Varois et les autres, au milieu des vignes, avec vue sur mer.

Actuellement, le domaine totalise 1,6 ha, sous forme de petites parcelles bien surveillées par les occupants des mobil-homes, plantées de divers cépages. D'autant que les hôtes des cabanons sont partie prenante lors de la cueillette, au moment des vendanges. En effet, le vigneron leur a suggéré de former l'Association des Vendangeurs Arbanais (le nom des habitants de la presqu'île), afin d'organiser cela au mieux et dans les règles, non sans les convier, en fin de journée, à de sympathiques soirées barbecue.

28058393_10215484729409362_300385023245197139_nChaque année, le domaine produit entre 8 000 et 10 000 bouteilles, même si en 2017, il a fallu compter avec la sécheresse, réduisant de 30% la production habituelle. Comme souvent dans la région, le rosé domine (5 000 bouteilles), souvent épuisé dès le mois de septembre. Il se compose de 70% de grenache, 10% de syrah, 10% de cinsault et 10% de mourvèdre. Pressurage à froid, macération courte, dans le plus pur style des rosés de Provence actuels. Le blanc, 50% rolle et 50% clairette, aux quantités très réduites, est plutôt destiné à la consommation de coquillages et de poisson. Quant aux rouges, 20% mourvèdre, 30% syrah, 30% cabernet et 20% grenache, il est de constitution plus solide, une petite quantité (150 bouteilles) est même proposée en magnum, suite à un élevage d'un an, en fûts non neufs pour la plupart. Enfin, n'oublions pas le muscat petit grain qui, malgré de très faibles volumes, complète aimablement la gamme, avec le plus souvent, guère plus de 60 gr de sucres résiduels. Fermez les yeux, vous êtes sous la tonnelle... Vous entendez les cigales?...

Sur place, ne cherchez pas les installations permettant vinification et élevage. En effet, en 1990, le père de Régis fit la connaissance de Jacques Pélépol, vigneron au Château Sainte-Croix, dans l'arrière-pays. Il lui confia ses raisins et c'est ainsi que naquit le Mas du Port Auguier. Depuis, cette forme de tradition perdure et Régis Gautier vinifie toujours dans les collines, à Carcès, à deux pas de l'Abbaye cistercienne du Thoronet.

Certains pourraient en conclure qu'il s'agit là d'un curieux équipage, mais deux activités somme toute complémentaires (déjà vues dans le cadre bucolique du Domaine d'Anglas, dans l'Hérault, par exemple) peuvent contribuer à un équilibre satisfaisant. Pour peu que gestion et passion se rejoignent le moment venu. Il va de soi qu'ici, l'objectif du vigneron n'est pas de devenir un référent international des Côtes-de-Provence, mais plutôt de satisfaire les gens de passage, le temps d'un coup de soleil, parce que le vin est partage. On peut en conclure que cela reste anecdotique, mais pourtant, même si c'est sans doute davantage possible aux Embiez, il s'en faut de peu que la recherche d'un simple équilibre financier (pas toujours évident à atteindre et à maintenir) ne débouche sur le retour à quelques traditions locales, à base de cépages anciens, en même temps qu'à des vinifications résolument naturelles. Après tout, le vignoble de Bellet, au coeur de l'agglomération niçoise, n'est pas si loin que ça, avec son braquet et autre folle noire, voire pignerol et mayorquin. Voici donc deux domaines auxquels on ne peut nier une dimension patrimoniale, même si les vignerons ne s'inscrivent pas dans une démarche de prestige. Mais, ils méritent indiscutablement le détour.

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Commentaires
P
Sans oublier également que dans le domaine de la viticulture, la vérité des uns est rarement celle de leurs voisins!... Mais, je vous entends et je vous salue!...
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F
Vous êtes vraiment naif ou naïve concernant le vin de la presqu'ile de Giens. Croyez vous que 1,5 ha puisse produire autant de bouteilles en 3 couleurs (blanc rosé et rouge)° C'est de la fable! Les miels de Provence et les huiles de Provence vendus sur les marchés vous racontent la même fable alors que l'origine est ailleurs bien souvent. Le domaine de la presqu'île vend tout simplement du vin du domaine de Ste Croix à Carcès (indiqué en tout petit sur la bouteille, histoire de rester règlementaire) avec des étiquettes vendeuses, ici Presqu'ile de Giens et Provence sont des artifices de marketing. Il y a tromperie sur la marchandise.<br /> <br /> A bon entendeur salut! 12 euros la bouteille, faut pas exagérer!
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