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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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9 novembre 2020

Le grand air des vignerons et vins bretons, à Loperhet (29)

Le 17 octobre dernier, se tenait, dans un petit village du Finistère, entre Brest et Quimper, l'Assemblée Générale de l'ARVB, Association pour la Reconnaissance des Vins Bretons. Certains trouveront cela tout à fait anecdotique et ils n'auront pas vraiment tort. Mais, les choses sont en train de changer!... En effet, si on avait déjà noté une renaissance de l'intérêt pour la vigne en Bretagne tout au long du XXè siècle, ce n'est que le 1er janvier 2016 que l'ONIVIN, organisme public qui gère la production de vin en France, leva l'interdiction de créer de nouveaux vignobles sur le territoire, même si une tolérance existait déjà. C'est alors une directive européenne qui permet à la France d'accroître son vignoble de 1% chaque année, soit 8000 hectares, sans aucune restriction territoriale. Depuis, ce sont 3000 à 4000 hectares par an qui ont été autorisés sur l'ensemble du territoire. Et donc, en Bretagne!...

Landevennec
www.abbaye-landevennec.fr

Non loin de Loperhet, village au coeur du pays de Plougastel-Kernevodaz, se situe l'Abbaye de Landévennec. Lorsqu'on fait quelques recherches quant au vignoble breton et à son histoire, il est souvent indiqué que celle-ci disposait d'un vignoble dès le Vè siècle, notamment destiné à produire un vin pour le culte chrétien. On sait aussi que des écrits attestent de la présence de la vigne dans la vallée de la Rance, en Morbihan dans la Presqu'île de Rhuys et autour de Redon. Parfois, la toponymie locale a gardé la trace de cette viticulture ancienne. Au cours des XVIIè et XVIIIè siècles, ce sont plutôt des raisons climatiques qui réduisent le vignoble. Ainsi, sait-on que l'hiver 1709 fut si froid, qu'il ravagea les vignes. Mais, sous l'influence de Colbert, ministre de Louis XIV et grand serviteur de l'Etat, une sorte de planification, innovante pour l'époque, influença quelques choix. Ainsi, la culture de la vigne étant difficile en Bretagne, du fait de la météo, celle-ci est remplacée, d'autorité parfois, par les pommiers, moins sujets aux parasites notamment. La Bretagne devient donc une terre à cidre... et aussi à céréales. D'élevage mais aussi maraîchère désormais. Il restera bien quelques dizaines ou centaines d'hectares, ici ou là, mais pas au point de s'inscrire dans la mémoire de tous les Bretons, qui purent trouver, dans les régions voisines (Pays Nantais, Anjou, puis plus tard Bordeaux, grâce aux échanges maritimes), du vin à consommer au moindre prix. On sait également qu'en 1848, des documents statistiques attestent de quelques 800 hectares de vignes cadastrées pour toute la région, mais le phyloxéra va alors apparaître.

AG 2020 ARVB  AG 2020 ARVB 2

Ils étaient donc quelques dizaines à témoigner, le mois dernier, de cette renaissance et pour certains, de l'authenticité de leur passion, au point qu'ils sont devenus vignerons de Bretagne, au même titre que dans les autres régions. Naguère, si les vignobles se limitaient à quelques rangs plantés dans des jardins privés ou à des treilles, histoire de faire de l'ombre sur quelques terrasses estivales (non, il ne pleut pas tous les jours en Bretagne, loin s'en faut!), des parcelles plantées de façon plus rigoureuses, souvent dans un cadre associatif (à St Suliac ou Quimper par exemple), avaient vu le jour depuis le debut des années 2000 et 2010. Désormais, de véritables projets permettant la production de cuvées choisies, composées de cépages se voulant adaptés, sont apparus à Rennes, Belle Île en Mer, Groix et de nouveau dans la Presqu'île de Rhuys, pour ne citer que ceux-là.

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Dans une telle occasion, l'AG annuelle, s'il n'est pas encore temps d'organiser un quelconque concours, avec force distinctions et médailles de divers métaux, tout l'intérêt est d'obtenir l'avis de tous ceux qui peuvent apporter leur concours à ces passionnés lancés dans une nouvelle aventure, pour le moins exaltante. C'était donc le cas cette fois-ci, avec la présence de Lilian Bérillon, pépiniériste bien connu de la vallée du Rhône et de ses collaborateurs Thomas Dormegnies et Camille Méric-Cohen, ainsi que Valérie Bonnardot, enseignante et chercheuse de l'Université de Rennes, traitant notamment de l'évolution du climat sur les terres bretonnes.

L'exposé de cette dernière rappelle tout d'abord que "si l'on se réfère aux projections des indices bioclimatiques traditionnels pour la viticulture menées aux échelles européenne et mondiale pour l’horizon 2100, la Bretagne apparaît effectivement sur les cartes parmi les régions émergentes pour la viticulture". Cependant, "l’industrie viticole française ne privilégie pas le scénario « nomade », basé sur une relocalisation des vignes (à plus haute altitude ou en exposition nord dans les régions viticoles existantes ; ou, scénario extrême, sous des latitudes plus septentrionales où aucune infrastructure viticole n’existe encore) comme moyen d’adaptation au changement climatique, même à long terme". Rien n'est gagné d'avance!... Si l'ARVB recense en 2019 quatre-vingt-dix néo-viticulteurs, il va de soi que la demande d'analyse plus poussée, afin de mieux comprendre la situation climatique actuelle et son évolution future, devient pressante. Les porteurs de projets se doivent de mesurer la "faisabilité" de la viticulture en Bretagne.

Coteau du Fogot  Fogot 2

En croisant des informations issues, d'une part, des données climatiques captées entre 1950 et 2005, et les projections ou simulations à moyen (2041-2070) et long (2071-2100) termes, "on évalue ainsi le potentiel thermique futur de la région, avec en plus, les scénarios d'évolution de concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Les résultats montrent que l’augmentation observée des températures améliore les conditions thermiques actuelles de la région pour la maturation des raisins et les projections indiquent une augmentation théorique du taux de sucre dans les futures baies". Ainsi, pour les secteurs de Dinard et Quimper, très proches climatiquement, la classification climatique géoviticole multicritères de Tonietto & Carbonneau (2004) situent les deux stations régionales dans un groupe climatique "très frais" pour la viticulture et ce, pour la période 1950-1981, l'indice étant de 1200. Pour la période suivante, 1981-2010, l'indice passe à 1400. Pour 2011-2019, la moyenne atteint 1488, soit proche de la limite inférieure (1500) d'un climat dit "frais". A titre de comparaison, l'indice moyen de Nantes, pour la période de 1961-1980 est de 1582. Les projections pour le futur permettent de penser que les conditions régionales passeraient à un climat "frais" pour 2041-2070, voire "tempéré", en fonction de l'évolution de la concentration des gaz à effet de serre. Au-delà, pour 2070-2100, on pourrait passer à un climat "tempéré", voire à un climat "tempéré chaud", selon cette même évolution. Notons que certaines de ces valeurs projetées correspondent à celles observées pour la période 1991-2019, pour Angers!...

Il faudra encore des années d'observation pour valider différents choix. Quelques données ont été collectées quant à la floraison et la véraison de certains cépages déjà plantés en Bretagne (chenin, chardonnay et pinot noir), ainsi que pour la date à laquelle est atteint le taux de sucre ciblé. Il conviendra aussi "d'explorer le potentiel climatique de l’ensemble du territoire à la topographie variée (intérieur, littoral, plaine et versant) afin de fournir des éléments de réflexion qui peuvent, à côté d’autres données environnementales (données pédologiques par exemple), faciliter le choix de cépages ou le mode de conduite de la vigne". On peut néanmoins affirmer que "d’un point de vue thermique, la viticulture en Bretagne passe donc du challenge avant les années 1990 à une opportunité de diversification agricole si les conditions socioéconomiques le permettent".

Fogot 3

En cette journée, la présence d'un éminent pépiniériste comme Lilian Bérillon pouvait également apporter un peu d'eau au moulin des porteurs de projets. Ceux-ci sont d'ailleurs d'ordres et de dimensions très variables. Ainsi, quelques demandes, faites à titre privé ou associatif, se limite à des commandes de cent ou deux cents pieds, en vue d'une plantation dans l'esprit de celles datant du début des années 2000. Mais l'entreprise basée dans le Vaucluse confirme son accompagnement pour quatre projets bretons. La presse régionale s'est d'ailleurs faite l'écho de certains, après que l'on ce soit rendu compte que des investisseurs, venus de Provence ou de Champagne notamment, visaient une implantation conséquente sur certains sites. Il suffit de prendre l'exemple de celui de Belle Île en Mer, qui a vu pousser les raisins de la colère!... Pensez-donc, pas moins de vingt hectares, dont une partie en zone Natura 2000!... Il n'en fallait pas plus pour qu'un collectif se forme pour réclamer l'abandon de ce projet, en aucune manière bellilois!... Circulez, y'a rien à voir!... Heureusement, dans d'autres secteurs, cela se passe dans le calme, sans doute aussi parce que ces projets sont le fruit de l'imagination d'investisseurs locaux, moins pressés, plus limités dans l'espace et plus à même de mesurer les conséquences de leurs choix. Comme, par exemple, du côté de Sauzon, où devraient être planté du fié gris et/ou des hybrides, ou encore dans la presqu'île de Quiberon, où Lise et Bertrand Jousset, de Montlouis sur Loire, conseillent le couple de néo-vignerons, en vue de la plantation de chenin. Il existe aussi nombre de candidats du côté de Sarzeau, où l'on se souvient notamment de la renommée de la "Fine de Rhuys" (pour les années où le vin n'était pas à la hauteur!...) et d'autres dans le Golfe du Morbihan, sur les îles d'Arz et d'Ilur, embarquées dans l'aventure viticole, avec des projets associatifs ou pédagogiques, le tout sous l'impulsion, notamment, du Parc Naturel Régional du Golfe du Morbihan. D'autres projets, plus à l'intérieur des terres, dans le Centre Bretagne, seront sans doute influencés par des conditions climatiques quelque peu différentes d'un vignoble littoral.

Belle Ile

Reste donc la question du choix des cépages. A ce stade, pinot noir et chardonnay sont plutôt plébicités... Mais, les pépiniéristes ne manquent pas de faire quelques suggestions, comme le gamay, le grolleau, accessoirement le chenin, qui sera peut-être plus difficile à implanter. Le melon de Bourgogne, la folle blanche et même le romorantin sont aussi des alternatives. Certains pourraient être tentés églament par le gamaret valaisan, connu pour sa supposée résistance aux maladies et parasites. Mais, on peut penser aussi que les cépages du Pays Basque, gros et petit manseng, petit courbu, voire marselan (comme au Domaine Bordatto) sont aussi des variétés potentielles. Sans oublier ceux de Galice, albariño, godello, treixadura, ainsi que ceux composant les vinho verde portugais. Avec les Pépinières Bérillon furent aussi abordées les difficultés inhérentes à la culture de la vigne et d'une jeune plantation. Ainsi, l'entretien de celle-ci pendant les trois premières années (sauf à produire un jus dès le début) engendre un travail exigent, voire ardu, d'autant que certains prestataires, pour la taille et différents travaux, seront obligés de venir du Val de Loire, au mieux du Muscadet. De plus, les GAEC seront sans doute difficiles à mettre sur pieds. Autant d'aspects qui doivent être pris en compte, afin que l'équilibre financier des structures ne soit pas mis à mal dès le début. Le développement de la viticulture bretonne professionnelle est à ce prix.

Comme on peut le constater, l'ARVB se doit de passer à la vitesse supérieure, pour accompagner les vignerons bretons, quel que soit leur statut. Mais, l'association devenue "collégiale" chère à son président, Gérard Alle et à son secrétaire, Rémy Ferrand, sans oublier sa trésorière Isabelle Rémond, se structure pour cela. Un Conseil d'Administration réélu pour trois ans, ainsi que des correspondants pour les cinq départements (y compris la Loire-Atlantique!) et même une nouvelle section appelée "Collège des vignerons bretons professionnels", qui ne manquera pas de rendre compte de son activité, chaque année, lors de l'AG. Le tout était ponctué, comme il se doit, par un excellent repas, un plateau de fromages exclusivement bretons et un beau choix de vins blancs et rouges. L'histoire ne dit pas si le barde fut bailloné pour l'occasion, afin qu'il ne se lance pas dans l'interpétation d'un grand air!... Grand air que les participants ont pu ensuite apprécier, en partant à la découverte digestive de la toute jeune vigne du Fogot, à Loperhet, vendangée pour la première fois le 10 octobre dernier. L'avenir est en marche!...

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Commentaires
J
Il me semble qu il y a à creuser du côté des cépages " portugais "au moins pour les vignobles les plus proches de l océan... Et puis-je ajouter que des conduites très aériennes en quoi treille peuvent être de bon augure... Surtout si l on prend soin de multiplier les pulvérisations foliaires... Dispose à partager grandeurs et misères d une expérience en Vendee ..
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