750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Pipette aux quatre vins
La Pipette aux quatre vins
Publicité
Newsletter
Pages
Derniers commentaires
Archives
La Pipette aux quatre vins
Visiteurs
Depuis la création 1 097 399
16 avril 2009

Et si on parlait de terroir!... (2)

Voilà quelques jours, vous avez pu découvrir les dessous d'Aloha, grâce à Samuel Mégnan, du domaine éponyme, un p'tit jeune qui monte dans le vignoble vendéen et qui évoquait sur son blog, le passage dans les vignes du domaine d'une petite équipe de géologues-enquêteurs ligériens. Ceux-ci, mandatés par le Syndicat des Fiefs Vendéens, se sont lancés dans un long travail de fourmis (à moins que ce ne soit plutôt des taupes!...), afin de faire apparaître au grand jour, à ciel ouvert, le terroir des Fiefs.

26032009_004   26032009_001   26032009_003

Ces passionnés sont Vincent Courtin (sols), Dominque Rioux (cartographie) et Sébastien Cesbron (carto et enquête). Ils sont les représentants d'une association, "Cellule Terroirs Viticoles", qui est notamment soutenue par Interloire et proche de l'Unité Vigne et Vin, au centre INRA de Beaucouzé, près d'Angers.

Il s'agit donc là, d'une étude contractuelle, effectuée dans la période préalable au classement en AOC des différents secteurs du département (hormis le nord, rattaché au Muscadet), les fameux Fiefs Vendéens. Ceux-ci sont au nombre de quatre : Mareuil, Brem, Pissotte et Vix. Mais comme pour les Trois Mousquetaires (qui eux, souvenez-vous, étaient quatre!), on dénombre finalement cinq zones, puisque celle de Chantonnay sera également classée dans le décret d'appellation, alors qu'elle ne pouvait prétendre auparavant qu'à la dénomination Vin de Pays de Vendée (ou du Jardin de la France).

26032009_029   26032009_009   26032009_024

J'ai donc été convié, à cette occasion, à une après-midi réfrigérante, mais bigrement passionnante, par Philippe Orion et ses deux fils, Vincent et Alban, du Domaine de la Barbinère, à St Philbert du Pont Charrault, petite bourgade à une lieue de Chantonnay, où ils sont les seuls représentants de la viticulture locale, au milieu d'étendues largement dédiées à l'élevage et à la culture céréalière.

Après donc Mareuil et Rosnay, Vix, Pissotte et Brem, notre trio angevin est donc revenu battre la campagne chantonnaysienne et creuser quelques fosses supplémentaires. Au total, pas moins de 36 de ces fosses auront été creusées dans les différents sites de la future appellation. De toute évidence, une somme d'informations inégalées, à un moment clé pour la viticulture locale. Viendra bientôt, le temps de la restitution et nous ne pouvons qu'espérer, que les vignerons des Fiefs Vendéens sauront tirer tous les enseignements de cette mine de données... sorties du sol. Certaines de ces infos viendront en percuter d'autres (voir ci-après). Parfois, elles confirmeront les bons choix. Ailleurs, elles mettront le doigt là où ça fait mal!... Il ne faudrait pas que ce trésor soit enfoui, de nouveau, dans les sols multiples et variés du département, par une génération de viticulteurs qui ont là, l'occasion de faire prendre un tournant décisif aux vins de Vendée. Le défi est à la hauteur de l'attente des consommateurs... et, en terme de perspectives, des générations de vignerons à venir!...

26032009_008   26032009_007   26032009_011

Au cours de cette après-midi, nous allons voir et lire cinq fosses, dans des secteurs où ne sont plantés que des cépages rouges. C'est le seul regret que l'on peut avoir en la circonstance. Il eut été intéressant de voir les dessous d'une parcelle de chenin, par exemple. Bien sur, tout commence par un regard sur la carte géologique de la région. Mais, il faut prendre les informations qu'on y puise avec prudence, puisque seules, les formations profondes y sont représentées. Les formations superficielles ne le sont pas, pas plus que les matériaux de surface plus récents, ni les altérites. Mais, entrons un peu dans le détail...

Nous sommes dans le secteur de la Filtière, dans une vigne de gamay. La fosse nous montre des amphibolites, bleu sombre. Une roche qui atteste d'anciens océans et qui s'est formée au niveau des dorsales océaniques, issues du magma terrestre. A une certaine époque, l'Océan Ligérien, qui séparait le Massif Central et le Massif Armoricain s'est fermé, sous la pression des continents qui se rapprochaient. Ce pincement de la croûte océanique remonte à la surface (à l'éocène, -30 millions d'années) et est ensuite 26032009_010fortement altéré, du fait du climat chaud et humide de l'époque. Se forment alors, des argiles rouges et des matériaux jaunes, au revêtement noir. Sur les premières, se met en place un sol, celui que l'on trouve ici : il s'agit donc d'un sol sur argiles rouges, sur altérites d'amphibolites.

Plus bas, dans la parcelle, les sols sont directement sur les amphibolites (70 à 80 cm). Un topo-séquence aurait permis de montrer les différentes zones : 1- dans le bas du coteau, altérites d'amphibolites, milieu roche, moins de 70 cm, 2- en remontant, milieu altération, entre 0,70 et 1,20 m et 3- sur le haut, milieu altérite, avec les argiles.

Ici, les roches sont basiques, riches en fer, manganèse et oligo-éléments. Elles s'opposent aux gneiss, orthogneiss et granite, plutôt siliceuses. Nous sommes sur un bon sol viticole, sans trace d'eau. Les racines colonisent bien les différents horizons : sol organique, horizon de structuration, argilo-limoneux, rouge et jaune, bien structuré, puis les altérites d'amphibolite. Pas d'hydromorphie à craindre. En clair, un bon support pour le cabernet franc et surtout la négrette. Plus bas, dans le coteau, une zone prédisposée pour le chenin.

26032009_015 26032009_012 26032009_014 26032009_013

Nous n'avons que quelques dizaines de mètres à parcourir pour rejoindre la deuxième fosse, dans une parcelle plantée de pinot noir. Mais là, tout est différent... Nous sommes sur une hauteur qui domine la vallée. Cette dernière témoigne du tracé d'un grand fleuve ancien, qui remonte de la plaine de Fontenay le Comte. Nous sommes, probablement, à l'intérieur d'un grand méandre de ce fleuve, ou dans une sorte de crique. Le matériel qu'on découvre là est résolument sableux, genre sable gris. La surprise, c'est d'y trouver des galets roulés en surface et jusqu'à une bonne profondeur, dans un sol argilo-sableux du pliocène. Mais, plus encore, c'est la présence de gros blocs, des conglomérats, des ciments d'amendes quartzeuses qui étonne les spécialistes!... Les bandes verticales, tout à fait visibles, laissent supposer que nous sommes là, dans une zone avec des placages.

Les membres de la Cellule Terroirs Viticoles laissent transparaître leur scepticisme, quant aux qualités de ce sol viticole. Les racines de la vigne se sont installées dans le sol superficiel, mais ne franchissent pas cette barrière argilo-sableuse. Plus bas, dans le coteau, c'est sans doute très différent, mais le haut de la parcelle a un bon potentiel... pour faire un camping, suggère, rieur, un des participants!...

Au moment de remonter en voiture, pour changer de secteur, Philippe Orion ne me cache pas sa perplexité. En effet, lors d'une précédente visite d'autres géologues, en vue du passage en AOC, il avait été retenu que cette dernière parcelle était jugée "excellente", alors que la précédente devait être "déclassée"!...

26032009_016   26032009_018   26032009_020

Nous voici maintenant dans une parcelle plantée de cabernet, au lieu-dit le Fuiteau. Cette fosse a été creusée à la demande du vigneron, qui espère avoir ainsi quelques informations nouvelles, un éclairage, sur les raisons qui font que ce petit secteur, au coeur de la parcelle, connaît chaque année des difficultés, évidentes, lorsque le feuillage jaunit.

Nous sommes sur une zone supposée être schisteuse. En fait, la fosse révèle un sol graveleux ou argilo-sableux. Non loin de là, la pente est assez forte et cela, sur les deux rives du Lay. Nous sommes en fait sur des placages alluviaux de rivière. Les cailloux qu'on trouve là, sont anguleux, en liaison avec le réseau hydromorphique des rivières actuelles, dont l'origine remonte au quaternaire.

26032009_019   26032009_021

L'horizon de surface est colonisé par les racines. Au-delà, nous remarquons de fines bandes grises, horizontales et parallèles, à différents niveaux. Nous pouvons voir également que des racines plus grosses, des pivots, s'enfoncent à travers le sol poreux sablo-graveleux, puis argileux en profondeur, afin d'atteindre ces fins cordons gris et y puiser quelques oligo-éléments plus riches. Une très fine chevelure se développe alors, à l'extrémité des pivots et uniquement dans ces couches très fines. Est-ce l'origine des difficultés de la plante?...

26032009_022   26032009_023   26032009_025

Nous passons ensuite sur la rive gauche du Lay, au lieu-dit le Charpre. C'est du gamay qui est planté là. Philippe Orion avoue quelques a priori et une sorte de scepticisme quant à cette zone. Or, la coupe de terrain révèle un très beau sol viticole. L'horizon de surface est certes, assez profond, mais les racines le colonisent parfaitement. Elles plongent en quête de la roche, qui se trouve être ici, du schiste en feuillets verticaux, que l'on devine très favorables à l'installation et à l'alimentation de la plante. L'idéal eut peut être été de voir là des chenin...

26032009_026   26032009_028   26032009_030

Dernière étape de notre périple, la Salissonière, pour une parcelle plantée de cabernet. Les notes me manquent (pour cause de défaillance technique), mais nous sommes de nouveau dans une zone où les argiles, dans toute une palette de jaune, sont très présentes. Là encore, les racines de la vigne éprouvent quelques difficultés à pénétrer ce sous-sol.

Comme à chaque fois et comme convenu, le trio angevin, suite au constat visuel et à la brève analyse, extrapole au sujet des cépages et des porte-greffes utilisés sur les parcelles concernées. Et c'est bien là, que l'on devine tout l'intérêt de ces menus travaux... avant une nouvelle plantation, notamment!... Les choix n'en seraient que plus opportuns et nettement moins empiriques!... Le vigneron prendrait sans doute moins la parole du pépiniériste... pour argent comptant!... La méthode se révèle, à l'évidence, un excellent complément aux carottages, pratiqués le plus souvent.

Il ne faut pas voir dans ce compte-rendu, une démonstration scientifique, mais une simple tentative pour traduire un constat et des conversations successives entre des spécialistes, qui tentèrent là d'expliquer les choses le plus clairement et le plus simplement possible et des profanes, qui se dirent que, finalement, ils auraient dû se pencher sur le sujet depuis bien longtemps!...

Les Orion père et fils auront sans doute un peu la tête dans les étoiles, après cette après-midi!... Et, très vite, d'autres questions surgiront : quelle stratégie adopter?... Quels axes de progrès doit-on "prioriser"?... Doit-on chercher à mettre en valeur certains secteurs et éviter une débauche d'énergie trop importante, pour ceux qui le méritent moins?... Quelle planification pour demain et après-demain?...

Un père qui assume parfaitement ses choix, après avoir fait évoluer un domaine, qui dépasse désormais les trente hectares et dispose d'un bon capital de sympathie. Deux fils, prêts à prendre la relève et à infléchir certains choix. Le Domaine de la Barbinière est tourné vers l'avenir et la lecture de ses sols, parfois anciens, ne peut que le faire aller de l'avant. Et croire en sa bonne étoile!...

NB : il va de soi que les commentaires de tout lecteur, plus féru que moi-même en matière de géologie et d'étude des sols, sont les bienvenus, y compris pour apporter quelques correctifs et précisions. Merci d'avance!...

Publicité
Publicité
Commentaires
P
Merci pour ce bel article qui nous fait partir à la rencontre des vignerons et de leur savoir-faire.
Répondre
A
Très beau reportage/
Répondre
Publicité