750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Pipette aux quatre vins
La Pipette aux quatre vins
Publicité
Newsletter
Pages
Derniers commentaires
Archives
La Pipette aux quatre vins
Visiteurs
Depuis la création 1 096 925
4 juillet 2010

Les Baux de Provence, versant nord

Situons le décor. Nous sommes aux pieds de la Chaîne des Alpilles. Celle-ci s'étend selon un axe est-ouest, entre Rhône et Durance, sur environ vingt-cinq kilomètres de long, pour six à huit de large. Son sommet atteint 498 m. Que l'on soit sur l'un ou l'autre de ses versants, on distingue ainsi un profil déchiqueté, tracé de nombreux vallons, parcourus par des gaudres (petit ruisseau en provençal), coulant souvent vers le nord ou vers le sud. Ceux-ci ont permis la creusement de canaux irriguant la région.

800px_Panorama_Alpilles_1_
Source : Wikipedia

Ci-dessous, on découvre, en rouge foncé, les zones de l'appellation Baux-de-Provence (réservée aux rouges et rosés), avec ses deux "versants" : au sud, les villages de Fontvieille (cher à Alphonse Daudet, dit-on), Paradou (et non pas Pradou!), Les Baux, Maussane et Mouriès, auxquels on pourrait ajouter Aureille, s'il comptait quelque vigneron. Au nord, le vignoble s'étend de St Étienne du Grès à St Rémy de Provence. Les vignes d'Eygalières sont elles, situées en AOC Coteaux d'Aix-en-Provence, comme tous les vins blancs de la zone des Baux.

img440
Extrait du Grand Atlas des Vignobles de France, de Benoit France

Notons que, pour les vignerons évoqués ci-dessous, ils se trouvent qu'ils sont à la fois sur le versant nord et qu'ils ne revendiquent pas, peu ou plus l'appellation!... Et qu'ils sont souvent considérés par les amateurs, comme les meilleurs de la région!... L'exposition nord, sur de tels vignobles du Grand Sud serait-elle déterminante?... Dans le contexte actuel (recherche de la "fraîcheur"...), cela parait certain, mais il est fort probable qu'il faille moduler cet avis tranché.

Rappelons que la grosse douzaine de vignerons du cru déclare être en agriculture biologique. Un seul revendique la lutte raisonnée. Ce qui en fait quasiment la première appellation bio de France!... Et certainement, dès maintenant et à l'avenir, une expression plus sincère des terroirs et une recherche de la "minéralité". Bien sur, il reste à prendre en compte les pratiques oenologiques en cave, sachant que quelques "néo-vignerons" des Baux sont installés depuis très peu de temps, avec un statut d'investisseur patrimonial, écoutant béatement leur oenologue-conseil, comme ils font appel au vétérinaire, lorsque leur chien n'a pas mangé depuis plusieurs jours!... Argument béton entendu sur place!...

28062010_023   28062010_022   28062010_018

21 juin - 10h30 - Domaine de Trévallon

Fort mistral blanc (celui qui dégage le ciel, par opposition au noir, qui amène la pluie) en ce lundi matin à Trévallon!... Une sorte de concert de vuvuzelas souffle au sommet des pins et dans les oliviers, parfois vénérables. La nuit a été agitée, mais dans toute la région, du fait de ce fort vent sans doute, le décor est lumineux, splendide!...

Un rendez-vous très attendu avec Éloi Dürrbach, personnalité incontournable de la région et même, plus largement, de la viticulture française. D'ailleurs, les directeurs des plus grands domaines lui ont rendu visite, parfois en grappe!... Et certains ont été quelque peu surpris de ce qu'ils entendaient ici... A tout seigneur, tout honneur, donc!... On a beaucoup dit et écrit, à propos du vigneron de St Étienne du Grès. Mais, au terme d'une rencontre, dans le cadre du Domaine de Trévallon, on a du mal à croire qu'un homme du vin passionné par son vignoble et admiratif de la nature qui l'entoure, entretienne une image et des relations difficiles, avec qui que ce soit. Bien sur, il y eût l'épisode du déclassement du domaine, qui dût renoncer à l'AOC Baux-de-Provence naissante. L'homme fut indéniablement blessé, lui qui avait largement contribué à la réputation des vins de la région. Mais, l'amertume s'efface et il s'appuie désormais sur le sens de l'histoire, qui a porté Trévallon depuis.

28062010_016   img437   28062010_019

Les nôtres, nos relations, ou du moins nos échanges, ne sont guère récents!... Il s'agissait en fait d'un échange de courriers, à une époque pas si lointaine, où Internet, Facebook, Twitter et autres pseudo réseaux sociaux - selon cette curieuse appellation qu'on leur donne! - que ne goûte guère Éloi Dürrbach d'ailleurs (parlez-lui de ses blancs, justes sortis et qu'il retrouve le lendemain sur ebay!...). A l'époque, ma demande (saugrenue, je vous le concède!) tenait en une étiquette dédicacée, destinée à illustrer un livre consacré à quelques éminents "hommes du vin"! C'était il y a... déjà longtemps et j'avais reçu en retour une étiquette de magnum du millésime 1983, sorte de phénomène des années 80!... C'était peut-être même au moment de la naissance de sa fille... qui se marie samedi prochain!... Comme le temps passe!...

28062010_020   28062010_021   28062010_017

Le Domaine de Trévallon est né en 1973 en fait. Au tout début des années 70, Éloi Dürrbach est à Paris, où il fait des études d'architecte aux Beaux-Arts, inspirées par ses parents peintres et sculpteurs. Que dire alors?... Que les études le poursuivaient plus que l'inverse!... Courant 1973 donc, il se souvient de cette propriété estivale et de ses soixante hectares de garrigue, exprime le voeu de s'y installer... et d'y créer un vignoble!... Avec force dynamite, il façonne le domaine. Une forme de sculpture des grands espaces, peut-être...

Dans la région, les propriétés ont souvent un même "profil", comme on peut le constater d'ailleurs sur les photos aériennes, présentes çà et là. Les vignes remontent souvent la douce pente de vallons, sur des éboulis calcaires et parfois des marnes bleues. Ici, trois vallons pour Trévallon. Une petite vingtaine d'hectares, dont une quinzaine de cabernet sauvignon et de syrah. C'est la force et le style du domaine. Premier millésime : 1976. Une aventure!... En 1984, Robert Parker passe dans la région, découvre Trévallon 1982 et fait part de sa stupeur. C'est l'entrée dans la légende!... Les confins du mythe!... Ce qui fait que la plupart des amateurs de passage éprouvent une émotion particulière, en accédant au cuvier souterrain.

Après un petit tour dans les proches parcelles de chardonnay, dans la fraîcheur mistralienne, nous pouvons déguster quelques échantillons et cuvées. Tout d'abord, les blancs 2009 sur fûts, tel le grenache blanc, qui va désormais entrer dans l'assemblage, avec une belle pureté de fruit, puis la roussanne et la marsanne (dont la prise de bois est plus conséquente à ce stade), très séduisantes par leur expression et leur dynamisme. Les rouges, quant à eux, sont bluffants!... 2007, dont la mise est assez récente, s'offre déjà, presque sans réserve!... Pourtant, le vin a un fond et un équilibre remarquables. La balance fruit-richesse, soulignée par un soyeux presque étonnant, va en faire une cuvée d'exception!... La magie du terroir s'exprime encore plus, à l'évidence, avec quelques années de recul. Éloi Dürrbach ouvre alors 2000, à la jeunesse épatante!... Encore imprégné de fruits rouges (prune peut-être), le vin est d'une remarquable élégance et possède une belle fraîcheur. Dans un autre style, 1999 semble évoluer doucement vers les arômes tertiaires, mais son caractère épicé et très légèrement mentholé lui donne une force et une tonicité droite et persistante. Et toujours, cette fraîcheur!... Notons au passage que ces deux millésimes ne dépassent pas 12° et 12,5°!... Le vigneron de Trévallon n'aurait-il pas intégré depuis longtemps, la "buvabilité" dans ses vinifications?... En tout cas, certainement l'expression d'un terroir exceptionnel!... Pas de doute : Trévallon, c'est grand!...

28062010_027   28062010_028   28062010_036

21 juin - 14h - Domaine Hauvette

Pour accéder chez Dominique Hauvette, il faut quitter la route principale, qui va de St Rémy de Provence à Cavaillon, faire quelques centaines de mètres et trouver la voie Aurélia (Aurélia, c'est aussi une voix!...). "Lors de votre séjour, appelez... pour voir si je suis là..."

Un bâtiment neuf, moderne et fonctionnel en cours d'achèvement. Des portes ouvertes... je les enfonce. Dominique Hauvette est là, mais visiblement préoccupée... Son regard est limpide : "Mais, qui c'est celui-là?..." Installation en cours dans la cuverie, du vin à bouger aussi.. En quelques phrases, la Dame des Baux m'explique qu'elle n'est pas organisée pour recevoir des visiteurs. Pour ses clients, anciens et futurs, elle privilégie les salons hivernaux, afin de les rencontrer et de dialoguer... un tant soit peu!... C'est bien connu, elle fait partie de la caste des vigneronnes voyageuses!...

28062010_029   28062010_033   28062010_031

N'ayant pu la joindre au préalable et débarquant à l'improviste, je ne me vois pas insister. Je bredouille que ce n'est pas grave... D'autant que d'autres mauvaises nouvelles, concernant ses chevaux, arrivent par le mobile!...

Après quelque achat et échange, elle nous explique comment trouver ses vignes, du moins celles qu'elle a conservées. Elle a du, en effet, vendre son mas, ses anciennes installations et une bonne partie de ses plus belles parcelles, pour s'installer là.

28062010_035   28062010_026   28062010_030

Nous repartons donc à la découverte des petites routes de la région. Les explications se voulaient suffisamment claires, puisque nous finissons par découvrir de superbes parcelles dans un vallon, regardant les Alpilles. Le paysage vaut le détour!... Les vignes semblent se porter à merveille!... Décidément ici, les parcelles sont souvent situées dans de remarquables écrins... qui ne nous laissent pas de marbre!... Euh... pour la dégustation?... On verra ça l'hiver prochain!... Pas de doute : Hauvette, c'est chouette!...

28062010_045    28062010_038   28062010_043

22 juin - 11h - Domaine Henri Milan

Voilà un homme qui vit ses vins!... Des vins qui, de l'aveu même du vigneron (et également selon Sébastien, son bras droit, investi d'une foultitude de tâches!) sont en pleine progression. Chose qui n'a pas échappé à nombre d'amateurs, désormais. Pour un peu, on parlerait de coqueluche des cavistes et de certains restaurateurs avisés!... Des cuvées qui ont du tranchant, souvent issues d'un terroir dominé par des marnes bleues sur éboulis calcaires. Comme Trévallon et Hauvette, nous sommes là sur le versant nord de la Chaîne des Alpilles, orientée est-ouest et qui coupe l'AOC des Baux-de-Provence en deux.

28062010_048 28062010_040 28062010_046 28062010_041

Henri Milan?... Attention, talent!... Et enthousiasme!... Et ferveur!... On l'imagine assez mousquetaire. D'ailleurs, il a trois frères, mais ils sont notaires!... Comme Robert Milan, le père, qui acheta la propriété en 1956, y planta de la vigne dès 1958, mais qui, au milieu des années 80, était sur le point de céder aux revenus de la prime à l'arrachage. Au moment de prendre la décision, il confie finalement le Domaine Milan au petit dernier, qui termine son service militaire. Et bien lui en prit!... Milan n'a pas besoin de San Remo, au bord de la voie romaine Aurélia!...

28062010_044   28062010_039   28062010_050

Aussi loin que porte le regard vers le sud, s'étendent les vignes du domaine. Là encore, un vallon, avec une légère déclivité et une mosaïque de parcelles et de cépages. Henri Milan apprend chaque jour, observe, s'étonne. Deux rencontres, voilà quelques années, vont être déterminantes : Claude Bourguignon et Claude Courtois. S'il a fait très tôt le choix d'une agriculture biologique, point de certitude idéologique néanmoins. Plutôt une observation, une attention constantes. Et au final, des progrès apportés par quelques choix essentiels, tel que le décuvage des jus avant même la fin de la fermentation alcoolique, ou l'emploi extrêmement limité du soufre, pour certaines cuvées, dont Sans soufre ajouté, composée de grenache, syrah et cabernet sauvignon (plus du mourvèdre en 2009).

28062010_049   28062010_051   28062010_047

Ce soufre, qui le poussa un jour à chevaucher dans les Alpilles, au coeur de la nuit, pour cause de migraine insupportable!... Comme une révélation sous la Lune!... Comme une évidence!... Dans le petit caveau, la dégustation se poursuit, passionnante. J'avais pu croiser une, peut-être deux cuvées du Domaine Milan jusqu'à ce jour... Là, l'horizon d'une gamme passionnante s'ouvre à moi : le Grand Blanc est composé, bon an mal an, de grenache blanc, chardonnay, roussanne, muscat à petits grains et vermentino. Une cuvée équilibrée et tonique, qui exprime un terroir superbe. Deux ovnis viennent ensuite!... Le Sans soufre 2009, à base de chardonnay et de muscat, puis La Carrée 2007, 100% roussanne. Comment résister?...

Le Rosé 2009 (grenache, syrah et merlot) n'est peut-être pas à mettre entre toutes les papilles, mais ce n'est pas grave, il n'y en aura pas pour tout le monde!... Le rouge Sans soufre ajouté 2009 va étonner son monde!... Volume, suavité, expression minérale. Petite série ensuite, des vins du domaine qui apparaissent encore sous l'appellation Baux-de-Provence : le Domaine Milan 2006 (grenache, syrah, cabernet sauvignon, cinsault, mourvèdre) est franc et massif. La version 2007 semble avoir un beau potentiel. Enfin, le porte-étendard de la maison, le Clos Milan, largement composé de grenache noir (80% le plus souvent) et de syrah, inspire le respect, tant en 2007, 2005 que 2004!... Du 100% raisin, comme le dit la fiche technique!... Du grand art!... Un joli cocktail de puissance au fruité distingué et de fraîcheur tonique. Une grande personnalité et ce, pour chacun d'entre eux, dans son style propre et sans doute, une grande fidélité à l'esprit du millésime. Henri Milan est sans doute homme à accepter une remise en question, pour peu qu'elle soit marquée du sceau du bon sens, mais là, à ce niveau de qualité et pour ce dont il dispose à ce jour, il touche au but!... Pour notre plus grand plaisir!... Pas de doute : Milan, c'est très bon!...

28062010_058

Ciel bleu, temps clair!... Il est temps de nous pencher sur le versant sud des Alpilles!... A suivre, ici-même, sous peu, pour quelques surprises et de nouvelles belles rencontres!...

Publicité
Publicité
Commentaires
G
Magnifiques reportages Philippe !<br /> A bientôt j'espère
Répondre
A
Magnifique reportage : merci Philippe !<br /> Alain
Répondre
P
J'écoute assez Pink Floyd en ce moment, tiens!... Learning to fly, par exemple.<br /> Pour le Domaine Hauvette, je n'ai pas trop de détails... Je dirai "question de choix", pour les raisons de la vente. Ca peut se traduire par pas mal de choses.<br /> Ceux qui évoquent ses vignes, disent qu'elle a vendu les meilleures... Mais, son acheteur m'a dit qu'il n'avait pu obtenir une bonne part des vieilles vignes...<br /> Pour les vins, ce ne sera pas forcément fondamentalement différent. Il faudrait comparer sur pas mal de millésimes. Et une verticale d'Hauvette reste à organiser!... ;-)<br /> J'essaierai d'évoquer ces bouleversements avec elle... si je la croise sur un salon hivernal!...
Répondre
J
Comme toujours...<br /> 3 magnifiques domaines, avec des vins excellents, Clos Milan 04 avec son etiquette qui me rappelle Pink Floyd restera un grand moment, tout comme Trevallon 2001 au resto dont la 1ere etait bouchonnée et la seconde superbe, derniere de la carte ...<br /> par contre pas cool Hauvette, sais tu ce qui s'est passé pour qu'elle ait été obligé de se separer des batiments et des vignes? de quand cela date t il? y a t il une difference (ce que j'imagine et me semble evident!) dans les vins "nouveaux"?
Répondre
B
J'ai vécu pareille mésaventure avec Dominique Hauvette, il y a deux ans. J'avais pourtant pris la peine de téléphoner pour un rendez-vous...<br /> Accueil assez distant, dégustation au lance-pierre, bref, j'ai jamais plus regoûté. Un peu dégouté que j'étais...<br /> Je compatis donc avec toi...
Répondre
Publicité