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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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7 décembre 2012

Etienne Courtois, vigneron en Sologne, au nom du père

La Sologne. Vue du ciel ou en jetant un oeil sur une carte, on imagine une contrée partagée entre la terre et l'eau. On pense moins à la forêt (encore que, avec la pratique de la chasse!) et qui plus est à la vigne, qui sont comme des îlots que l'on imagine vivants et symboliques d'une région. Ici, comme dans bien des appellations méconnues, les parcelles viticoles sont désormais réduites à la portion congrue, au regard des centaines, voire des milliers d'hectares existants au début du XXè siècle. Et encore, ne faut-il pas évoquer cette notion d'appellation pour la Sologne, puisque, si cela est une réalité très valorisante pour les asperges, les fraises et autres poires, les vins, quant à eux, ont dû se rallier à la Touraine viticole, par la volonté d'un éminent vigneron de la région qui voulut, voilà une trentaine d'années, barrer d'un trait des siècles d'histoire et un patrimoine authentique. A peine, depuis, Cheverny et Cour-Cheverny eurent droit à leurs bons de sortie respectifs!...

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Étienne Courtois a 25 ans. Et déjà du recul et un vécu certains, puisque son père Claude lui confia un tiers d'hectare dès l'âge de 17 ans, à l'heure où la poursuite des études interpelle élève et maître... La Cuvée des Étourneaux 2005 en fût le premier fruit. Puis un, deux et trois hectares passèrent dans son escarcelle. Le père voulait-il tester le fils en vraie grandeur, au moment où, avec son frère Julien, ils se révèlent les seules membres de la fratrie de cinq enfants, passionnés par la vigne et le vin?... En tout cas, aucun lycée viticole, ni aucun cours d'oenologie ne vinrent perturber la transmission. Celle-ci est désormais effective, puisque la veille de notre passage, Étienne venait d'obtenir le feu vert, en vue d'une reprise des huit hectares du domaine, Julien disposant des quatre avec lesquels il a déjà pu produire quelques nectars et Claude, conservant un "hectare de subsistance", pour améliorer la retraite à laquelle il aspire désormais, après bien des combats et une présence de tous les instants ou presque, tant à la vigne qu'au chai.

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Mais, revenons un peu en arrière : Claude Courtois est Bourguignon, natif de l'Yonne. La famille était vigneronne avant même la Révolution Française. Après le phylloxera, l'arrière grand-père créé une activité de négoce en vins, mais Claude veut revenir à la vigne et au vin, comme son grand-père. N'obtenant pas gain de cause, il décide de quitter sa Bourgogne natale à la fin des années 70 et met le cap au sud, s'installant dans le Var, du côté de Brignoles et Correns, non loin du fameux Château Miraval. Mais, le Bourguignon a un peu de mal à s'adapter pleinement aux chaleurs estivales et au mistral glacial de l'hiver, lorsqu'il faut passer de longues heures dehors, pour la taille. En 1989 et 1990, la région est ravagée par des incendies de forêt. Au cours de l'été 1991, un dernier sinistre entourant le mas familial, cependant épargné puisque les vignes servent de pare-feu, a raison de la patience du vigneron. La goutte d'eau qui fait déborder le canadair!... Il consulte alors les petites annonces de La France Agricole dans le but de trouver un vignoble, pour peu que les vignes soient d'un seul tenant, afin d'éviter tout voisinage problématique. Et, c'est ainsi que toute la famille débarque fin 1991 du côté de La Sauvée, à Soings en Sologne, pour animer et entretenir ce qui va devenir Les Cailloux du Paradis sur les étiquettes, cailloux pour les silex et paradis pour l'argile, composants incontournables de cette terre solognote.

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Voyage en terre inconnue?... C'est un peu ce qui préside aux premières années. Mais, Claude Courtois se penche sur l'histoire de cette région, au moment même où certains tentent et réussissent à intégrer la Sologne à la Touraine viticole, en gommant son identité historique. Conséquence : les cépages autochtones deviennent interdits, y compris le menu pineau et le romorantin!... François Ier dût s'en retourner dans sa tombe!... Lui, qui fit venir un traminer du nord de Venise et de la frontière autrichienne, qui prit le nom d'orboué en patois local, ou menu pineau, voire encore, qui implanta un cépage issu de gouais blanc et de pinot noir, qui devint le romorantin. On dit même qu'il en fit venir de Bourgogne quelques dizaines de milliers de plants destinés à une propriété proche du château de sa mère, Louise de Savoie, à... Romorantin. Il devait construire là son château, avec l'aide de Léonard de Vinci venu dans ses bagages après Marignan, mais en plein XVIè siècle, lorsque paludisme, lèpre et peste décimaient le pays, il décida de se replier dès 1519 sur Chambord, pour y construire sa résidence royale, s'éloignant ainsi des zones marécageuses de Sologne, mais conservant la forêt de Bruadan, où il pratiquait son sport favori, la chasse. 

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Mais, Claude Courtois n'en poussa pas moins ses investigations sur les traces de l'histoire locale. Il découvrit ainsi qu'un ministre de la toute jeune IIIè République se déplaça un jour à Villeherviers, non loin de là, pour goûter ce qu'on lui présentait comme le meilleur vin rouge de Loire!... Il s'avéra qu'il s'agissait d'une syrah!... Fort de cette information, le vigneron du Paradis lança un caillou dans la mare en faisant toutes les démarches nécessaires afin de planter ce cépage, à priori délocalisé, et finit par obtenir gain de cause. Las! Deux années plus tard, tout ce que la viticulture connaît de compétences supposées et institutionnelles (Répression des Fraudes, Douanes, INAO...) débarquent au domaine et siffle la fin de la partie, au mépris du travail effectué et des contingences historiques : la syrah est interdite!... S'en suivent cinq années de procès, des milliers d'euros d'amende et, sanction suprême, l'arrachage des vignes!... En appel, Claude Courtois obtient le droit de surgreffer sa parcelle. Il le fera en gascon, un cépage très présent dans l'Yonne avant le phylloxera - 9000 ha sans doute - alors qu'il en reste moins de deux sur la planète de nos jours!... Faire revivre l'Histoire, réimplanter les cépages locaux, un vrai travail générationnel, sorte de devoir de mémoire, mais une démarche souvent contrariée par les intérêts locaux de divers potentats et aussi du fait d'un manque d'ouverture, ainsi que d'une part d'ignorance de sa propre culture locale.

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Au domaine, Étienne Courtois précise qu'aujourd'hui, quinze à vingt cuvées sont produites bon an mal an sur les 8 ha (50% de rouges et autant de blancs), avec un roulement permanent en fonction de la durée des élevages, qui peut atteindre soixante mois dans certains cas, voire dix ans dans le cas de la cuvée Évidence 1997. Ce "roulement", il a fallu vingt ans pour le mettre en place et le confirmer. Ainsi, certaines mises ne sont désormais commercialisées qu'au moment où elles atteignent leur apogée supposée. Les "progrès", que certains disent constater depuis quelques millésimes, tiennent essentiellement à cette possibilité de mettre sur le marché, des vins qui se goûtent de mieux en mieux. "C'est un véritable luxe pour nous, précise Étienne, que de se permettre cela ou de dire parfois, que nous n'avons plus de vin disponible, mais notre marge de progression est encore grande. Il nous reste des marches à gravir et heureusement!"

Au-delà de cet aspect des choses, il y a bien sur la notoriété atteinte par le domaine, devenu quasiment mythique, comme le souligne Aurélia!... L'obligation que la famille Courtois s'est donnée, sans jamais y déroger, de proposer des vins très fins, les a amenés au sommet. Après le Japon qui, voilà au moins quinze ans, leur a fait confiance et leur a permis de s'installer dans de bonnes conditions, d'autres pays aspirent désormais 60% des volumes : Singapour, Corée, Suède, Norvège, Angleterre, Danemark, Québec, USA, Brésil... Une des grandes satisfactions d'Étienne, c'est de faire le constat aujourd'hui que les vins du domaine sont présents "dans les plus petits bars à vins du fond de la Bretagne ou d'Auvergne, comme sur la carte de sept des dix plus grandes tables du Monde!... C'est un panel on ne peut plus large et c'est génial!" Et gageons que l'éducation de Claudine et Claude évitera aux enfants de se gaver de certitudes et de faire le choix d'options par trop aventureuses. Objectifs affichés d'Étienne : garder un ensemble à l'échelle humaine, tout en usant des connaissances oenologiques modernes et rester les pieds sur terre, sans oublier d'aller de l'avant pour progresser encore.

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Côté vignes, on ne peut que constater, même en hiver, que celles-ci se portent à merveille. L'ensemble du vignoble est cohérent et implanté sur un sol meuble, vivant, mais sans doute aussi, exigeant quant au travaux incontournables. Notez qu'au domaine, de la plantation à la création de l'étiquette, tout est fait à la main, sans intervention extérieure. Ainsi, le fauchage de l'herbe, au moyen d'une débroussailleuse, équivaut à un aller-retour Soings-Paris chaque année!... Un rang sur deux est aéré, à l'aide d'un scarificateur mis au point il y a au moins trente ans. Les sols ne sont jamais retournés, du fait du risque, notamment, de glacer les argiles. Soit, un total de 20 ha dont 5 de forêt, un petit étang, des prairies, des arbres fruitiers... Pas moins de quinze cépages présents et sans doute une vingtaine avant longtemps, suite aux essais en cours. Les Courtois disposaient à leur arrivée, de la seule parcelle de menu pineau de la commune et ils ont, de plus, réimplanté le romorantin, ce que Cheverny s'est empressé de suivre. Dommage que l'occasion de créer une AOC Sologne ait été loupée depuis!... Le tout sous contrôle de Nature et Progrès depuis trente ans, avec l'utilisation régulière de tisanes, de terpènes de pin, de prêle, d'algues, de divers purins en fonction du ressenti du moment, sans oublier le savon noir comme fixateur.

Côté chai, ou cuvier, lors des vendanges, une série de pressoirs à cliquet est utilisée. Certains façon collector, puisqu'ils ont cent ou cent vingt ans. Les élevages sont conduits en barriques qui ont en moyenne vingt à vingt-cinq ans. Certaines datent du grand-père, atteignant quarante, voire cent ans! Les dernières n'ont guère plus de deux ans, parce qu'il faut bien les renouveler. A ce jour, il est peu probable que le béton soit utilisé à l'avenir. D'autres contenants sont tentants, comme ces cuves tronconiques en bois, mais leur prix d'achat les rend quasiment inaccessibles pour le domaine.

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En appréciant comme il se doit charcuteries et petits chèvres du marché de Contres, nous dégustons une série de cuvées disponibles. De l'aveu même d'Étienne, une visite printanière permet de découvrir une plus large gamme qu'en novembre ou décembre. Qu'à cela ne tienne, nous reviendrons en avril ou mai, par exemple!...

- Quartz 2010 : 100% sauvignon sur un sol d'argiles et de silex, élevé 18 mois en barriques : un tranchant remarquable et une minéralité très silice-silex.

- Plume d'ange 2010 : sauvignon également, fermentation et élevage de 24 mois, vendangé plus mûr, avec un plus de rondeur, mais une pureté notoire.

- Cuvée des Étourneaux 2011 : porte ce nom parce que les oiseaux ont vendangé en 2001, à la place du vigneron! Composée à parts égales de gamay de Chaudenay et de gamay à jus blanc. En principe, pas moins de deux ans d'élevage, mais Étienne prit l'option, l'été dernier, de mettre en bouteilles un tonneau de ce millésime, afin de l'apprécier sur le fruit et ainsi, de garder des bouteilles du millésime 2009, qu'il jugeait opportun de ne pas mettre sur le marché trot tôt. Ces dernières vont donc bientôt être disponibles et le reste du 2011 n'apparaîtra qu'en 2014, après le 2010, qui sera au tarif fin 2013.

- Cuvée des Étourneaux 2009 : un exemple d'élégance et de suavité. Très abordable dès maintenant, le potentiel de garde est certain. L'expérience a montré aux Courtois père et fils, que même conservés dans des conditions extrêmes, certains vieux millésimes de cette cuvée n'ont pas manqué d'étonner, conservant leur expression et leur dynamisme.

- Racines 2007 : officiellement cinq à six cépages (côt, gamay, pinot noir, cabernet franc, gascon, etc...) et officieusement... Une très belle structure, élégante et droite.

- Or'Norm 2008 : un sauvignon de macération tout à fait passionnant, à mettre à table, ou à convier lors d'autres séances...

- Évidence 2007 : 60 mois de barriques pour ce menu pineau ramassé avec du botrytis, mais pas pour faire un liquoreux, sauf en 1997 (élevage de dix ans!). Certaines années, cette cuvée devient Petit Coin de Paradis (2005 et 2001 en liquoreux, 7 hl/ha, en bouteilles de 50 cl), ou encore Fleur de Damoiselle, catégorie vin de voile en 1999. Claude Courtois a baptisé ce dernier "la mémoire du sucre", avec son nez de moelleux et sa dimension hors normes, qui en font selon lui, l'expression du plus beau cépage de la région. Autre exemple connu, la cuvée Alkimya 1997, menu pineau résolument oxydatif, qui a marqué tous ceux qui ont eu la chance de le déguster!... Rappelons que Julien Courtois propose également une cuvée Savasol (savagnin de Sologne) dans ce style.

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A l'heure donc de traiter sur ce blog de quelques exemples de vignerons angevins sur le point de transmettre à leur progéniture - Tout le monde n'a pas la chance d'avoir eu des parents vignerons! - voici donc un exemple de transition qui devrait se passer en douceur. Parce que la passion d'Étienne est comme une évidence. Certes, le millésime 2012 n'est pas une sinécure, avec 70% de volume en moins, par rapport à une année moyenne normale, mais des qualités, somme toute, très correctes. Le tout jeune vigneron va donner libre cours à son talent et il ne manquera pas de nous étonner à l'avenir!... D'ailleurs, si le père, Claude, bénéficiait d'une aura significative chez ses pairs, il semble que le cadet force déjà l'admiration de certains, dans la région et au-delà. Si vous souhaitez le rencontrer, vous pourrez sans doute le croiser lors de la Dive bouteille, dans les douves de Brézé, début février 2013, sachant que ce salon est souvent sa seule sortie annuelle, dans ce genre de circonstances. A moins qu'il ne soit... "le petit jeune ligérien qui monte", plus tard... 

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