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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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26 mai 2018

Vous boirez bien un verre de genouillet?...

Je suis en retard. En cette fin d'après-midi, la météo est poisseuse à souhait : pluie fine, nuées basses. Nous sommes le quatorze mai et on peut s'inquiéter quelque peu, se demander à quelle sauce la poussée tardive de la vigne va être mangée!... Direction Quincy et plus exactement, le Domaine de Villalin, cher à la famille Smith. Objectif principal : découvrir le cépage genouillet!... Un de ceux évoqués dans le livre d'André Deyrieux, A la rencontre des cépages modestes et oubliés, aux Éditions Dunod, dont la deuxième version est parue récemment. Indéniablement, un "guide" qui, à l'instar de Tronches de vin, peut être glissé dans votre boîte à gants, tant il est apte à vous emporter, lui aussi, dans tous les recoins du vignoble, voire même dans des contrées où la vigne est seulement inscrite, désormais, dans l'histoire et la mémoire des traditions locales, puisque arrachée depuis des lustres.

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A Quincy, nous sommes au pays du sauvignon et de ses vins le plus souvent frais et fruités, que l'on met volontiers sur la table avec quelques huîtres et saveurs océanes. Des arômes d'agrumes frais, parfois de buis ou de pipi de chat, ce dernier plutôt le marqueur de raisins manquant de maturité. Mais, cela paraît pour le moins réducteur, pour une appellation qui a fêté ses quatre-vingt ans en 2016, forte d'un potentiel historique remarquable, dont on trouve trace au fil des siècles, du romain Quintius, valeureux légionaire venu s'installer là en -14 avant JC, à l'obtention de l'AOC en 1936. Il n'est que d'apprécier, au passage, le non moins remarquable travail de recherche, ainsi que la documentation qui est disponible désormais, fruit d'une volonté du syndicat viticole local et des vignerons du cru. A voir donc, la brochure "De Quintius à Quincy" et celle évoquant le "Sauvignon conté au fil des siècles", présentant au passage le Jardin-Labyrinthe de vignes de Quincy.

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A l'évidence, Maryline Smith, vigneronne au hameau du Grand Villalin (curieusement le seul secteur de l'AOC situé sur la rive droite du Cher), est une férue d'histoire, passionnée de traditions locales, d'héritage vinicole à transmettre et de biodiversité. Au mur du caveau de dégustation, une carte aux teintes pastel, datant de 1806, semble donner le la de la conversation qui va suivre. En fait, la découverte d'un cépage ancien tient souvent du hasard absolu, un peu comme lorsqu'on découvre la présence d'un papillon rare, dans une zone où il est admis qu'il a disparu depuis longtemps, par exemple le fadet des laiches, chez Christophe Landry, du côté de Margaux.

Dans le cas du genouillet, qui serait issu d'un croisement du gouais blanc et du tressot noir, il s'en est fallu de très peu, puisqu'à la fin des années 80, trois pieds sont repérés chez Rolland Houry, au village des Bordes, à Issoudun, alors que trente années plus tôt, il en restait encore deux hectares. Et c'est peu au regard des trois mille hectares de ce cépage qui composaient le vignoble aujourd'hui disparu de la région d'Issoudun, entre l'apparition du phylloxera et la fin du premier conflit mondial. Le vignoble de Quincy a survécu au puceron dévastateur grâce à l'opinaitreté des vignerons du cru, alors que celui de la "Champagne berrichonne" est devenu un des plus grands greniers à blé de France, option grandes cultures.

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Bien sur, chacun l'aura compris, il faut donner du temps au temps! On obtient pas les bois en vue d'une nouvelle plantation du jour au lendemain. En 1993, dix pieds sont plantés dans le conservatoire des cépages de la Société Pomologique du Berry, à Tranzault. A partir de ces pieds, d'autres rejoignent le Domaine de Vassal et la collection de cépages de l'INRA de Montpellier. En même temps, les plus célèbres ampélographes valident ces premiers travaux. En 2002, l'URGB (Union pour les Ressources Génétiques du Berry), avant de devenir l'URG Centre, décide de relancer le genouillet. Mais, cela ne va pas sans de longues tractations administratives et politiques. Le Ministère de l'Agriculture finit par accepter l'idée d'un protocole d'expérimentation en 2005. Au mois de novembre de cette même année, une parcelle expérimentale est plantée au Domaine de Villalin, à Qunicy, chez Maryline et Jean-Jacques Smith, Environ 150 pieds, simultanément à 150 pieds de gamay (qui seront ensuite surgreffés). En 2009-2010, les premières vinifications sont réalisées sous l'égide du SICAVAC, le Service Interprofessionnel de Conseil Agronomique, de Vinification et d'Analyse du Centre. Après d'indispensables tests génétiques et une expertise visuelle, le Ministère publie l'Arrêté du 29 septembre 2011 (paru au JO du 4 octobre), ce qui permet d'intégrer officiellement le genouillet dans la liste des cépages de cuve autorisés. Dès 2012, il pourra donc être planté légalement. Reste à lui trouver les terroirs adaptés, les porte-greffes les plus judicieux, les modes de conduite ou encore la vinification la plus valorisante. La parcelle d'origine du Domaine de Villalin (1 ha aujourd'hui, avec 50 ares plantés en 2012 et 50 autres en 2014) devient une vigne-mère de greffons, la multiplication est désormais possible pour de nouvelles aventures!...

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Au domaine, les premières cueillettes de cet hectare ont été orientées vers la production d'un rosé. mais, comme le démontre ce 2017, le rouge est doté d'un joli équilibre et d'une sympathique pureté de fruit, genre cerise noire. Il met en évidence une acidité notable, ce qui laisse supposer une bonne capacité de vieillissement, comme certains textes anciens le laissent supposer. A ce stade, on peut imaginer que ce cépage pourrait être assemblé avec d'autres plus connus, parmi ceux qui atteignent désormais des degrés naturels relativement élevés, phénomène que l'on attribue de nos jours au réchauffement climatique... En attendant, d'autres parcelles ont été plantées, comme chez Vincent Chauvelot, à Vesdun, dans la zone de Chateaumeillant, ou à Reuilly, au Domaine Charpentier ou chez Michel Cordaillat.

Une dynamique nouvelle très active dans la région Centre, où les cépages rares sont plutôt nombreux. Ainsi, Pierre Picot, du côté de Chateaumeillant, a replanté du gouget noir, mais on trouve aussi du meslier-saint-François, de l'orbois, du gascon (présent d'assez longue date chez les Courtois, en Sologne), sans oublier le romorantin et le pineau d'Aunis, qui a sans doute pour orginine la région des Coteaux du Vendômois et du Loir, mais qui connait un certain succès dans le Saumurois notamment. Voici de nouvelles raisons de se rendre, au 11 novembre, du côté de St Côme d'Olt, au coeur de l'Aveyron, à l'occasion des Rencontres des Cépages Modestes, créées par André Deyrieux, histoire de croiser le verre en s'étonnant et "d'aller chercher le passé pour se proposer un nouveau futur"!...

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