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La Pipette aux quatre vins
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16 mai 2013

Christophe Landry, à Arsac : la belle nature de Margaux

Décidément, les amateurs se doivent de ne pas jeter la cognée après le manche, lorsqu'ils parcourent le Médoc. Il y a ainsi quelques découvertes qui valent le détour, des îlots de nature qui rassurent quant à la nature humaine. Avidité et cupidité ne sont pas forcément la règle à Margaux. Mais, c'est parfois au prix d'une lutte au quotidien, le combat d'une vie. Lorsqu'on pénètre le monde de Christophe Landry, du Château des Graviers, à Arsac, on prend en même temps, une bouffée d'air et d'espoir en un monde (viticole) meilleur en intraveineuse.

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Le cheval qui murmurait à l'oreille du cheval

Le vigneron d'Arsac a un homonyme, helvète underground du Val de Travers (Tronches de Vin, page 138), mais le Christophe Landry qui nous reçoit ce jour n'aime pas les histoires qui partent de travers. Il aime donner du temps au temps. Chaque option prise est mûrement réfléchie. "Je me considère comme quelqu'un de très lent..." Finalement, ça tombe plutôt bien, puisque du côté des autorités viticoles, il faut encore plus de temps pour rédiger et valider le moindre texte modifiant un décret d'appellation. Mais, à force d'abnégation...

Christophe Landry est le représentant de la cinquième génération sur le domaine. Il est de retour sur ses terres depuis le milieu des années 90. Pas pour bouleverser les choses, mais pour prendre le relais de ceux qui, avant lui, ont défendu l'authenticité et la sincérité des vins d'Arsac, une des cinq communes composant la vaste AOC Margaux depuis l'été 1954. Cette appellation, dont la révision fut officialisée en 2007, après environ vingt années de procédure, notamment sous l'impulsion du Château d'Arsac, célèbre Cru Bourgeois, qui regagna ses lettres de noblesse après une longue lutte. Ce petit séisme dans les coutumes margalaises eut pour conséquence de rendre possible d'autres démarches du même ordre. Et c'est ainsi que le vigneron du Gravier, au moment de reprendre en mains le destin de ce Cru Artisan, demanda et finit par obtenir le classement en AOC Margaux de quelques parcelles assez remarquables. Il faut dire que cette révision semble cohérente, tant le parcellaire de l'appellation fut déterminé en 1954, le plus souvent , à la demande des propriétaires eux-mêmes. En effet, certains vignerons, à l'époque, peu enclins à découvrir de nouvelles contraintes réglementaires, choisirent de conserver leur patrimoine en AOC Haut-Médoc (datant de 1938), plutôt que d'adopter celles de nombreux Grands Crus Classés et Crus Bourgeois, plus exigeantes. Bien sur, cette tendance s'est depuis inversée et, sur place, chacun peut le constater en voyant régulièrement des parcelles passer dans l'escarcelle de tel ou tel grand cru, misant sur l'expension patrimoniale. A 2,5 M€ l'hectare, il est aisé de le comprendre!...

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Le domaine compte treize hectares de vignes dans trois secteurs. Le premier - Le Soc (b) - est situé à proximité immédiate des bâtiments et ses 2,5 ha restent un peu le coeur historique du Câteau des Graviers. Non loin de là, dans le secteur dit de Monbrison (c), un autre îlot de 5 ha environ cotoie les parcelles de quelques grands crus et assimilés, tels Issan, Rauzan-Ségla, Prieuré-Lichine ou Marojallia par exemple. Nous sommes là sur l'une des trois terrasses du fleuve, ancien lit de la Garonne, composées pour l'essentiel de graves pyrénéennes du Quaternaire, dont l'épaisseur et la proportion d'argile (souvent faible) varient selon les endroits, formant de très légères déclivités - les croupes médocaines - assez peu marquées ici. Une grande proportion de merlot et cinquante ares de cabernet franc. C'est ici également que l'on retrouve une parcelle de 1,20 ha, en Haut-Médoc à l'origine, reclassée en AOC Margaux en 2007. Toutes ces vignes ont été plantées par le grand-père de Christophe, après le grand gel de 1956, conseillé en cela par la Chambre d'Agriculture de la Gironde, très active à l'époque, pour une sorte de refondation du vignoble et la perspective de la fin du XXè siècle.

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L'ensemble du domaine est en biodynamie depuis 2009 (conseillé par Anne Caldéroni). Cette évolution vers la méthode mise au point par Steiner s'est faite de façon assez naturelle, puisque, en prenant connaissance de quelques-uns de ses grands principes, le vigneron d'Arsac constata notamment que l'application de tisanes de plantes ou le respect des phases lunaires étaient déjà en vigueur au domaine. Evolution naturelle mais réfléchie, comme il se doit. D'autant qu'en effectuant quelques visites à Pauillac (Pontet-Canet) ou en Saumur-Champigny, il ressent le besoin d'une analyse fine propre à ses vignes, à ses parcelles. Pour lui, la biodynamie n'est pas une recette strictement transposable d'un lieu à l'autre. Il va donc mettre en oeuvre une phase d'observation absolument déterminante, d'autant qu'il se nourrit d'un grand projet global, dans le cadre exceptionnel du Poujeau de Perrain (d). "C'est notre paradis!... Il n'existe que deux endroits comme ça à Margaux. L'un ici, à l'extrémité sud de l'appellation et l'autre entre Soussans et Avensan, au Château de Boston, chez Vincent Ginestet, le petit-fils de l'ancien propriétaire de Château Margaux."

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Bordé de bois et d'un ruisseau, il s'agit là d'un éco-système, dans lequel onze hectares ont été reclassés en AOC Margaux en 2007, à l'état de prairie depuis un demi-siècle. Les onze années de procédure (et de doute aussi, suite au projet de gravières de GSM et à celui d'un contournement routier) ont permis une lente observation du site, grâce notamment à Pierre Bécheler, un ami géologue bien connu dans les vignobles et son épouse passionnée par la faune et la flore locales. Ainsi, plusieurs dizaines de fosses ont été réalisées dans un premier temps, afin d'identifier rigoureusement les composantes du sol et du sous-sol (voir ci-dessus) et sont même recreusées chaque année, dans le but premier de mesurer l'évolution de l'implantation des racines de la vigne depuis 2009, date de l'apparition des premiers cabernet sauvignon (1,80 ha).

De la même façon, il n'était pas rare d'apercevoir le trio, naguère, au coeur de certaines belles nuits d'été, équipé d'un groupe électrogène, d'un projecteur et d'un grand drap blanc, afin d'effectuer quelques comptages de tous les insectes présents dans cet espace. Et c'est ainsi d'ailleurs que fut identifié le fadet des laiches, une espèce de papillon très menacée en Europe, comme le précise la revue Le Rouge et le Blanc, dans un de ses plus récents numéros. Au moment de collecter et de résumer toutes les données obtenues, les amis de Christophe ne manquèrent pas de l'interroger sur ses objectifs, en matière de faune et flore notamment. "En fait, mon souhait est de garder l'ensemble du vivant, même après la plantation de la vigne."

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Dès 2009 donc, quatre des cinq premiers hectares étudiés sont plantés de cabernet sauvignon et de merlot (80 ares), suivis en 2010 de petits verdots, issus des vignes centenaires du Château Moutte Blanc, à Macau, au bord de l'estuaire, ainsi que de carménère et de malbec, ce dernier choisi dans le Blayais et planté sur les graves les plus maigres du secteur. Certains rangs sont composés de clones divers, mais aussi de spécimens issus de différentes collections. Bien sur, le choix des porte-greffes ne s'est pas fait au hasard et l'option de l'enherbement est observée de près. On constate aussi que la terre est plus brune, puisque le sol est moins lessivé par les pluies, que dans le secteur précédent. La démarche globale s'accompagne de plantation de sauge et de romarin, par exemple, autant d'herbes destinées aux tisanes biodynamiques. Pour les habitants du cru, il s'agit là souvent de "vignes sales", qui deviennent des "vignes vivantes", avant d'être définitivement des "vignes riches"!...

Le rêve du vigneron, devenu son objectif, c'est d'appliquer la notion de terroir dans sa globalité : "Vu la richesse d'un tel site, on doit être en mesure de produire des tisanes avec les herbes issues de celui-ci..." C'est à cette fin que Christophe Landry va prochainement aménager un bâtiment permettant le séchage et la conservation des variétés de fleurs et d'herbes nécessaires aux préparations.

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Pour saisir toute l'ampleur du projet, il faut porter son regard au-delà de la petite route qui borde ces parcelles. On découvre alors treize hectares de prairies, où les deux chevaux du domaine semblent être heureux et en confiance. Pour le moment, le travail du sol avec la participation de ce duo équin n'est pas d'actualité. "Ce n'est pas ma priorité pour l'instant, au regard de tout ce qu'il faut mettre en oeuvre pour que la méthode apporte quelque chose de plus à la vigne. Le cheval sera l'aboutissement, lorsque je pourrais travailler avec eux à 100%." Il estime à cinq le nombre de chevaux nécessaires pour les treize hectares. "J'aime beaucoup la vigne, mais j'aime trop les chevaux pour que ce soit à leur détriment." Actuellement, il préfère partir randonner avec eux dans les Corbières, pour son plaisir, plutôt que de les soumettre à un travail trop exigeant, à supposer que le choix de la race soit cohérent. "De plus, je pense qu'à la vigne, il faut marcher derrière le cheval. On est presque certain de penser à lui, lorsqu'on ressent la fatigue et les effets de la chaleur."

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Non loin de là, on trouve également cinq autres hectares de vignes en AOC Margaux, sur un terroir somme toute différent. Ces parcelles sont exploitées actuellement en fermage par Michel Théron, du Clos du Jaugueyron, un de ses plus proches voisins, composant avec lui une sorte de binôme sensible à cet environnement local. Tout près, dans un espace déboisé par les tempêtes de 1999, viendra bientôt s'installer un petit troupeau de vaches, des Jersaises, choisies notamment, après une longue réflexion là encore, pour la qualité de leur lait et le taux de matière grasse assez record de celui-ci. Ce lait sera destiné à la production de fromage par un autre de ses voisins. Il pourra ainsi récupérer le petit lait destiné à certains traitements et les bouses pour les préparations. Toujours le terroir!... Enfin, à la limite des 48 ha de l'ensemble, regroupés suite à divers échanges, achats et remembrement effectués patiemment depuis dix ans, l'implantation d'une oseraie est à l'étude, certaines variétés d'osier étant elles aussi utilisées en biodynamie. Encore et toujours le terroir!...

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Après une telle découverte in situ, il peut paraître presque accessoire d'évoquer vinification et élevage. Pourtant, là encore, certaines options semblent déterminantes pour tirer la quintessence des cépages et des sols. Notons également que chacune des variétés de vignes est taillée avec la méthode la plus adadptée. Ainsi, on compte 61% de cabernet sauvignon taillé en guyot double, 26% de merlot, en guyot double à fenêtre, 5% de cabernet franc en cordons, tout comme le petit verdot (3%), du malbec (3%) en guyot simple inversé tous les ans et 2% de carménère en guyot simple. Au cours de l'été, la vigne ne subit ni rognage, ni écimage, ni effeuillage.

La cueillette est manuelle avec tri sur pieds et au bout du rang, s'étalant en fonction de la maturité des raisins. Un large cuvier inox permet des vinifications par parcelle, avec des processus adaptés aux cépages. Ainsi, le cabernet franc subit une macération carbonique, malbec et petit verdot sont vinifiés cuves ouvertes permettant quelques pigeages, les carménères, quant à eux, sont vinifiés dans deux barriques de 600 litres posées sur galets roulants, permettant de les faire tourner sur elle-mêmes autant que nécessaire. Merlot et cabernet sauvignon suivent le processus classique de macération de six à huit semaines.

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Pour l'élevage, les barriques de chêne français sont privilégiées (dont 25% neuves) pour une durée de douze à seize mois. Là encore, la démarche est originale : Christophe Landry a rencontré, voilà quelques années, un merrandier de Mont-près-Chambord, dans le Loir-et-Cher, avec lequel il a sympathisé. Celui-ci a depuis créé sa propre tonnellerie et ainsi, chaque année, au début mars, il choisit avec lui les arbres destinés à la fabrication des barriques de l'année suivante. Histoire d'aller au bout du bout de la démarche!...

Lors du passage au domaine, le chai contenait le millésime 2012 en cours d'élevage et quelques barriques de 2011, l'essentiel du volume de ce millésime étant déjà remonté en cuves, en vue de la mise. A noter que le rendement à l'hectare ciblé chaque année est de l'ordre de 45 hl/ha. En 2012, celui-ci est d'environ 40 hl/ha, ce qui tend à démontrer que les aléas climatiques et difficultés diverses identifiées çà et là, n'ont eu qu'un impact minime au Château des Graviers. Rappelons quand même que la densité de plantation imposée par le décret d'appellation est de 7000 pieds/hectare.

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Avant de laisser la place à un groupe de visiteurs de passage (activité intense et prenante en cette période!), dégustation de trois millésimes - 2007, 2009 et 2010 - du Château des Graviers, dont la tendance principale allie des tannins assez soyeux à une fraîcheur notoire. Les vins du domaine montrent une dynamique des plus intéressantes, que l'on pourra retrouver à table, sans attendre une hypothétique évolution favorable, tant leur accessibilité actuelle semble apte à procurer du plaisir aux plus exigeants. Cependant, il serait bon de destiner quelques flacons à une conservation plus longue, chacun sachant à quel point les vins de Margaux recèlent parfois de subtiles et goûteuses vérités organoleptiques.

Arsac n'est pas forcément la commune-phare de la célèbre AOC médocaine, mais elle compte quelques jolis domaines, tenus par des vignerons sensibles à la sauvegarde de l'environnement et à une production de vins respectueux d'une certaine philosophie, rappelant quelques pratiques anciennes authentiques, sans pour cela céder à une quelconque nostalgie rétrograde. Nous aurons ainsi l'occasion, avant longtemps, de découvrir le Clos du Jaugueyron, la Closerie des Moussis, mais aussi le Château de Boston à Soussans, autant de domaines peu enclins à céder aux sirènes d'une vinicolarisation mondiale des vins.

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Si vous n'avez pas programmé de visite dans le Médoc prochainement, vous pouvez vous rendre samedi prochain 18 mai au coeur de la Corrèze, à St Cernin de Larche, non loin de Brive la Gaillarde, à l'occasion du premier salon Au fil du vin, qui invite deux bonnes douzaines de vignerons "au plus près de leur terroir et de la nature"!... Et parmi eux, Christophe Landry, pour qui ce sera quasiment une première.

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Commentaires
F
Bonjour<br /> <br /> Je viens de déguster un chat. Des graviers ,Margaux 1998 ,, <br /> <br /> Quels sont les bonnes années à conserver ?<br /> <br /> Souhaite du 2012 , naissance de mes 2 petits enfants.<br /> <br /> Donner moi vos conditions de transport et tarifs<br /> <br /> Adresse: François -tancre@wanadoo.fr<br /> <br /> <br /> <br /> Cordialement
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