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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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31 janvier 2013

Domaine de l'Ecu : chasse au trésor dans le Muscadet!...

Le nom de ce domaine du Pays Nantais ne manque pas de titiller notre imaginaire. En tout cas, celui de tous ceux qui se virent un jour en chasseur de trésor dans des contrées lointaines, en plongeur voyant surgir d'un récif corallien, les membrures d'une épave cachant un coffre dégoulinant de pièces d'or ou, plus modestement, en jardinier du dimanche, dont la bêche heurte malencontreusement une cassette historique, sauvée de quelque envahisseur ou de quelque révolte, bien avant que ne fusse créée cette ZAC des temps modernes. Aujourd'hui, le trésor n'est pas du même métal. Il nous abreuve, mais une certaine forme de rareté et d'exception attise la convoitise d'autres passionnés. En route pour le Domaine de l'Ecu et une chasse au trésor dans le vignoble de la Bretonnière du Landreau!...

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Si Guy Bossard recula devant l'éventualité d'appeler son domaine le Clos de l'Écu, échappant ainsi à quelques échanges d'amabilités quasi inévitables, lorsque les noms de domaine deviennent de véritables enjeux (l'INAO lui aurait de toute façon signifié qu'un "clos" devait être entouré de mûrs!), il s'en fût de peu que la monnaie européenne ne s'appela ECU (European Currency Unit), ce qui aurait peut-être bien vallu au vigneron ligérien une levée de... boucliers digne des troupes gauloises face aux légions de Rome... ou une promotion internationale à peu de frais!... Mais, Helmut Kohl, en 1979, n'aimait pas ce nom prononcé "ein Ecu", trop proche à ses yeux de "eine Kuh", ce qui ne pouvait que dynamiser l'amour vache qui lie nos deux pays, l'Allemagne et la France, depuis des lustres.

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Voilà maintenant plusieurs décennies que Guy Bossard fait un peu office d'extra-terrestre dans le vignoble nantais, avec son attachement à une agriculture respectueuse de l'environnement et des hommes, ainsi qu'à la biodynamie, qu'il a adoptée depuis une vingtaine d'années. Ses cuvées Gneiss, Orthogneiss et Granit ont largement contribué à interpeller les amateurs quant à l'existence de sols et sous-sols susceptibles de sortir les Muscadet de leur torpeur uniformisée, caractère souvent voulu, en premier lieu, par le grand négoce local. On peut d'ailleurs presque s'étonner qu'il ait fallu toutes ces années pour que la région, l'appellation ne se penchent plus à fond dans une réelle  identification des zones et des crus. Encore faut-il noter que la validation de la démarche de Crus Communaux avance à petits pas, tant il a fallu ménager les susceptibilités et voir l'INAO apporter sa touche : les zones sont désormais géographiques et identifiées uniquement par le nom des communes, ce qui écarte du même coup tout rapprochement avec les roches présentes dans la mosaïque des terroirs locaux*.

Au Domaine de l'Ecu, cette démarche dite qualitative n'est pas vraiment d'actualité. D'abord parce que les parcelles (plutôt grandes) composant les 22,5 ha de l'ensemble sont situées au coeur de la zone de Goulaine, largement plus diverse et variée que les autres, mais aussi parce que le duo de vignerons du Landreau, de la bouche même de Frédéric Niger Van Herck, estime que "l'on doit imposer un minimum de travail des sols et admettre définitivement l'intérêt de la vendange à la main. Sinon, c'est un peu pisser dans un violon pour en sortir un si bémol!..." Et c'est un amateur de musique classique et d'opéra qui le dit!... Et même si les choses avancent quelque peu du côté de la Haie Fouassière (autour de Jo landron) et sur Clisson, où quelques domaines sont désormais en bio ou en conversion.

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Petit tour des parcelles donc, en compagnie de Frédéric, arrivé au domaine pour les vendanges 2009, qui effectua ensuite quelques "stages découvertes" au sein de la structure en 2010, puis décida en 2011 de s'investir (et d'investir!) définitivement auprès de Guy Bossard, à la recherche d'un partenaire solide et passionné. Les deux s'entendent désormais comme larrons en vigne! Les expériences et les dynamiques se sont associées pour le meilleur du domaine, évitant ainsi le pire. Frédéric, Nantais de naissance et avec des origines bretonnes, façon région de Concarneau (non, il ne s'agit pas d'un richissime hollandais ou l'héritier d'un diamantaire anversois!...) a lâché Paris et start-up, pour chausser ses bottes de sept lieues, parcourir le vignoble et le monde (export dans trente pays!) et apporter sa patte, ses envies, suggérer de nouvelles orientations et étonner d'autant plus les amateurs.

A proximité du petit chai tout à fait classique, au coeur des vignes (point de bodega façon Rioja à ce jour!), on peut justement découvrir deux des trois dominantes locales de sols. A la faveur d'une sorte de fracture géologique dans la butte de gneiss, on comprend mieux de visu la superposition des composantes : un sol argilo-siliceux assez léger, avec peu de terre, puis du gneiss délité sur une marche d'orthogneiss. Et la présence de ferro-manganèse qui, selon le vigneron, n'est présent qu'ici et au Montrachet!... Muscadet Grand Cru!...

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Ici, malgré tout, nombre de parcelles sont abandonnées ou à vendre, du fait des arrêts ici ou là. Depuis 2011, 1,5 ha sur une vaine de granite de deux kilomètres de long et cinq cents mètres de large a été récupéré dans un très beau secteur et quelques autres, moins intéressantes, ont été cédées. Notez que voilà une vingtaine d'années, un hectare de Muscadet coûtait 300 000 francs, alors qu'aujourd'hui, il se négocie aux alentours de 5000 ou 6000 euros!... Vous avez dit dépréciation?...

Une forte détermination, une réflexion intense jumelée avec une solide expérience et quelques moyens ne suffisent pas de nos jours à s'installer dans un confort absolu (notez bien cependant, que la dérive de celui-ci en une léthargie pesante, a naguère plongé bien des acteurs locaux dans le marasme). Notamment, parce que les chausse-trappes ne sont pas rares. A commencer par les dégustations d'agrément, qui ont le don de faire sortir de ses gonds le plus patient des vignerons!... Ainsi, Frédéric cite quelques exemples démontrant la duplicité en vigueur : Orthogneiss 2010 a été retoqué pour sa supposée volatile et son caractère oxydé. Mieux encore, Gneiss 2011 a subi les foudres du jury qualifiant ce vin d'exogène, pourri, moisi, oxydé et réduit en même temps!... Un poème!... La négociation qui suivit fut quelque peu tendue... mais le poids du domaine n'est pas négligeable. Parmi les sujets qui électrisent le vigneron nantais, les CVO, ou cotisations volontaires obligatoires, celles qui font débat, pour le moins, au sujet de l'interprofession régionale, que quelques appellations ont quittée ces dernières années. Dernière réponse en date d'un groupe de vignerons nantais, la création d'une nouvelle association - Les Vignes de Nantes - qui s'attache depuis 2011, à promouvoir les vins du cru.

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Au chapitre de l'évolution en douceur depuis l'arrivée de Frédéric, la durée des élevages, qui s'étirent tous désormais au-delà de douze mois (cuvée Classique, issue de jeunes vignes sur gneiss et granite), pour atteindre quinze à dix-sept mois pour tous les vins du millésime 2011 (onze à treize mois pour 2010 et avant). Au-delà de cette orientation nouvelle, il s'agit aussi de développer l'idée que tous les Muscadets du domaine ont une capacité à évoluer favorablement avec le temps. On s'en doutait déjà et chacun avait eu sans doute l'occasion de le constater dans diverses circonstances, mais l'accent est mis sur cet aspect des choses, afin que la clientèle, notamment la belle restauration, s'inscrive dans une démarche et une consommation un peu différente.

Verre en main, comme souvent dans la région, on passe ainsi d'une cuve à l'autre, pour un grand nombre souterraines. A ce stade, c'est aussi l'occasion d'apprécier ces vins tout en nuance, avec chacun leur expression. Il faut dire que la "typicité Muscadet", si tant est qu'elle soit fermement définie, n'est pas ici une fin en soi. On produit et on vend ici du Domaine de l'Ecu avant toute chose, voire de la biodynamie et pour certaines destinations lointaines, du Vin de Loire. Il ne faut cependant pas voir là un reniement de l'appellation et, pas davantage une forme de renoncement, mais les vignerons voyageurs, quelle que soit leur région d'origine, mesurent bien la perception, voire la stratégie de certains de leurs acheteurs et doivent l'intégrer dans leur argumentaire.

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En 2012, comme partout en Loire, ce sont les petits volumes qui caractérisent le millésime, avec guère plus de 15 hl/ha ici, mais la qualité globale est des plus intéressantes. En guise de mise en bouche, découverte d'une nouvelle cuvée, issue de la vigne sur granite récupérée depuis un an et qui était abandonnée depuis deux autres années. Première année de conversion et vinification séparée comme il se doit. A terme, cette vigne permettra d'augmenter le volume de Granit, cuvée toujours très demandée et ce, malgré les 14 ha de ce type de sol présent au domaine. Pour l'heure, trente hectolitres donc (sur 1,5 ha!), dont l'élevage devrait se prolonger en amphores made in Languedoc (les mêmes que Clos Marie, fabriquées à la main), dès qu'elles seront prêtes. Il faut en effet les abreuver d'eau, afin de limiter les pertes par évaporation à 10% à l'année. La tendance minérale du jus, à ce stade, laisse augurer d'un résultat plutôt captivant.

Des essais donc, des nouveautés, comme les 10 hl de ce Gros Plant sur le point de faire sa malo et qui aura, lui aussi, une forte capacité à étonner, n'en doutons pas. Après un tour d'horizon des autres cuvées 2012 (notez qu'il n'y aura pas de Classique!), découverte des Muscadet rouges!... Des quoi?!... Non, rassurez-vous, le Domaine de l'Ecu n'a pas pour ambition de révolutionner le landerneau nantais. Il s'agira bien de cuvées proposées en Vin de France, mais qui vont démontrer la capacité des terroirs locaux à produire de très belles cuvées, comme certains cabernets sur granite le laissent entrevoir. Et puis, la "culture languedocienne" de Frédéric Niger fera le reste, avec l'aide de certains vignerons régionaux experts, comme Jérôme Brétaudeau.

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Le premier de ces rouges est un cabernet issu de parcelles d'orthogneiss et d'une semi-carbonique, égrappé et avec une cuvaison de dix jours. Sera résolument sur un mode glou-glou (avec peut-être un essai sur deux amphores?), après un élevage en barriques de 18 à 19 mois. Son nom?... Red Noz!... Le rouge qui va bien aux fest noz!... Autre valeur sure très probable, un second cabernet égrappé, issu d'une parcelle de granite, appelée Les Robinots. Cuvaison de douze jours, remontage et pigeage d'une vinifcation assez traditionnelle et sans doute un élevage de 18 mois en barriques (selon la disponibilité du chai, après la récolte 2013, que chacun espère très différente de la dernière!). Enfin, last but not least, le troisième rouge est un pinot noir sur gneiss, qui ne manquera pas de faire craquer les amateurs, dans une année où les pinots de Loire semblent être souvent réussis!... Mais, cela ne représente que trois barriques (de très bonne origine, puisque venant de Château Latour et passées par la cave de Nady Foucault!), soit 8 hl pour 80 ares. Vendange entière, cuvaison de 19 jours, puis pressurage, passage en cuve pendant deux mois et élevage en fûts à déterminer (un an sans doute). Le nez est assez exubérant, sur les baies noires, le cassis, avec une jolie touche de violette, d'iris. Ce jus est assez concentré, mais délicat. Ça pinote à souhait!.. A suivre!...

Pour finir, dégustation au caveau de ce qui est disponible actuellement et, au passage, découvertes des nouvelles étiquettes : Gneiss 2010 et 2011, Orthogneiss 2010, puis Granite 2011, tonique à souhait, sans oublier le Gros Plant 2010 et ses seize mois d'élevage.

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Arrêtons-nous un instant sur Taurus 2010, le plus meursaltais des Muscadet du domaine et son habillage reproduisant un vitrail de la cathédrale de Chartres. C'est là le premier millésime de cette "cuvée prestige"!... Seize mois d'élevage également (dix en cuves et six en fûts - venant en droite ligne d'un célèbre domaine bourguignon - sur lie). Les raisins viennent à 55% de parcelles sur orthogneiss et à 45% de granite. Pas de traitement au froid, ni filtré, ni collé. Le vin s'inscrit dans une autre dimension, avec son potentiel de garde indiscutable. Il faut le ménager, le préparer pour l'apprécier tout à fait : carafage, dégustation à température et mieux encore, en faire le partenaire d'une cuisine choisie. Une cuvée bizuth dans le panel des sélections désormais disponibles dans la région, mais qui a un beau potentiel pour devenir rapidement une leader référente. Une sorte de Gabart des terroirs nantais, surfant sur les vagues minérales du golfe ligérien et océanique!..? (non, je n'en ai pas abusé!)

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Formant ce duo de compétences et de sensibilités, Guy Bossard et Frédéric Niger Van Herck donnent un nouvel élan au Domaine de l'Ecu, échappant sans doute ainsi à une forme d'apathie trop souvent préjudiciable à la marche durable d'un domaine viticole. Ils ne sont sans doute pas les seuls à y avoir pensé en Muscadet, tant on peut remarquer depuis quelques temps - bien avant le mariage pour tous! - de nouvelles associations (de générations et de dynamiques) porteuses de beaucoup d'espoirs, telles Marc Ollivier et Rémi Branger, à Maisdon sur Sèvre, voir Jérémie Huchet et Jérémie Mourat (Les Bêtes Curieuses!), du côté de Château Thébaud, tous prêts à développer la qualité et à mettre en valeur un vignoble souvent décrié, voire dénigré, même par certains locaux. Des Muscadet qui doivent donc s'exporter, mais pas seulement au-delà des frontières et ne plus soufrir d'un quelconque complexe d'infériorité, face à d'autres blancs français, pour retrouver la place qu'ils méritent sur la carte des restaurateurs et dans la cave des amateurs.

Des motifs de réjouissance donc, pour tous ceux qui oseront désormais s'aventurer au coeur du Pays Nantais. Alors que les choses semblaient immuables pour la plupart, il faudra demain une âme d'aventurier pour se lancer à la découverte du Far West ligérien. Les chercheurs d'or sont en passe de mettre au jour un nouveau filon d'or liquide. Vous pourrez croiser ce duo de vignerons dès samedi, à Angers, à l'occasion des Greniers-Saint-Jean. A ne pas manquer, après le succès d'un récent voyage à Montpellier.

*: Pour information, sont validés (à la mi-2012) les crus de Clisson (granite), Gorges (gabbro) et Le Pallet (dominante gabbro). Commission en cours pour Goulaine (plutôt gneiss), Mouzillon-Tillières, ex-Rubis de la Sanguèze (gabbro), Monnières-St Fiacre (gneiss et orthogneiss) et Château Thébaud (gneiss et granite). Encore convient-il d'apporter des nuances selon l'altération des roches ou la texture des sols.

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Commentaires
Y
Je viens de déguster la cuvée Taurus grâce à votre site. Je l'ai acheté sur http://www.excellencedeloire.com/vin/583/taurus.html.<br /> <br /> Je ne m'attendais pas à autant de matière, d'élégance et d'amplitude. Je range maintenant le muscadet dans la case des grandes appellations de Loire. Quel bonheur !
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P
Pfiou ! Quel splendide article pour un domaine qui me touche depuis tant d'années
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