750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Pipette aux quatre vins
La Pipette aux quatre vins
Publicité
Newsletter
Pages
Derniers commentaires
Archives
La Pipette aux quatre vins
Visiteurs
Depuis la création 1 096 925
17 mai 2014

Loïc Roure, bienvenue au Jajakistan!...

Direction le Haut-Fenouillèdes!... Ou presque. En tout cas, la haute vallée de l'Agly. En clair, le Jajakistan!... Lansac, Rasiguères (où nous avons rendez-vous), Planèzes, au nord de la retenue d'eau du barrage sur l'Agly, Cassagnes, à l'est du lac, le tout entre Latour de France et les Corbières. Cette contrée a reçu son surnom de la bouche de Cyril Fahl, semble-t-il, lorsqu'il a vu débarqué un soir de 2003, chez Jean-Louis Tribouley, ce grand escogriffe coiffé d'un couvre-chef pachtoune, façon Massoud, originaire de St Étienne (42), passé par un café-restaurant de la Drôme ou encore les bureaux d'Amnesty International, à Lyon et travaillant alors chez Gérald Oustric, en Ardèche. Il a gardé le souvenir de quelques vacances estivales et familiales, naguère, à Espira de l'Agly et revient dans la région pour voir s'il n'y aurait pas quelques vignes disponibles dans le secteur...

090

Un copain caviste parisien lui suggère de se rendre à Lesquerde, où il y a peut-être quelque chose à faire... Lors d'un repas chez Jean-François Nicq, à Montesquieu des Albères, il croise Bruno Duchêne, juste arrivé, lui aussi, à Banyuls. D'ailleurs, pour ces derniers, 2002 était le premier millésime en P-O. Seul Jacques de Chancel est installé depuis 2001 à Latour de France et encore, n'est-t-il pas inscrit dans leur sens du bio pour son Domaine de l'Ausseil. Loïc Roure apprend à cette occasion que Chapoutier vend des vignes en bio depuis quatre ans dans ce village. Bruno lui conseille de passer voir son ami Jean-Louis Tribouley, qui pourra sans doute lui en dire plus. Pour ce dernier, comme pour Cyril Fahl, 2002 est aussi le premier millésime. Le futur vigneron revient plutôt sceptique de sa découverte des vignes de Chapoutier... Il dîne alors avec les deux vignerons de Latour, qui le mettent alors sur la piste de quelques parcelles, qui leur avaient été proposés au moment de leurs installations respectives. Au bout de la nuit, il repart avec quelques extraits de cadastre et lève le poing, certains que son futur est né sous ce ciel noir et étoilé du Roussillon : OUAIS!... Bienvenue au Jajakistan!...

074   079   075

Un territoire aux contours parfois sévères, lorsqu'on le contemple à cette époque de l'année, au sortir de l'hiver et au moment où les vignes taillées court (plus ou moins!) laissent apparaître les sols secs et souvent désherbés, malheureusement, comme ceux qui sont dans le giron de la Cave de Caramany qui impose, dit-on, à ses vignerons, des traitements chimiques pour bénéficier de l'appellation village. Une route, une piste plutôt, en lacets, nous conduit sur les hauts de Rasiguères, histoire d'embrasser le paysage. Sur les flancs des coteaux, de la vigne avec des expositions opposées. Et sur cette sorte de plateau, à 340 m d'altitude environ, du grenache planté en 1966 sur un sol de schiste et de grès. On aperçoit, de l'autre côté de la vallée, un ensemble de parcelles de carignan, grenache, syrah ou maccabeu, partagé avec d'autres vignerons, exposé nord, sur des gneiss et sur la commune de Cassagne. Une zone que Loïc Roure apprécie particulièrement pour ses rendements réguliers, ses vins frais, l'absence de stress hydrique et le fait que le secteur ne soit pas exposé à la grêle, phénomène pour le moins récurent par ici. Le seul problème que lui connaisse le vigneron, c'est la quasi permanence de la présence du vent, compliquant les traitements printaniers notamment.

081   082   083

Ici, à Rasiguères, en 2012, deux hectares distincts de vigne ont subi la grêle à trois reprises, en avril, mai et juin!... Au final, guère plus de trois hectolitres produits. Cette année-là, ce n'est pas moins de 4 ha 20 qui ont été grêlés à 100%!... Si on ajoute les conséquences d'une forte coulure en 2013, les deux derniers millésimes ne sont donc pas sans conséquence, puisque ce sont les deux plus mauvais depuis cinquante ans, pour le département des Pyrénées-Orientales, devenu le moins productif de France, rapport surface/production, selon une annonce officielle récente!... Heureusement, 2011 avait été une très belle année (la plus belle en volumes depuis cinquante ans d'ailleurs!), mais la météo locale est pour le moins génératrice de stress, quand on sait que certains évènements climatiques extrêmes peuvent survenir, comme cette grêle estivale qui ravagea une bonne partie du vignoble de Lesquerde en 2010.

084Le Domaine du Possible compte donc actuellement une dizaine d'hectares répartis dans la région, sur des terroirs allant de l'argilo-calcaire, au schiste et aux arènes granitiques de Lensac et Lesquerde. Pas toujours très simple de composer avec des parcelles se situant aussi bien à Caudiès de Fenouillèdes (4 ha) qu'à Tautavel (fermage qu'il abandonne cette année), situées à près de vingt kilomètres de part et d'autre de la cave de Lansac. Lors de son installation en 2003, Loïc avoue qu'il avait parfois opté pour des "rougnes", ces vieilles vignes au bout du rouleau qu'il vaut mieux ignorer. Il a donc arraché depuis 2 ha 20, tant à Latour de France qu'à Montner.

Nous découvrons ensuite, cependant, un secteur où se trouvent des vignes largement centenaires, puisque plantées en 1900. Du grenache gris, du carignan noir et, plus haut dans la pente, du maccabeu. On trouve là également des syrahs sur échalas, âgées de 35 ans environ, qui ne produisent guère plus de quarante caisses de raisins chaque année!... Il faut dire que la pente est forte et le sol pour le moins aride. Mais, ces dernières ne sont jamais malades et ne nécessitent que deux poudrages par an. "Par-fait!..." Peu de végétation trouve sa place ici, si ce n'est ce qu'on appelle les "pinceaux" dans la région, sorte de touffe d'herbe fine sans racinaire, qui ne concurrence donc pas la vigne dans ces zones sèches. Par contre, on y trouve aussi des séneçons du Cap, sorte d'engeance végétale, arrivée en France, naguère, par les tanneries du Tarn important des toisons venant d'Afrique du Sud et contenant des graines de cette herbe, qui n'a pas manqué d'essaimer dans tout le sud de la France, surtout quand aucun désherbage n'est pratiqué. Deux, peut-être trois floraisons par an, inutile de dire qu'il faut les arracher, d'autant que la plante sécrète un suc toxique qui, lorsqu'il tombe au sol, empêche toute végétation de pousser. Seul vertu qu'on peut lui reconnaître, l'attirence de pucerons, dont elle est parfois envahie et donc, dans la logique d'une chaîne alimentaire cohérente, l'arrivée de colonies de coccinelles s'y attaquant. La vie animale est bien faite, pour peu qu'on la respecte.

085Les installations du domaine sont situées à Lansac, dans les locaux à priori confortables de l'ex-cave coopérative communale. Ceux-ci ont été libérés peu de temps avant l'arrivée du vigneron, du fait des regroupements par étapes successives, en vigueur dans la région. Ainsi, la cave de Planèzes-Rasiguères intègre également Lansac, voire Bellesta et Cassagne, avec les conséquences qu'on peut deviner sur la disparition de certains domaines et l'abandon de vignes. La cave est partagée avec Edouard Laffitte (Domaine Le Bout du Monde), qui y vinifie également ses cuvées. Ils ont en commun un projet d'aménagement extérieur, en vue d'un meilleur stockage de tout le matériel, ce qui permettra ensuite d'optimiser les locaux, afin qu'ils conviennent mieux à la production des diverses cuvées proposées par les deux vignerons. Une étape qui se déroulera en douceur, une fois la période électorale passée... forcément quelque peu animée, comme dans nombre de villages de France!... Pour un peu d'ailleurs, Loïc Roure aurait pu endosser le costume de maire, suite aux demandes de quelques habitants de Lansac, mais la raison l'a emporté et peut-être aussi une réflexion personnelle qui lui a permis de se projeter dans l'avenir. Non qu'il ait le moindre regret d'avoir fait tous ces choix pour le Haut-Fenouillèdes, mais il avoue aujourd'hui (sans être sous l'emprise d'une quelconque substance!) que, si c'était à refaire, il irait s'installer directement à Banyuls, notamment pour la qualité de vie, même si les mauvaises langues disent parfois que c'est une zone dangereuse pour les couples, ajoute-t-il en riant!... N'empêche que nous apprenons au passage qu'il a mis quelques billes dans le projet en cours (managé par Bruno Duchêne, voir par ailleurs) au coeur de la cité banyulencque, avec l'idée sans doute de tourner une page, quand le temps sera venu.

088Entre un week-end festif, à l'occasion des 50 ans de Jean-Louis Tribouley la semaine précédente et la perspective du suivant, non moins fatigant sans doute, à Marseille, à l'occasion de La Remise, Loïc Roure a procédé à quelques mises partielles de cuvées 2013, ce qui nous permet de découvrir les vins du dernier millésime. Tout d'abord, Charivari 2013, 100% carignan venu des gneiss de Cassagne, en macération carbonique et un joli équilibre, s'appuyant sur les 12,23° affichés! A peine une petite pointe métallique (la carbo!) due à la proximité de la mise et qui doit se remettre en place rapidement. A suivre, Tout bu or not tout bu 2013, issue d'un "faux négoce en partie vrai!" Grenache et mourvèdre en semi-carbonique, un tiers, voire un quart de la cuve étant foulé, plus ou moins refroidie, selon les éventuelles difficultés rencontrées lors des fermentations pour telle ou telle parcelle. A noter que pour Couma aco, il s'agit de parcelles très précoces de syrah de Rasiguères et de syrah de Tautavel, le tout égrappé, l'exposition sud-ouest en coteau imposant des vendanges à 14° dès la fin août et la mise à l'écart des rafles. Cette année cependant, des vendanges ont pris fin les 7 et 8 octobre, avec des carignans ramassés à 12,2° sur les hauteurs de Cassagne. Pour les rouges, pas de soutirage, mais souvent de petites "aérations" en cours de fermentation, en prenant et en réinjectant du jus dans le bas de la cuve. Presque à chaque fois, les pressurages se font alors qu'il reste quelques sucres et les malos se font également sur sucres, mais cet aspect-là est désormais maîtrisé. A noter que le vigneron estime parfois que ses vins manquent... d'un supplément d'âme et, pour cela, il a décidé d'élever une partie des jus dans deux barriques et ce pour chaque cuvée, jusqu'à l'assemblage définitif. A suivre!...

Pour les blancs, Loïc fait part de sa perplexité depuis 2009, sauf pour 2013 s'annonçant plus à sa convenance. Quelque chose qui s'est inversé par rapport aux premières années, au cours desquelles, estime-t-il, ils étaient mieux réussis que les rouges... Évolution de sa propre perception?... Comparaison avec d'autres?... Il faut dire qu'il totalise à peine plus d'1 ha 20 de cépages blancs (20 ares à Lansac et à Rasiguères, 56 ares à Latour et 15 à Caudiès). En 2011, il a du jeté les 3/4 des volumes et encore n'a-t-il pas mis le reste sur le marché!... Depuis deux ans, il utilise un pressoir du type Vaslin et pratique un débourbage attentif, phase qui ne pouvait se faire avec le pressoir vertical utilisé auparavant. En 2013, carignan gris et maccabeu (près de 70%) ont été assemblés à la cuve pour la première fois, puis passés en barriques à la fin des sucres, il y a juste un mois. Les jus sont secs et sans la moindre volatile.

091Nous passons ensuite à la cuvée Le Fruit du Hasard 2013, élevée en barriques uniquement et qui, pour le moment, doit se remettre de deux oxygénations successives après la mise en barriques et la mise en bouteilles partielle. Caudiès 2013 se compose de syrah (souvent destinées à C'est pas la mer à boire) et de carignan égrappés, plus un peu de grenache cette année, le tout issu de marnes schisteuses plus profondes et sur des zones plus plates. L'objectif, en venant dans ce village proche des Corbières, n'était autre que de "faire du volume". Or, depuis deux ans, alors que les bios peuvent espérer 35 hl/ha et les autres entre 40 et 55 hl/ha, on est loin du compte!... De la même façon, les achats de raisins pour la partie négoce se sont avérés très limités en 2013, vu les conditions du millésime. Ainsi, à Vença, sur les quatre à cinq tonnes espérées de grenache et syrah sur argilo-calcaire, guère plus d'1,8 t au final. Sur Latour de France, 660 kg au lieu de trois tonnes et rien d'autre à Caudiès. Heureusement, quelques volumes étaient disponibles chez des vignerons en bio à Montner. La gamme sera donc moindre que d'autres années, il faut bien faire le dos rond en ces temps difficiles et l'espoir de produire 25 hl/ha chaque année difficile à satisfaire.

086

Si nombre d'amateurs connaissent les "vins plaisir" de Loïc Roure, on ne sait pas toujours à quel point le Domaine du Possible se gère parfois sur le fil, du fait, notamment, des conditions climatiques. De plus, le vigneron, connu pour son humour rieur et son sens de l'auto-dérision, apparaît aussi très exigeant avec sa production. Quelques succès, au fil des années, ne l'ont pas installé dans une auto-satisfaction pérenne, loin s'en faut!... Aujourd'hui, on devine qu'il admet une marge de progression certaine dans ses vinifications et ses choix en la matière. Il a aussi sans doute besoin de se recentrer sur ses meilleures parcelles, plutôt que de courir le vignoble du Haut-Roussillon. Pour lui, le temps est peut-être venu de faire quelques petits pas déterminants, parce qu'il sait mieux où il va et que les grandes lignes sont tracées. "J'ai parfois un peu de mal à choisir entre fromage ou dessert, mais pour les choses les plus importantes, je n'ai jamais eu de mal à trancher!..." Au fait, le Jajakistan est-il exposé aux secousses telluriques de toutes sortes?...

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité