750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Pipette aux quatre vins
La Pipette aux quatre vins
Publicité
Newsletter
Pages
Derniers commentaires
Archives
La Pipette aux quatre vins
Visiteurs
Depuis la création 1 096 756
18 mai 2023

Une vigne extraordinaire à La Roche sur Yon!...

Si La Roche sur Yon, modeste préfecture de province diront certains, est bien au coeur de la Vendée, elle n'est pas connue cependant pour être un territoire reconnu pour la qualité de ses vins, puisqu'elle ne figure pas dans la liste des Fiefs Vendéens. Seuls figurent dans la dite liste officielle des crus (des fiefs donc) Mareuil sur Lay, Brem sur Mer, Pissotte, Chantonnay et Vix, exprimant sans doute, toute la variété des sols vendéens, comme on peut le constater sur la carte géologique plus bas. Si le tracé des rues, à l'intérieur du Pentagone napoléonien de 1808, donne l'illusion d'un grand échiquier, la consultation d'InfoGeol (allez faire un tour sur Google Play ou l'App Store pour télécharger l'application indispensable aux amateurs de géologie!) confirme cette multiplicité des sols. Nous sommes là sur un "socle métamorphique" du "protérozoïque supérieur" avec des micaschistes, des micaschistes à silicate d'alumine, du paragneiss localement anatectique, à biotite, muscovite et parfois grenat, staurotide, sillimanite et autre méta-quartzite. Tout ce qui identifie la géologie locale dans un groupe dit de Nieul-le-Dolent, du nom d'une petite bourgade située à une petite vingtaine de kilomètres de la préfecture. Vous me suivez, bien sûr!...

Vigne rue Molière 2

Mais, je n'ai pas l'intention de vous entretenir du potentiel des sols yonnais en vue de la revendication de leur éventuel classement. Même si je reste persuadé que certains fiefs ont été quelque peu écartés lors de la création du VDQS, puis de l'AOC/AOP et que, pour différentes raisons, la capitale de la Vendée, sur son territoire, ne pouvait être dépourvue, jusqu'à une certaine époque, de vignes alimentant les foyers locaux, voire les bars et tavernes de la petite ville. D'ailleurs, voilà un demi-siècle, on se réunissait, çà et là, pour procéder à quelques vendanges, dont on collecte d'ailleurs aujourd'hui les documents, notamment photographiques, en attestant l'existence. Même si quelques pieds de vigne subsistent encore dans certains jardins, soignés amoureusement par leurs propriétaires et que la mémoire collective, moins nombreuse désormais, se souvient de l'existence de la Tonnellerie Oger au coeur même de la ville, à moins d'un kilomètre de la Place Napoléon!... Quelques noms de rue, comme celle des Vignes Mallard, peuvent laisser supposer l'existence de diverses parcelles.

carte-geologique-fiefs-vendeens

Mais, mon propos du jour s'éloigne résolument des données géographiques, géologiques, toponymiques voire odonymiques. Il s'agit là d'évoquer toute la poésie que l'on devine parfois derrière la production de raisin et de vin. Et notamment de la gravure ci-dessus, reproduisant une photographie prise à la fin du XIXè siècle dans la ville de La Roche sur Yon, à moins de trois cents mètres de la place centrale. Nous sommes là fin 1882, alors même que le phylloxera frappe la région depuis au moins deux ans et qu'il faudra attendre encore quelques années, avant que le vignoble vendéen ne soit reconstitué, au moyen surtout des hybrides largement producteurs. Voici ce qu'en dit (dans le n°495 du 25 novembre 1882) la revue scientifique de l'époque, La Nature, informée par deux publications, une des Deux-Sèvres, l'autre de Marseille!...

"Par le temps de phylloxéra où nous vivons, il est intéressant de signaler une treille de chasselas qui a vivement excité la curiosité des connaisseurs par son étonnante fécondité. Un journal des Deux-Sèvres, une autre publication de Marseille qui nous ont été envoyés, ont annoncé qu’une vigne à La Roche-sur-Yon avait produit cette année 2115 grappes. Nous avons voulu avoir de plus amples renseignements à ce sujet. M. Émile Amiaud, photographe à La Roche-sur-Yon, a tiré, pour La Nature, une épreuve de la photographie que nous reproduisons ci-dessus, et qui représente cette vigne extraordinaire telle qu’elle peut être admirée contre la maison de pierre où elle s’est développée."

"Cette maison, située rue Molière, n°4, appartient à M. Mornet, cordonnier, qui a bien voulu nous transmettre quelques documents sur sa vigne merveilleuse. La note de M. Mornet est claire et précise; elle donne quelques indications pratiques de culture qui pourront être utiles aux amateurs; nous la reproduisons textuellement :

« La vigne extraordinaire dont il est question est un chasselas gris de Fontainebleau plantée entre les pavés qui sont à côté du mur de la maison. Le pied est bêché à la couronne et recouvert avec un peu de crottin de cheval deux fois par an. 'Toutes les branches sont taillées à la couronne le plus court possible, cette taille n’a lieu que du 1er au 15 avril, ce qui est le plus essentiel. Aussitôt que les bourgeons sont sortis, on pince les branches à la deuxième feuille au-dessus des bourgeons et toute l’année on continue à enlever tous les gourmands, afin que la sève s’accumule vers les organes qui sont destinés à donner un grand développement aux fruits, tout en conservant, une vie plus active dans la treille, ce qui donne la preuve d’un rendement de fruits beaucoup plus considérable tous les ans."

"Cette année 1882, cette treille a donné deux mille cent quinze grappes assez fortes. Ce produit considérable tient encore à ce que les extrémités des branches sont coupées courtes, afin que la sève s’arrête dans les parties inférieures pour que les produits prennent plus de force et soient plus nombreux. Pour compléter une semblable récolte avec une maturité hâtive et certaine, dans le courant du mois de juillet, on enlève toutes les feuilles.»

DSC_2867  DSC_2866

Qu'est-il advenu de cette vigne avec le puceron ravageur de l'époque? A-t-elle survécu quelques années? Pour ce qui est du n° 4 de la rue Molière, il a quelque peu évolué bien sûr, même si on aurait tendance à trouver une certaine similitude entre cette maison mûrée et désormais brûlée et une dépendance voisine de l'époque, sans écarter l'idée que le n°4 est peut-être devenu n°8... Pour un peu, on se transformerait en archéologue rêveur du dimanche et, s'armant de quelque outil, irions-nous gratter le sol bitumeux, avec peut-être la perspective de trouver dans le sol citadin du XXIè siècle, des pépins de raisin vieux de cent quarante ans!... Après tout, n'a-t-on pas admis, désormais, l'origine de la vigne terrestre et des premières vinifications grâce à quelques résidus de vendanges et de pressées aux confins de l'Asie Mineure?... Quant au chasselas gris, qui peut être aussi doré, de Fontainebleau, même s'il s'agit plutôt d'une variété dite de table, il pouvait sans doute aussi composer une attractive cuvée, un peu à l'image du muscat de Hambourg, que certains ont déjà replanté?...

Pour le reste, je me remets au travail. Avant longtemps, je vous parlerai sans doute des parcelles du XXè siècle de la ville et des lieux où étaient entreposés les pressoirs accueillant les vendanges des différents quartiers, comme autant de crus de la commune. La petite histoire de la vigne et du vin à La Roche sur Yon est en marche!...

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité