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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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14 septembre 2010

Et au milieu coule la Trebbia!...

Au cours des ultimes semaines de la Seconde Guerre Mondiale, en 1945, Ernest Hemingway, Prix Nobel de littérature en 1954 et auteur de quelques immenses classiques (Pour qui sonne le glas, Le vieil homme et la mer...) n'en finit pas de bourlinguer en Europe, comme correspondant de guerre de l'U.S. Army. Après la Normandie, la Libération de Paris ou les Ardennes, il est en Italie. Un jour, se dirigeant vers Piacenza, il passe par le Val Trebbia, le Val Aveto et note sur son agenda : "Aujourd'hui, je suis passé dans la plus belle vallée du monde!" L'histoire précise même (à moins que ce ne fut la légende?...), que quelques années plus tard, il y est revenu, avec sa quatrième épouse, Mary Welsh, dans une superbe Buick cabriolet azzuro, pour s'adonner notamment, à de longues parties de pêche, une de ses passions favorites.

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Je ne sais si nous avons les yeux d'Ernest et de Mary, en ces journées d'été (pas la Buick en tout cas, je vous rassure!), lorsque nous contemplons le paysage qui s'offre à nous. La rivière Trebbia coule du sud au nord, pour grossir le Pô, à quelques dizaines de kilomètres. Le grand fleuve italien serpente paisiblement dans une plaine immense, largement agricole et maraîchère, mais si vous prenez les petites routes qui grimpent dans les collines, vous sentez immédiatement qu'un autre monde s'ouvre à vous. Un sentiment sans doute alimenté par l'attente de pouvoir découvrir un vignoble et des vignerons in situ, après l'impression laissée par quelques cuvées, lors d'un "off" de Vinexpo, très recommandable d'ailleurs, au Château de Cujac : Haut les vins!...

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- La Stoppa, Elena Pantaleoni, à Rivergaro -

Dans les premières pentes de ces collines émiliennes (nous sommes ici, en fait, à l'extrémité ouest de la province Emilie-Romagne, aux confins de la Lombardie et du Piémont), il est assez aisé de trouver ce domaine, surtout parce qu'ils sont plutôt rares dans la région!... Sur la petite route, venant de Niviano, vous trouverez d'abord une ferme dédiée à l'élevage de bovins, appartenant au frère d'Elena, puis les premières vignes de La Stoppa. La maison, très remarquable, date pour partie du XVè. Elle est entourée de 52 ha, dont 30 environ de vigne. La propriété fut, naguère, celle d'un avocat, Maître Ageno, passionné de vigne et de vin et largement amateur de cépages et de vins français. On trouve encore quelques flacons hors d'âge, étiquetés Pino, Bordeaux, voire Bordeux bianco!...

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En 1973, le domaine est acheté par la famille Pantaleoni. Quelques années plus tard, en 1997, après des études de langues, Elena voit sa mère, Angela, quitter l'Europe pour le Chili et, se retroussant les manches, décide de reprendre la propriété. Depuis lors, La Stoppa avance à petit pas, dans le sens d'une modernisation, mais en ne reniant rien de ce qui fait l'histoire et l'âme du domaine. Elena Pantaleoni, alliant réflexion quant à l'équilibre économique et sensibilité, se fait fort de trouver une dynamique, qui porte le domaine dans le bon sens.

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Bien aidée en cela par Giulio Armani, présent à La Stoppa depuis trente ans, elle fait peu à peu des choix déterminants, pour que le vignoble gagne en cohérence. Il faut dire que la propriété est, jusqu'à ce jour, un véritable conservatoire de cépages!... Il y a de tout!... Du bonarda au gewurztraminer et du cabernet à la malvasia di candia aromatica!... D'ailleurs, une bonne partie du cabernet a été arrachée, remplacée par quelques cépages locaux, barbera et croatina (appelée ici bonarda), par exemple.

Rappelons que nous sommes ici chez des partisans des vins naturels. Culture biologique, cela va de soi, mais aussi utilisation très limitée du soufre et recherche de l'expression optimale d'un terroir, souvent argilo-limoneux, mais très pauvre pour toute autre culture et situé à 250 m d'altitude environ. Les rendements des vignes, souvent âgées, sont résolument contenus.

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Parmi les cuvées de La Stoppa, Vigna del Volta attire particulièrement l'attention, par la méthode choisie. Et il se trouve que nous sommes justement présents pour le premier jour des vendanges!... En fait, il s'agit d'un passito, comme il en existe d'ailleurs, dans la plupart des vignobles italiens. Une très forte proportion de malvasia di candia aromatica, associée à un peu de muscat, la compose. Le raisin est ramassé dans des cagettes de 5 kg environ, dès les premiers jours de septembre. Puis, sur un espace prévu à cet effet, les dites cagettes sont déposées sur une toile plastique blanche et restent au soleil toute la journée. Elles sont recouvertes chaque soir. Au bout de quelques jours (entre six et quinze, selon les millésimes et la concentration des raisins), la vendange est pressée dans des petits pressoirs verticaux, puis élevée en barriques pendant environ dix mois. Au final, une cuvée très "stoppienne", qui a beaucoup de succès!... Et un nectar, pour des instants de méditation, lorsque le soir tombe et que le Mont Rose apparaît à l'horizon!... Magique!...

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Parmi les cuvées dégustées sur place, accompagnant la cuisine locale (houlala, les tortelli farcis!...) d'Elena, qui nous invita gentiment à sa table pour l'occasion, notons La Stoppa 2002 (merlot, cabernet sauvignon et autres cépages bordelais), solide et droite, puis Macchiona 2006, 50% barbera et 50% bonarda, en IGT Emilia, qui s'annonce comme le fer de lance du domaine pour les prochaines années. Une belle structure et une jolie persistance, pour une expression pure, authentique. A noter que nous avons également pu apprécier (le lendemain) une Macchiona 1986 en pleine forme, dont la qualité principale (et non des moindres!) était de montrer une réelle filiation avec la version 2006!... Déterminant!... Enfin, une cuvée surprise, un assemblage de grenache, syrah et mourvèdre, dans le millésime 2000, surnommé PMR par Giulio, Pour Ma Retraite!... Là encore, une jolie expression, pure et droite.

Du coté des blancs, Ageno 2007, déjà vu çà et là, est d'une originalité évidente, surtout pour tout amateur venu de France!... Un blanc sec, assemblage de malvasia, trebbiano et ortrugo, dont la vinification - une macération longue sur les peaux, pendant trente jours minimum - nous amène vers une expression souvent perçue comme déroutante. Une belle matière, un soupçon de tannins en fin de bouche destinent cette cuvée à la gastronomie et à l'association avec nombre de fromages à pâtes pressées, par exemple. Enfin, Vigna del Volta 2001, sur des notes délicatement miellées et florales, est plein de délicatesse et d'onctuosité. Notons aussi le petit piège tendu par Elena, au cours du repas : un étonnant Sauvignon blanc 1987, en forme, démonstration évidente de la tenue des vins de La Stoppa!... Il nous restait donc à découvrir Denavolo, petite localité de la commune de Travo et ses jolies surprises!...

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- Dinavolo, Giulio Armani, à Travo -

Tout commence par une soirée grillades à l'italienne, sous un ciel étoilé. Du genre de celles que l'on aurait du mal à refuser, au risque de le regretter toute la nuit et les jours suivants!... Quelques amis, des côtes de boeuf sur la braise, de la bonne humeur, cuisine de pays, vins divers, grappa et tutti quanti!... Ciao Giulio, Chiara, Alessandro, Joanna et Alberto!...Après une nuit réparatrice à Mandrola, petit village agricole de l'autre côté de la colline, nous retrouvons Giulio Armani dans son jardin secret : Denavolo.

D'abord, un village, une bourgade. Giulio y embrasse chaque jour un paysage, où se cachent ses racines. Puis, une petite maison, pleine de charme et des bâtiments remarquables, en pleine restauration. Dans quelques mois, tous les vins du domaine seront vinifiés et élevés ici, au rez-de-chaussée d'un loft superbe!...

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Giulio Armani est un homme très occupé!... Le temps lui manque, pour continuer tant bien que mal les travaux. Sa charge de régisseur de La Stoppa n'est pas la moindre de ses occupations. On dit qu'il est aussi conseil pour quelque domaine toscan. Mais, depuis 2005, il propose également un blanc sec, issu de longue macération, Dinavolo, qu'il vinifie en achetant les raisins d'un de ses voisins. A partir du millésime 2009, il propose même deux cuvées distinctes : Dinavolino, issue des vignes les plus jeunes, en bas de coteau et donc, Dinavolo, sorte de sélection. Nous sommes dans les Colli Piacentini, dans une zone appelée Trebbianino Val Trebbia.

Après avoir fait le tour du petit village, nous nous dirigeons par un chemin très... toyotesque, vers les nouvelles parcelles de Giulio, à 450, voire 500 m d'altitude, dans un secteur tout à fait préservé. Là, la terre possède une plus forte proportion de calcaire.

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L'avenir du domaine prend forme ici. Deux hectares plantés en 2009 et bientôt, peut-être deux autres, sur des terres pauvres, exposées sud-ouest ou sud-est, où l'herbe peine à pousser vraiment. En redescendant, nous nous arrêtons pour découvrir un autre superbe coteau : un hectare, planté lui en 2008.

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Giulio Armani est ici chez lui, dans son décor. Une partie du temps dont il dispose, il le passe ici, à observer, à apprendre ses parcelles. Des instants privilégiés, à estimer le potentiel de ce vignoble. Ainsi, il constate que certains raisins font le régal des animaux du secteur!... Si les oiseaux se posent sur le premier fil et picorent au-dessus d'eux, il est clair que les grappes les plus basses sont appréciées depuis le sol... Il va falloir enquêter!...

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Malgré les difficultés, le profil exigeant du coteau, il pense qu'il va travailler les sols, parce que cette terre plus légère, plus granuleuse le permet. Et aussi, parce qu'il sera sans doute utile de remonter la terre, de temps en temps. Pour ce qui est des cépages, on a le droit de ne planter là, que les variétés autorisées dans l'appellation : ortrugo, malvasia di candia aromatica, trebbiano, un peu de sauvignon et aussi de la marsanne, appelée ici, parfois, champagne!...

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Lors de notre passage à La Stoppa, nous avons pu voir ou revoir les cuvées de Giulio Armani. Dinavolino 2009, le petit dernier, s'inscrit dans la logique du domaine. Longue macération de huit mois, une robe orangée, une jolie expression sur l'abricot frais. Beaucoup de présence, mais un côté joueur, qui met les sens en éveil. Puis Dinavolo 2008 (11 mois de macération), Dinavolo 2007 (5 mois) et Dinavolo 2006 (12 mois, déjà vu lors de REVEVIN 2010) se succèdent, comme des notes dans la gamme : un sol, un mi, un do... Une fidélité au millésime se dessine. Forte parfois, cantabile ma non troppo!... Il faut voir ces cuvées à table, avec parfois une structure et un équilibre étonnants. On les attend dans un registre moelleux, mais ils sont secs et la touche tannique et saline, en fin de bouche, leur donne une dimension assez déroutante, pour les Français que nous sommes!...

Pourtant, il s'agit sans doute là d'une région, d'un vignoble au potentiel évident. Pas aussi connu que les nebbiolesques Barolo et Barbaresco, ou que la Toscane protéiforme, mais qui est inscrit dans le respect d'une identité locale et la mise en valeur de grands terroirs. Ici, les vignerons ne sont pas en quête d'un quelconque savoir extérieur, venu et inspiré par telle ou telle faculté d'oenologie. Ils regardent d'ailleurs, parfois, les us et coutumes de leurs voisins, les choix, les modes, avec tantôt de la perplexité, tantôt une part de scepticisme. Comme l'option, par exemple, des macérations carboniques pour des vins bio et natures, voulant mettre en évidence les caractères et l'authenticité d'un terroir... Un débat qui s'ouvre?... Mais, une région d'Italie à ne pas manquer!...      

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Commentaires
P
Dit donc, ça a l'air très sympa ce petit coin...<br /> Je ne connais tjs pas l'Italie et ça me donne très envie de visiter cette région.<br /> Merci Fanny, c'est un vrais plaisir de te lire.<br /> Au plaisir de te lire.<br /> Bise
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B
Superbe reportage!.. Comme d'hab!.. En plus, ça donne envie d'y aller...
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