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La Pipette aux quatre vins
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9 octobre 2010

La Savoie, les forçats du bio?!...

On a coutume de dire que certains vignobles du Grand Sud de la France bénéficient de conditions climatologiques telles, que l'installation ou la conversion vers une agriculture biologique sont, de fait, favorisées. Certes, on imagine aisément qu'un plateau, ou des terrasses placés dans un site largement ventilé par le mistral ou la tramontane, offrent quelques garanties naturelles de lutte contre les méfaits de l'humidité persistante sur la vigne, surtout à quelques moments clés du cycle végétatif.

En Savoie et Haute-Savoie, le vignoble est aussi parfois situé sur des terrasses ou des plateaux... Le problème, c'est que le foehn n'a rien à voir avec les vents de nord ou de nord-ouest du Midi!... Et qu'un autre aspect du climat local peut poser problème : les 100 mm de précipitation enregistrés, en moyenne, chaque mois!... Bien sur, il ne faut pas en tirer de conclusions définitives, puisque d'autres régions viticoles sont également bien arrosées, comme le Jura ou même les contreforts alsaciens, mais on imagine aisément que les versants les mieux exposés n'ont rien à voir avec les plus arrosés et sont connus, identifiés depuis des lustres!...

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- Jean-Yves Péron, à Chevaline -

Au pays où, chaque été, s'est construite la légende des forçats de la route, entre Isoard et Galibier, Jean-Yves Péron n'est pas le dernier représentant d'une famille bauloise, genre forçats de la mer, tourdumondistes échevelés, braveurs des océans, arpenteurs de contrées lointaines. Là, le paysage est plus restreint, plus confiné, même si l'extrémité sud du Lac d'Annecy est proche. A Chevaline, on reste sous le regard des contreforts et sommets voisins, tel le Charbon, qui domine, veille peut-être, sur la maison des Péron.

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La pluie est au programme de ce mardi d'été. Jean-Yves Péron en profite pour faire quelques menus travaux à domicile. "Aujourd'hui, j'ai la molle!..." La pluie se fait très présente. Les vignes, situées à Conflans, près d'Albertville, sont à bonne distance, nous nous contenterons d'un petit tour d'horizon au domaine. Pour cela, il nous faut trouver des bougies!... En effet, EDF procède à une refonte du réseau local et la coupure devrait durer la matinée. Ça donne une ambiance "fin de siècle"!... Mais lequel?...

Avec le vigneron de Chevaline, nous évoquons les origines du vignoble savoyard. Des nobles régionaux, qui encouragèrent la production de vins rouges pour leur consommation, au clergé local, qui usait plutôt de blancs. Il y a à peine plus d'un siècle, on comptait pas moins de 20000 ha de vigne en Savoie. Aujourd'hui, guère plus de 2000. Y avait-il alors des grands terroirs, désormais oubliés?... Rien n'est moins sur, sauf, peut-être du côté de Talloires. L'histoire s'est surtout construite autour de la mondeuse, variété dont on situe mal l'origine exacte, mais que José Vouillamoz, spécialiste en matière d'ADN des cépages notamment, soupçonne d'être, ni plus ni moins, que la grand-mère de la syrah!...

Le premier millésime de Jean-Yves Péron remonte à 2004, compliqué pour un début, avec des fermentations malolactiques qui se prolongent jusqu'en août 2005!... Il compte aujourd'hui un peu plus de deux hectares, soit environ 1,5 ha de rouge (mondeuse uniquement) et 0,7 ha de blanc (altesse, jacquère et roussanne). La proportion de vieilles vignes n'est pas négligeable, au point d'atteindre, pour l'une des parcelles, un statut quasi historique, puisque plantée en 1893!... Celles destinées à la cuvée Champ Levat, sur terrasses, n'ont pas moins de 80 ans.

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Si le vigneron de Chevaline est déterminé et résolument orienté vers la production de vins "nature", il n'affiche pas, pour autant, de certitudes absolues. Avec en poche un diplôme d'oenologue et un apprentissage auprès de Thierry Allemand et Bruno Schueller notamment, il a pu définir sa trace. A l'aube de son septième millésime au domaine, il n'est sur que de deux choses : le besoin de rester à l'écoute de ses vignes et la nécessité de s'adapter aux circonstances, en évaluant bien ce qui caractérise chaque vendange. Il a donc, à ce jour, quelques pierres d'achoppement, qui ne sont pas définitivement dans son jardin, mais qui contribuent aux choix imposant la tendance actuelle. Exemple : l'absence d'égrappoir implique de passer les grappes entières en cuve afin, notamment, de baisser la température de la vendange (15-16°).

Pour les rouges, il faut compter une semaine de macération carbonique. Le pigeage, doux et attentif, dure une petite semaine pour Champ Levat, alors qu'il se prolonge tout le temps de la fermentation (de dix jours à trois semaines, selon les millésimes) pour la Côte Pelée, sélection parcellaire de très vieilles vignes. Presse et goutte sont toujours assemblées. La durée de l'élevage en barriques est d'à peu près un an, avec une mise, par gravité, avant les vendanges pour les blancs et rosés et en décembre pour les rouges.

En 2009, la mondeuse a atteint 11,8° au moment de la cueillette, ce qui est, bon an mal an, son plafond admis. Il est malgré tout extrêmement rare au domaine, de devoir se résoudre à une correction, même si ce fut le cas en 2008 (+0,5°).

Les raisins destinés au rosé nature et non filtré, Vers la Maison rouge, sont issus des parcelles les moins mûres, mais jamais de saignées, inutiles du fait des rendements faibles, qui ne dépassent guère 15 à 30 hl/ha. Et pas de jeunes 07092010_006vignes rouges non plus, puisqu'il n'y en a pas!... Après trois jours à une semaine de macération carbonique, les jus sont également orientés vers la barrique.

Du côté des blancs, altesse et jacquère, très classiques et incontournables en Savoie, mais aussi depuis peu, roussanne. Le blanc du domaine est en principe issu de jacquère, tel le déjà célèbre Cotillon des Dames 2008. En 2009, on s'oriente vers un assemblage avec l'altesse. Depuis 2006, Jean-Yves Péron, qui confesse s'éclater avec les blancs, fait quelques essais de macération carbonique (trois jours à une semaine) et de pigeage sur certains lots, sans s'orienter néanmoins vers les blancs de macération, type Italie. Cette année, devrait voir le jour une cuvée jacquère et roussanne ayant suivi ce cursus!...

Les plantations de cépage persan (un rouge quasiment oublié, originaire de Maurienne) n'ayant pas abouti, les projets du vigneron de Chevaline s'orientent vers la production d'un pétillant naturel à base d'altesse et de mondeuse en pressurage direct. Et peut-être, un jour, la plantation de pinot noir, voire de cépages italiens, tel le primitivo (le zinfandel dans les Pouilles). Notez qu'il propose déjà un Cidre des Cîmes, brut zéro quasi pur pomme, avec un soupçon de poires du pays.

Nous pouvons, lors de notre passage, découvrir quelques cuvées prélevées sur fûts : altesse 2009 jeunes vignes, jacquère 2009 vieilles vignes, plus la jacquère 2009 issue de macération. Les vins ont une belle expression et semblent pouvoir composer un "cocktail" intéressant. A suivre également, la roussanne 2009, récoltée à 14°, dont c'est la première année de production et de vinification. A priori donc, destinée à un assemblage avec la jacquère, mais qui pourrait bien faire l'objet d'une mise séparée, tant le potentiel, exprimé en ce moment, interpelle!... Cette roussanne a été plantée à une densité se situant entre 10000 et 20000 pieds/ha, dans une zone largement pourvue en micaschistes alumineux. A priori, un bel avenir!... Regard rapide ensuite sur la mondeuse qui, pour le moment est moins expressive, du moins en terme de complexité. Affaire à suivre!...

Il faut donc garder un oeil sur ces Vins de Pays d'Allobrogie, proposés par Jean-Yves Péron!... On entend, çà et là, que parfois, ils expriment leur côté très... vivant!... Le vigneron le sait. Il apporte de légères corrections et continue d'avancer sur les aspects élevages, assemblages, mise en bouteilles. Comme nombre d'amateurs, il n'aime pas les vins approximatifs, mais ne comptez pas sur lui, quand même, pour renier l'intégralité de ses convictions!...

- Dominique Belluard, à Ayze -

Il pleut toujours au moment où nous arrivons au Domaine Belluard. Nous trouvons Dominique dans le fond du hangar. Un bruit de ponceuse nous guide : beau temps pour faire un peu de menuiserie!... Avec lui, en préambule, nous revisitons l'histoire du vignoble local. On sait que dans le secteur, le pays du Mont Blanc, la vigne était présente dès le XIè siècle et sans doute bien avant, mais les archives ont disparu dans l'incendie du Duché de Faucigny. Au pays du gringet, cépage roi ici, on comptait 600 ha plantés sur trois communes, Bonneville, Marignier et Ayze (prononcez ail-ze), au début du XXè siècle. De nos jours, il ne reste guère plus qu'une vingtaine d'hectares!... Les causes en sont assez évidentes et elles s'additionnent : le phylloxéra, les deux guerres, l'exode rural local vers l'industrie de la micromécanique, installée dans la vallée et qui, entre 1920 et 1925, allait produire tous les petits rouages de l'horlogerie suisse et offrir de nombreux emplois. Depuis, sont apparus le tourisme et la proximité de Genève par l'autoroute, d'où une pression immobilière très forte, amplifiée par une exposition plein sud très recherchée.

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Le vignoble se situe aux environs de 450 m d'altitude et donc planté pour l'essentiel de gringet. Ce cépage a très longtemps été classé dans la famille des traminer, ou savagnin, jusqu'à ce que les études des séquences ADN de José Vouillamoz, toujours lui, n'infirment cette presque évidence. En fait, on ne lui trouve qu'une lointaine parenté avec la molette de Seyssel.

Actuellement, le domaine compte 11 hectares, après être monté à 13. Le vigneron d'Ayze ne cache pas qu'il pense encore réduire la voilure. Retrait motivé notamment, par l'impact d'une reconversion à la biodynamie depuis 2000. En effet, sur la surface dont il dispose, 7 ha se situent à mi-coteau et sur des parcelles mécanisables. Pour le reste, il s'agit de fortes pentes (parfois 45%!), plantées en gobelets à 10000 pieds par hectare. Et là, les coûts de production, tant qu'Ayze ne sera pas Condrieu ou Cornas, impliquent des prix de vente élevés, incompatibles avec la réputation de l'appellation. Néanmoins, il garde l'objectif d'une conversion intégrale à moyen terme. Mais, à ce stade, le fait de laisser l'herbe dans des secteurs où la roche mère affleure presque, lui fait craindre, lors d'étés secs, quelques souffrances excessives pour le végétal.

Arrivé là en 1985, sortant de viti-oeno à Beaune avec quelques certitudes, il se rend compte très vite qu'une viticulture traditionnelle, avec tous ses intrants, ne lui permet pas de progresser. Sans parler des effets sur l'environnement et sur l'homme qui travaille dans la vigne. La rencontre avec François Bouchet, en 1995, le bouscule quelque peu, mais ce qu'il entend là, remet en cause tout ce qu'il a appris et il mettra cinq ans à prendre la décision d'une reconversion. Dominique Belluard avoue quelques moments de doute, mais avec un recul de dix ans, il ne peut imaginer faire machine arrière, malgré les difficultés de certains millésimes, dans une région un peu extrême. Pour lui avancer, c'est observer et s'adapter. Et pour avancer encore, il a consacré ces dix années à rencontrer les vignerons, comparer les expériences et rechercher des solutions qui lui permettent de progresser. Ainsi, depuis trois ou quatre ans, il utilise des préparations de plantes, proposées par le collectif Ortie et Compagnie, pour la lutte conte le mildiou notamment, ennemi virulent des vignerons savoyards.

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Les vignes du domaine Belluard se situent sur trois types de sols distincts : des éboulis calcaires, qui apportent beaucoup de finesse, des sédiments de glaciers et molasses, qui suggèrent des notes fumées, puis le secteur du Feu, exposé sud-sud-est, où sur 300 ou 400 mètres de large, se trouve une vaine où les sols ont sédimenté, jadis, en argile rouge, bauxite et alumine de fer. D'après le vigneron, un des plus beaux terroirs de Savoie, qui donne aux vins une puissance phénoménale!...

Au total donc, 90 à 95% de gringet, destiné au début des années 90 à la production de vins en méthode traditionnelle, mais Dominique Belluard se dit très vite que c'est presque dommage de ne produire que des bulles, avec les vins de base dont il dispose. Juste retour des choses, puisque naguère, lorsque le vignoble genevois n'existait pas, les blancs d'Ayze étaient largement distribués dans les bistrots de Genève, du fait de la zone franche.

Depuis quelques années, il essaie de restructurer son vignoble dans les fortes pentes, pour pouvoir y travailler avec un chenillard, plutôt que de tenter de sauver, avec l'énergie du désespoir parfois, des parcelles trop dispersées. Il a également replanté un demi hectare d'altesse (sélection massale de chez Dupasquier), puisque le décret d'appellation autorise un tiers de cette variété (roussette d'Ayze localement). De plus, il a récupéré une parcelle de ce même cépage, sur des marnes glaciaires. Mais les vignes n'ont là que sept ou huit ans et il faudra encore quelques années de labours et de préparats biodynamiques, pour que les racines puisent le meilleur de ce terroir dédié à la cuvée Les Grandes Jorasses. Enfin, l'automne dernier, une parcelle de mondeuse a été également plantée, avec l'objectif de produire un beau rouge, en maîtrisant les rendements dans une limite de 30 à 35 hl/ha.

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Dominique Belluard nous explique (à l'abri cette fois!) que l'essentiel de son énergie est consacrée à la vigne. La rencontre avec quelques "vignerons rebelles", partageant avec lui l'option d'une intervention minimale au cuvier et dans le chai, lui a permis d'évoluer en matière de vinification et d'élevage. Resté perplexe quant à la qualité des bois et à l'impact de la barrique sur les jus et l'expression des terroirs, il a fait le choix du béton depuis 2004 et s'équipe, petit à petit, d'oeufs de cette matière. A terme, tous les vins tranquilles seront vinifiés ainsi et le cuvier inox sera alors obsolète. Juste le temps de sensibiliser une clientèle fidèle, à ces évolutions déterminantes.

Place à la découverte du millésime 2009, qui s'annonce sous les meilleurs auspices. La cuvée Les Alpes, un assemblage de terroirs, puis Le Feu, monocépage et monoterroir, vont sans nul doute, démontrer une fois de plus le potentiel du cépage. A noter également une troisième cuvée de gringet sans soufre, assez expérimentale pour le moment. Suit ensuite la cuvée Les Grandes Jorasses, à base d'altesse, qui passera pour partie, dans les oeufs en 2010. Enfin, vingt ares de mondeuse, vinifiés en 2009 en amphore - la méthode a enthousiasmé le vigneron! - propose aujourd'hui une petite merveille de fruit et de texture!... Ne courez pas!... Les 300 bouteilles produites ne sont déjà plus disponibles!... Avec un peu de chance, nous pourrons découvrir la nouvelle cuvée 2010 de gringet, qui va aussi passer dans ce type de contenant.

Côté méthode traditionnelle, une première cuvée classique en brut et Mont Blanc (brut zéro, sélection parcellaire sur éboulis calcaires, quatre ans sur lattes), comme un pied de nez aux millésimés champenois!... Il est joueur, Dominique Belluard!...

Tous les vins sont mis en bouteilles en juin. Dégazage et soufre minimum. Depuis cinq ans, plus de chaptalisation, levures et bactéries indigènes uniquement. Les cuvées Le Feu et Grandes Jorasses sont disponibles en novembre. Pour le vigneron, 2009 est supérieur à 2005, par un équilibre remarquable.

Pas de doute, avec de tels vignerons - n'oublions pas Gilles Berlioz, Jacques Maillet et quelques autres - la Savoie a changé de braquet!... La condescendance n'est plus de mise ici. Vous êtes au pays des plus hautes montagnes, mais aussi des grands vins!... La qualité de ces cuvées savoyardes et la sensibilité des vignerons rencontrés le démontrent : bienvenue au pays des vins vivants!...

Commentaires
R
Les vins de Savoie méritent d'être mieux reconnus. Je suis heureuse de voir que des passionnés mettent tous leur savoir-faire et leur amour pour produire des vins excellents et bio
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O
Philippe,<br /> Merci pour cet article remarquable !<br /> <br /> Amitiés, <br /> Oliv
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