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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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26 août 2013

Closeries des Moussis : à deux, c'est mieux sur la D2!...

Le Médoc, lorsque la vigne s'offre à nos yeux dans sa parure estivale, c'est un peu, pour la plupart des visiteurs, comme une armée au garde-à-vous, que l'on peut passer en revue. Au bout du rang, on ne voit qu'une seule tête de cep et parfois, les rosiers prennent les couleurs des étendards. Pour un peu, ces régiments se mettraient en marche, comme dans un cauchemard soft, franchiraient la dernière croupe de graves et plongeraient dans la Rivière, qui n'est jamais très loin de la D2, la route départementale qui traverse le célèbre paysage viticole, en passant devant tous les prestigieux portails.

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A Arsac et aux alentours, il est possible de trouver quelques parcelles ébouriffées, que d'aucuns qualifieraient aisément de sauvageonnes. Les vignerons et vigneronnes qui s'en occupent n'ont rien de supposés hurluberlus, même s'ils ont pour stratégie de ne pas en avoir, ou si peu et de faire en sorte que la vigne se porte bien et donne ce qu'il lui plait de donner. Affirmer qu'à coup sur, chaque cep est identifié, relève de la gageure.

A Cantenac, chemin du Gondet, on trouve même 35 ares environ d'une vigne préphylloxérique, à laquelle on donne, avant toute chose, une dimension patrimoniale, voire historique. Sans doute, si elle n'avait eu la chance de croiser la vie de vignerons respectueux, devrait-elle être arrachée depuis des lustres, alors qu'elle est un témoin ayant traversé les ères successives de la viticulture locale. Longtemps, elle fut destinée à une consommation familiale, ce qui contribua à la maintenir sur pied. Désormais, ce sont Laurence Alias et Pascale Choime qui la bichonnent. C'est Michel Théron, du Clos de Jaugueyron, qui leur a cédé cette vénérable parcelle fin 2008, ne sachant trop qu'en faire. Il faut dire qu'on peine à affirmer qu'il s'agisse ici d'une terre à vigne. Plutôt des pallus presque inondables et bordés d'une jalle rejoignant le fleuve. La vigne a souvent été complantée par marcottage et une massalle sur site s'impose désormais. Mais, la densité à l'hectare, si elle n'est pas vraiment homogène, est suffisante pour que la parcelle soit classée en AOC Haut-Médoc. En tout cas, sur ce sol d'argile, mais surtout de sables et de limons, pas de trace de phylloxéra.

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Ici, pas du travail du sol et enherbement total, avec tonte sous les pieds. De toute évidence, le système racinaire est multidirectionnel!... Pas travaillée depuis longtemps, cette vigne semble plus avoir à craindre d'un labour, ou même d'un grattage. De plus, située à deux petits kilomètres de l'estuaire, elle ne craint pas le gel. En revanche, certains pieds ont besoin d'une taille sur mesure. Ici, les vigneronnes ont presque des talents de coiffeuses-visagistes!... Au final, un rendement de 15 hl/ha. Tout près, des vignes de Palmer, Prieuré-Lichine et quelques petits propriétaires, dont le voisin immédiat travaille le sol depuis deux ans. Ces quelques arpents sont en bio depuis le début, en 2009, avec une utilisation du cuivre et du soufre a minima. Depuis 2011, quelques pratiques biodynamiques ont été instaurées. Pour les deux premiers millésimes des Closeries des Moussis, 2009 et 2010, le jus de cette vigne a intégré l'assemblage final. Depuis, il s'agit de la cuvée Baragane, du nom des poireaux sauvages qui poussent dans cette vieille vigne. La version 2012 a une jolie expression spontanée et variable selon les jours, limite versatile, d'après ce qu'en laissent supposer les vigneronnes. En 2011, il n'y en avait guère plus de 700 bouteilles. Pour l'élevage, des barriques de 2008, qui rendent les tannins moelleux à souhait.

L'autre spot des Closeries a pour cadre les vignes proches du Château Sénéjac, sur la commune du Pian-Médoc. Un voisin de quarante hectares, qui dérange quelque peu, quand on sait qu'il est repassé en conventionnel, après trois années de conversion bio!... Laurence et Pascale disposent là de quatre petites parcelles (dont 70 ares récupérés en 2010), appartenant à autant de propriétaires différents soit, au total, environ un hectare sur des sols de graves garonnaises et du sable, le tout sur un socle d'argile. Les vignes ont entre trente et trente-cinq ans et se composent de 70% de cabernet franc et cabernet sauvignon, le reste de merlot. La densité est très médocaine, soit 10000 pieds/hectare et le rendement très raisonnable, pusique d'environ 30 à 40 hl/ha.

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Dès 2012, le décavaillonage est pratiqué au cheval, grâce au prestataire intervenant à Château Latour, où Laurence suit un apprentissage en la matière. Cette année, elle mène son trait breton elle-même, ce qui explique la présence d'un van devant la maison ou le chai. Il ne s'agit pas cependant de céder à une quelconque mode, cette orientation s'inscrit en fait, dans un processus ayant pour origine, sans doute, sa formation en écologie et en gestion des espaces naturels. D'ailleurs, les deux vigneronnes d'Arsac sont plutôt pragmatiques. Ainsi, à l'heure d'opter pour la biodynamie, elles ont décidé de comparer la méthode aux pratiques biologiques dont elles usent depuis le début, en dédiant deux espaces voisins de dix rangs chacun, l'un à la bio et l'autre à la bio-D. Elles ont pu ainsi apprécier les effets de certaines dynamisations sur la vigne, mais aussi comparer les plantes présentes sur les parcelles, comme on peut le voir sur la photo ci-dessous, plus bas. Pour le moins instructif!...

On peut donc considérer que les parcours de ces deux jeunes femmes se rejoignent en se complétant. Laurence, originaire du Gers, arrivée à Bordeaux en 2006, avec étapes à Toulouse, dans les Pyrénées et en Bigorre d'une part et Pascale, originaire de Charente-Maritime, bien connue en Médoc, de par son expérience de maître de chai du Château Dillon, qu'elle est toujours, ayant vu passer moult promotions de BTS Viti-Oeno du Lycée Viticole de Blanquefort!... Dans la région, d'autres la connaissent aussi pour sa pratique de la sculpture de ferrailles.

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Bien sur, ses choix, pour ce qui est des vinifications, sont quasiment aux antipodes de ceux de Dillon. Toutes deux, après avoir eu le projet d'ouvrir un bar à vins, mais doutant de leurs capacités à cotoyer chaque jour une clientèle, se sont orientées vers la production de vins sincères, bons comme elles aiment et sans faire nécessairement un vin d'auteures. Depuis, Laurence a quitté sa sécurité professionnelle depuis 2011. Pascale pourrait la rejoindre, si elles parvenaient à trouver un ou deux hectares de plus dans la région et, pourquoi pas, une parcelle destinée à planter des blancs. 

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Depuis l'an dernier, elles disposent aussi d'un "chai à tout faire", ayant pu racheter et restaurer une vieille maison médocaine typique, voisine de la leur. En matière de vinification et d'élevage, on ne peut rêver mieux, compte tenu des 1 ha 40 qui composent les Closeries. Tiens, d'ailleurs, pourquoi ce nom?... "C'est très simple. En fait, il n'était pas question de château quelque chose!... On a cherché avec clos, mais il n'y avait pas de noms sympas disponibles, ni à Sénéjac, ni à Arsac. Closeries, c'était plus original. Moussis, c'est le nom donné ici aux pruniers sauvages tout biscornus, qui poussent entre les grands chênes. C'était un peu l'histoire de notre projet tortueux, au milieu des grands crus. Et puis le blanc moussis, c'est aussi un lutin protecteur des cultures, mais ça, c'est juste pour la touche littéraire!..."

Passons à la dégustation des 2012 notamment. A ce stade, tout le volume de la "cuvée domaine" est assemblé en barriques de 400 litres le plus souvent et se compose d'une majorité de 70% de cabernet sauvignon et de 20% de merlot, le reste réunissant les autres cépages médocains historiques, à savoir malbec, cabernet franc, carménère et petit verdot. Le tout est vinifié en vendange entière, éraflé sans foulage, puis pigeage pendant un certain temps et selon ce qu'expriment les jus. Tout ce cycle pendant deux mois à deux mois et demi avant l'élevage en barriques, qui peut durer de douze à treize mois. La mise n'intervenant qu'après un "stockage" de l'ensemble, réassemblé pendant un mois.

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Jolie surprise avec cet échantillon déjà très homogène, expressif et cohérent. La version 2010 est compacte, bien en place, dotée d'une belle persistance. Le potentiel de garde est certain, mais le vin est très abordable dès maintenant. Nous avons évoqué plus haut la cuvée Baragane 2012, qui fait un peu figure "d'ovni" et dont la personnalité certaine, va emmener les amateurs (qui pourront en trouver!) sur les chemins d'un autre Médoc, sans doute très rarement couverts de graviers blancs, comme dans nombre de crus classés de la péninsule. A noter qu'en 2012, une sorte de "cuvée primeur" a vu le jour, Virevolte, mais à 600 exemplaires seulement. Inutile de vous dire qu'elle n'est plus disponible désormais, a contrario des Closeries des Moussis 2011, qui commence son histoire avec de bonnes armes.

Tout comme ce domaine, que l'on pourrait qualifier d'anecdotique, voire d'anachronique, dans le contexte de ce Haut-Médoc, brillant de mille feux sur la planète mondovinesque. Pourtant, comme pour d'autres Bordeaux désormais, une alternative est possible. Et pour les amateurs aussi. D'autant que Laurence Alias et Pascale Choime ne sont pas du genre à céder à de supposées trompettes de la renomée, pouvant s'avérer éphémères. De plus, elles n'oublient pas que leur premier millésime, 2009, celui qui les a mises sur les rails, avait obtenu le soutien de nombreux particuliers, n'hésitant pas à acquérir quelques flacons en primeur, avant même que la première étiquette ne soit chez l'imprimeur. Sans oublier quelque caviste perspicace... Aux dernières nouvelles, un beau volume des Closeries des Moussis doit rejoindre le pays du Soleil Levant, sous l'impulsion de Monsieur Ito, célèbre importateur japonais, qui n'a pas son pareil pour dénicher les jolis flacons. C'est peut-être une page qui tourne et chacun serait bien inspiré de trouver un exemplaire du livre!... 

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Commentaires
D
Bonne journée et bravo pour votre blog,Pascal.
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B
Merci pour le lien, Philippe!
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