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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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11 septembre 2013

Ces vignerons vendéens bâtisseurs

Finalement, le pluie prévue ce jour (le 6) n'était pas au rendez-vous. A peine 2 mm pendant la nuit, pour humidifier la poussière. C'est le Grand Sud qui sera finalement touché par les orages, les fortes pluies parfois, une baisse des températures, un large quart Ouest restant à l'abri des intempéries. Une belle arrière-saison se profile, sur la côte "californienne" de l'Europe. La plage n'est pas fermée!... D'ailleurs, un ami marin de Noirmoutier a rassuré Christian Chabirand, de Prieuré la Chaume, à Vix, la zone viticole la plus méridionale de la Loire : "Ne t'inquiète pas, les grandes marées sont passées avec le beau temps, ça va tenir jusqu'en octobre!"

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Plutôt rassurés les vignerons vendéens, même si la route est encore longue. Certes, les cépages tels que pinot noir et chardonnay pourroint être vendangés dans une quinzaine de jours, en principe... Pour ceux-ci, la véraison se passe d'ailleurs mieux que pour les plus tardifs. Ces derniers, cabernet ou chenin, ne vont pas manquer d'inquiéter les vignerons jusqu'au bout. Le tout est que le basculement de météo vers l'automne ne survienne pas trop vite. En 2012, passé le 25 septembre, il n'y avait plus guère à espérer, que de la dilution et du botrytis!... 2013 ne peut pas se le permettre, avec le retard cumulé atteignant trois semaines dans les parages, même s'il se réduit peu à peu avec le beau temps.

Si l'inquiétude persiste dans le vignoble, c'est à l'image d'une année 2013 très difficile. Jusqu'au début juillet, certains se demandaient ce qu'ils allaient bien pouvoir produire. D'autant que, pour quelques-uns, nouvelles ambitions, changement de braquet, projet à court ou moyen terme ne souffrent guère l'échec et pourraient subir gravement les conséquences des aléas climatiques, même partiels.

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A Vix, Christian Chabirand fait partie de ceux-là. Malgré la jeunesse de son vignoble, créé de toute pièce voilà à peine plus d'une douzaine d'années, le voici qui entre dans une seconde phase, avec l'extension du bâtiment de vinification et d'élevage. Pour cela, il fallait opter pour un creusement conséquent dans le coteau et une construction permettant au final de bénéficier de la gravité. Or, la météo pluvieuse à souhait de l'hiver dernier a mis le terrassier dans une situation difficile. Si le bâtiment en lui-même n'en souffre pas trop, la plate-forme en béton juste au-dessus s'est affaissée. Expertises, contre-expertises, palabres... Tout n'est que partie remise, mais chacun imagine le niveau de contrariété, pour le vigneron qui mise désormais sur ce progrès certain.

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C'est le type même de travaux qui permettent d'ouvrir le sol et de prendre vraiment connaissance de sa structure. Même si le vigneron de Vix n'est pas dans l'inconnu à ce niveau, surtout depuis les études faites, à la demande du syndicat des Fiefs Vendéens, dans le cadre de l'obtention de l'AOC. Les fosses creusées et les analyses pratiquées par le groupe de géologues d'Angers avaient révélé un certain nombre de choses, dont quelques-unes assez loin des connaissances précédentes et de... l'imaginaire des vignerons locaux.

Sur cette photo, on distingue bien le calcaire, transformation des marnes du Jurassique du dessous, mais aussi une épaisseur de sol assez conséquente. En fait, une surprise pour Christian Chabirand car, sur le reste du coteau, il ne dispose pratiquement jamais de terre dans ces proportions. Finalement, sans doute plutôt un bon choix pour construire et éviter de réduire, même de quelques arpents seulement, l'espace viticole de meilleure qualité. A noter enfin, que ce projet de construction en précède un autre. En effet, comme Jérémie Mourat à Mareuil sur Lay, le vigneron vizeron (du nom donné aux habitants de Vix) s'inscrit dans une démarche intégrant le développement touristique de la région et une demande certaine en matière d'oenotourisme. En effet, ce sont désormais des groupes de croisiéristes, en escale à La Rochelle, qui frappent à la porte des vignerons. Et pour tout dire, la réception de ces groupes n'est pas forcément adaptée. A terme, sera donc construit un nouveau bâtiment, sans doute déconnecté du premier, avec salle de dégustation panoramique sur les éoliennes du Golfe des Pictons, planté de céréales désormais et sans doute un restaurant, ne pouvant qu'accompagner et offrir une suite logique au wine tasting multilingue, aux armes du domaine. Sans oublier les chambres d'hötes. Tout un programme et une orientation multi-activités qu'il faudra assumer au mieux!...

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Cependant, le vigneron de La Chaume n'en oublie pas pour autant son métier premier et, pour l'instant, il essaie de décrypter les tenants et aboutissants d'une année compliquée, avec, en premier lieu, la préparation d'un planning de vendanges. "C'est la première année que j'ai un pinot comme ça!..." Comme on peut le voir ci-dessus, à gauche, le pinot noir est au top! Couleur homogène, une belle véraison, la suite logique d'une fleur qui, pour ce cépage, s'est passée juste dans la bonne fenêtre. Ce n'est pas le cas du merlot, variété majeure ici, puisque trois cuvées de rouges (sur les quatre) sont composées à 100% de celui-ci, mais il n'y a pas de quoi désespérer. Cependant, un tri attentif va s'imposer comme une évidence, même si les grappes sont plutôt lâches. Ce sera également le cas de la négrette (à peine 50 ares ici), qu'il est souvent difficile d'amener saine, à une bonne maturité. Avec elle, le tri c'est toujours la règle et comme elle n'entre qu'en très faible proportion dans la seule cuvée d'asemblage des rouges, Orféo, elle peut être éventuellement écartée. A Vix, elle n'a pas le même poids historique qu'à Mareuil, puisqu'elle n'apparait pas dans les recensements du passé, ou alors à titre extrêmement anecdotique.

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Du côté des blancs, les chardonnay seront sans doute ramassés dans une quinzaine de jours également, tels ceux de cette parcelle surgreffée (ci-dessus, à gauche) de 35 ares. En effet, Christian Chabirand ne parvient pas à obtenir des droits pour planter et augmenter la proportion de blancs, il en est donc venu, en 2012, à adopter cette technique assez pratique. Il s'agissait là de cabernet sauvignon devenus en à peine plus d'un an, des chardonnay disponibles. Il est à noter que le vigneron se heurte à une législation dont la teneur laisse parfois rêveur. Lorsqu'il s'adresse aux tenants de l'AOP, ceux-ci refusent de lui accorder des droits nouveaux sur le coteau de son choix, parce qu'il dispose d'une parcelle libre classée en Fiefs Vendéens et aussi du fait qu'il ne déclare plus ses vins qu'en IGP et lorsqu'il consulte l'autre camp, l'Onivins, on lui répond de même, du fait qu'il peut planter en AOP, ces officiels se voyant mal lui accorder des droits hors appellation!... La quadrature du cercle!... Aux dernières nouvelles, il ne lui reste qu'un seul moyen : acquérir la surface voulue de vigne dans un autre secteur, à moins de 70 km, par exemple du côté de Mareuil ou Rosnay, arracher la dite parcelle et replanter chez lui!... Pas le meilleur moyen d'être reçu à bras ouverts dans le reste de la contrée!...

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En terminant le tour du vignoble, nous pouvons contempler le superbe coteau exposé sud-ouest, planté pour l'essentiel du merlot destiné à la cuvée Bel Canto. Nous sommes là sur une pente concave et dans une sorte de cirque très favorable. Plus loin, un peu de chardonnay et une très belle croupe qui pourrait recevoir d'autres sélections de ce même cépage, si les droits sont accordés un jour. Cette pente constitue en fait un ancien rivage, qui bordait la partie sud d'une ancienne île du Golfe des Pictons. Au-delà de la petite route qui suit le coteau, la plaine agricole destinée au maïs et à la culture des melons, dont une première ceinture fait partie du foncier appartenant au vigneron de Vix. Une prairie, à l'entrée du domaine a d'ores et déjà été transformée en espace naturel dédié à quelques chevaux. A terme, les vignes du coteau seront entourées par une sorte de "ceinture verte", véritable zone tampon entre l'agriculture productiviste intensive, avec tout ce que cela suppose et le vignoble en culture biologique.

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Retour à la cave pour finir, où tout se met en place, en vue des mises en bouteilles ce lundi. En fait, pour la plupart des cuvées, le vigneron procède en plusieurs mises. Ainsi, cette fois, les ultimes volumes de Bellae Domini (Belle du Seigneur en latin) 2009, Orféo 2009 et Rigoletto 2010, la petite dernière, sont au programme. Malgré un brassage récent, on retrouve toute l'intensité de celle-ci, issue d'un merlot surmûri et du coteau plein sud. Cuvaison de quelques heures, élevage de trente mois en cuve uniquement, une véritable originalité, dotée d'une richesse séduisante, presque libertine. Un voyage à Venise, peut-être?... Orféo 2009, hommage à Monteverdi, assemblage de merlot (60%), cabernet sauvignon (30%) et négrette (10%) pour ce qui est du vin lui-même, est dotée d'une remarquable fraîcheur, qui confère à cette cuvée un charme certain. On pourrait la croire destinée, à priori, à un voyage au longs cours, mais vous pouvez l'ouvrir avant même l'embarquement! Toujours en cours d'élevage, Bellae Domini 2012 est d'une belle couleur assez profonde, sans la concentration de 2009, mais avec un équilibre plutôt séduisant. Une cuvée qui peut passer de 18 à 24 mois en barriques, mais que le vigneron surveille, tant il faudra selon lui, "saisir les jus au bon moment." Bel Canto 2012, hommage à Melle Geneviève Vix, cantatrice née en 1879 à Nantes, célèbre tant à l'Opéra de Paris qu'au Théâtre Graslin de sa ville natale, garde son fruit léger et aérien, que le millésime semble renforcer encore. A noter également, mais non dégustés ce jour, les deux rosés, dont Le Caravage 2012, issu d'une saignée rapide de merlot et de pinot noir et Prima Donna 2012, assemblage intéressant de chardonnay (60%), de pinot noir (30%) et d'un soupçon de chenin (10%) cette année.

Prieuré La Chaume est donc entré dans une nouvelle phase de sa récente et courte histoire. Tout autour, la terre cache sans doute encore, des traces de vie qui rapprochent les millénaires : fossiles marins, sceau historique du Moyen-Âge, lorsque la mer était encore là, présente pour des populations de pêcheurs, devenus maraîchins lorsque l'océan s'est retiré ou que l'espace fut asséché. Il y a peu de chances que le vigneron de Vix n'ait à faire face ou retour des vagues de l'Atlantique (hors tempêtes extrêmes), mais il se tourne néanmoins vers l'avenir d'une région à vocation résolument balnéaire et touristique. Sans pour autant céder aux sirènes de la consommation de produits standardisés, comme ont pu le faire parfois, les générations récentes de vignerons vendéens, pour la plupart enfermés dans un modèle économique quasiment destructeur. Sa démarche ne manque pas de courage, elle s'inscrit dans une logique novatrice, mais indiscutablement valorisante pour un Sud Vendée, qui ne veut pas devenir une île au milieu de nulle part.

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En remontant vers le nord, étape à Mareuil sur Lay et Rosnay, le coeur traditionnel du vignoble vendéen, pour y rencontrer Jérémie Mourat. Un presque quadra à qui il faut rendre visite de temps à autre, tant il serait aisé de manquer une étape ou de rater un épisode de l'évolution du domaine. Combien de défis lancés depuis dix ans par le vigneron mareuillais?... Création du Clos Saint André, choix des oeufs béton de chez Nomblot pour les vinifications et les élevages des blancs, construction d'une nouvelle structure destinée à l'accueil et aux bureaux, restructuration du vignoble, achat de raisins et production d'une cuvée en Afrique du Sud, création de l'entité dite du Moulin Blanc, construction d'un chai permettant d'utiliser la gravité et d'une salle de réception, constitution d'une équipe solide pour assumer les 40 ha en bio et les 130 ha de l'ensemble du domaine, fermez le ban!... Liste non exhaustive, mais quasiment vertigineuse!... Et d'autres projets se profilent déjà, au moins aussi ambitieux!... Restez connectés!...

Cette année pourtant, Jérémie s'est fait peur, avec cette météo pour le moins capricieuse, qui laissait augurer du pire jusqu'au début juillet. "On s'est demandé certains jours si on allait avoir des raisins! Encore a-t-on été épargnés par les orages du début août, contrairement à Pissotte, où les Coirier ont perdu 25% de la récolte... Et désormais, il nous faudrait un peu de pluie, mais juste dans certains secteurs, où les pinot noir notamment pourraient souffrir avant longtemps..."

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Il lui faudra encore patienter une quinzaine de jours pour lancer les vendanges. Il faut dire qu'il est un peu comme un enfant qui vient de recevoir son nouveau jouet. En effet, le nouveau chai a été livré en juillet dernier et il tarde au vigneron d'y faire pénétrer les premiers raisins et, par la même occasion, de vérifier le bien fondé des différents choix. Pour l'instant, un premier pressoir est en cours de révision et les cuves inox pour les fermentations des rouges font face à trois cuves tronconiques de la tonnellerie bourguignonne Rousseau, comme sur une sorte d'échiquier. Mais là, pas question de mise en échec!... On y trouve également quelques double-barriques destinées aux "cuvées réserve" ou sélections particulières, ainsi qu'au jus provenant des 25 ares de négrette pré-phyloxériques, qui seront vinifiés à part dès cette année. Au même étage, mais côté sud, se trouve la salle panoramique de réception, pouvant recevoir une centaine de personnes. On appréciera au passage la très belle terrasse où le choix des matériaux, béton, verre, bois, est mis en évidence, tout comme la vue permettant même d'apercevoir, par temps clair, les silos du port de La Palice, à La Rochelle.

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A l'étage inférieur, on prend conscience de la dimension de l'outil et de sa conception audacieuse. Le cuvier des blancs, relié à la réception au-dessus par une simple trappe (et un escalier quand même), regroupe désormais tous les oeufs en béton Nomblot (on imagine les difficultés de leur transfert ici, réalisé par une entreprise spécialisée, absolument sans casse!). Comme depuis les derniers millésimes du Clos Saint André notamment, ces cuves ovoïdes sont destinées aux fermentations pour 80% des volumes environ (le reste passant en foudres bois), mais aussi à l'élevage pendant une dizaine de mois. Une technique que Jérémie Mourat maîtrise désormais et il ne s'en passerait à aucun prix, tant pour le Clos Saint André que pour les blancs du Moulin Blanc. Seules les dolias de 800 litres, proposées désormais par le même fabricant, pourraient peut-être le tenter un jour.

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Une partie de ce sous-sol est réservée à un espace voulu par le vigneron, pour l'élaboration de sa Méthode Traditionnelle, qu'il voulait réalisée sur place de A jusqu'à Z. Là aussi, un projet à part entière et une marque évolutive. La pièce en question est climatisée à 12°. Elle permettra d'entreposer les vins sur lattes, ainsi que les vins de réserve sur trois millésimes (en barriques et demi-muids) en cours d'élevage. Un premier tirage sera effectué le 19 septembre prochain. 4000 bouteilles seront entreposées là. Elles seront destinées à la cuvée 1122, pour les 70% de vins de base millésimés 2011 (élevés en oeufs béton) et les 22 mois d'élevage, avec des vins de réserve de 2010 à 2008 (élevés en barriques, sans SO2). Le tout non dosé et sans malo. On pourrait voir apparaître ensuite, sur le même modèle, des cuvées 1136, 1224, etc.. Les collectionneurs sont déjà dans leurs starting-blocks!... Un premier échantillon montre toute l'originalité et la dimension d'une telle cuvée, qui devrait bien se tenir à table. Affaire à suivre!...

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Petit tour dans le vignoble ensuite, pour apprécier le paysage dans le secteur du Moulin Blanc de Rosnay, sorte de croupe qui domine le confluent du Lay et du Yon, ainsi que la route qui mène à l'Océan. Le moulin a été entièrement rénové. Il domine désormais 14,5 ha de vignes rachetées voilà quelques années. Pour le vigneron, il a aussi valeur de symbole, celui qui reste dans les mémoires de la population locale, voire dans ses gênes, depuis qu'en 1794, quelques membres de la Division Huché, composant une sorte de Colonne Infernale, s'acharna sur la population, au point de brûler quatorze personnes en même temps que le moulin, dont tout le haut fût détruit par la même occasion, dans le but d'affamer les habitants de la contrée qui pouvaient rester. A l'heure où Jérémie Mourat s'associe avec Jérémie Huchet dans le Muscadet, il est des clins d'oeil de l'Histoire qui surprennent parfois.

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Sur cette butte ventilée (d'où la présence d'un moulin bien sur), on trouve quelques gamay destinés aux rosés, mais surtout des pinot noir qui donnent de beaux espoirs au vigneron. Le terroir, où les schistes pourpre ne sont pas rares, a toujours restitué de belles maturités. Jérémie en a gardé le souvenir depuis ses débuts au domaine, lorsque la Maison Mourat achetait des raisins par ici. Il faisait alors les contrôles de maturité avant les vendanges et collectait des données fort intéressantes. On comprend mieux son intérêt lorsque le domaine s'est trouvé accessible. Un peu plus loin, un tracteur enjambeur diffuse un nuage blanc, de ceux qui déclenchent parfois de vives réactions de la part des voisins, craignant la diffusion de quelque produit toxique. En fait, il s'agit du dernier poudrage d'argile blanche avant la cueillette, un moyen de lutter au passage contre la cicadelle. En effet, celle-ci est très attirée par le vert profond des maïs voisins, mais lorsque les feuilles deviennent dures, à la fin de l'été, l'insecte suceur, de l'ordre des hémiptères, se rabat sur les vignes alentour. La poudre blanche atténue la teinte des feuilles et dissuade donc le parasite. Ici, les pinot devraient être ramassés vers le 23 du mois, juste après les premiers blancs destinés aux bulles.

A quelques hectomètres, découverte du conservatoire de la négrette, mis en place par le Syndicat des Fiefs Vendéens. La parcelle entretenue par Fabien Murail, a été plantée en 2012 de 57 lignées de ce cépage quasi endémique (qualificatif qui risque de faire bondir les vignerons de Fronton!), repérées et prélevées un peu partout en Vendée. Selon le protocole mis en place, les premières boutures seront disponibles dans cinq ans. Il faut dire que ce cépage était très présent naguère dans les Fiefs. Ainsi, le recensement des vinifera du département effectué dans les années 50, montrait alors que plus de 40% du secteur de Mareuil était planté de négrette, que l'on appelait ici "pinot ragoûtant", alors qu'à Brem, il s'agissait plutôt de "vieux Bourgogne". D'où son assimilation à la famille des pinot, alors qu'à priori, un certain cousinage le rapproche plutôt du malbec, voire du tannat. A ce jour, on estime qu'il en reste 5%. Il faut dire qu'on a souvent montré sa faible acidité et les difficultés à la mener au terme voulu sans dégradation, impliquant un tri attentif. Si bien qu'ici, à l'heure de la mécanisation des vendanges pour nombre de domaines, les cabernet notamment l'ont souvent remplacée. A noter que des discussions sont en cours au sein du syndicat local, afin que l'AOP Fiefs Vendéens soit accessible aux cuvées 100% négrette et sans doute 100% chenin, voire, mais ce sera plus difficile, 100% pinot noir. Pour la première, ce ne serait que justice. Il en va sans doute de la dimension patrimoniale de cette originalité. Cela pourrait être le nouveau cheval de bataille des vins de Vendée, l'axe rêvé d'une communication nouvelle, surtout depuis que le syndicat a quitté l'interprofession ligérienne.

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Nous descendons ensuite dans le secteur de la Grenouillère, dont les sols sont très différentes du reste de l'appellation. En fait, au-delà du village, la petite route domine les marais. Il faut y voir, là aussi, l'ancien rivage du Golfe des Pictons, du moins, une sorte de ria, ou d'estuaire, qui s'avançait vers le nord. C'est pourquoi on trouve là des sables, des galets roulés sur un ensemble argilo-calcaire. Jérémie goûte son plaisir de me faire découvrir sa dernière trouvaille : 15 ares d'une négrette pré-phyloxérique sans doute complantée, où le marcottage fut longtemps utilisé. Certes, il y a des manquants, mais une massale franche de pied doit être possible. Un véritable trésor, comme il en existe quelques-uns dans le secteur, que le vigneron ne désespère pas de collecter.

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Pour sa part, le Clos Saint André, non loin de la cave, se porte comme un charme. Ces vignes de sept ans, plantées sur un sol où c'est plus la rhyolite qui domine, doit être encore tempérée. Cette année, la moitié des raisins est par terre!... Mais, l'espoir d'une belle récolte, après un travail d'enfer toute l'année, laisse entrevoir un beau millésime, pour le fer de lance du domaine. Les vendanges devraient s'y dérouler entre le 1er et le 4 octobre pour les premiers tris, peut-être un peu avant.

Avant même de passer à la dégustation, Jérémie Mourat évoque ses projets et ses objectifs, ceux-ci s'imbriquant souvent les uns dans les autres. Tout d'abord, Les Bêtes Curieuses, le nom donné à l'entité qui réunit désormais les deux Jérémie, Huchet et Mourat, en Muscadet, avec le but de développer l'élevage d'une série de Crus Communaux. A ce jour, ils possèdent six hectares et doivent passer à la vitesse supérieure, en construisant un nouveau chai doté de cuves souterraines.

Ensuite, faire évoluer la marque, mais surtout les vins de Marie du Fou, en donnant notamment un coup d'accélérateur pour les rouges. Le but : arriver au niveau du Clos Saint André et ainsi, valider le travail sur celui-ci et sur Moulin Blanc, pour tout le reste du domaine. Pour situer l'ampleur de la tache, le vigneron se donne dix à quinze années pour y parvenir, du fait notamment de la restructuration incontournable prévue dans les vignes, sur près de 130 ha au total. Cela passe aussi désormais, par l'utilisation des mêmes produits phytos et une reprise partielle du travail des sols dans un premier temps. Jérémie sait que l'image du domaine évolue et qu'il parait inconcevable qu'une large proportion de celui-ci reste à la remorque de la meilleure partie.

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Mais, tout n'est pas qu'action de communication. Lorsqu'on embraye vers un tel objectif, la réflexion se doit d'être multidirectionnelle. Au chai, des choix sont possibles pour ce qui est des matériaux utilisés, ou encore des doses de SO2 (Jérémie affirme que, pour le Clos Saint André 2012, l'analyse montre 48 g de soufre total, "mais on peut encore baisser"). Autre aspect, que les vignerons abordent sur la pointe des pieds : les levures. Alors, indigènes ou exogènes?... Voilà quelques temps, sa rencontre avec Antoine Pouponneau, bien connu dans le grand Sud-Est et en Corse, mais aussi acteur et associé de la société BIOcépage, basée dans la banlieue nantaise, lui a donné de nouvelles pistes de réflexion. En fait, depuis deux ans, un travail de recherche sur les levures indigènes du domaine a été effectué. Il s'agissait de les repérer sur les raisins au moment des vendanges, de les identifier fermement et d'en sélectionner un certain nombre, quatre en l'occurence, qui seront "fabriquées" sur place, au domaine, dès cette année, pour les prochaines vinifications. Parmi elles, la Bayanus, levure très rustique, trouvée dans les négrette pré-phyloxériques de la Grenouillère. Cette sélection de levures est adaptée aux cépages, voire au type de vins. Elles contribuent aussi à donner quelques clés au vigneron confronté à certaines difficultés. Ainsi, Marcel Richaud, à Rasteau, ne sachant plus que faire face à l'augmentation de l'alcool dans ses cuvées, s'est vu offrir là, le moyen d'utiliser une levure qui mange 16° de sucre au lieu de 14, d'où la possibilité de proposer des vins moins alcooleux et libérés de certains goûts propres au choix de la production de vins nature sans soufre. Jo Landron et le Château de Pibarnon font eux aussi appel à cette société (reportage à suivre ici-même prochainement). Marjorie Gallet devrait y venir également. La recherche préalable menée par ce duo chercheur-winemaker révèle également souvent que les souches indigènes et commerciales se retrouvent simultanément dans le vignoble ou dans le chai, à l'insu du vigneron, même s'il n'utilise plus depuis longtemps de levains industriels. Préserver l'identité et l'originalité du lieu, plutôt que de subir une approche empirique, c'est peut-être un des enjeux de demain, pour tous ceux qui veulent promouvoir la richesse de leur terroir et l'authenticité de leurs vins. En tout cas, une piste que suit le vigneron vendéen, qui pourrait être déterminante.

Pour finir, avant de laisser Jérémie à ses projets... de week-end, il ne restait plus qu'à croiser le verre autour des deux cuvées du Moulin Blanc 2012. Le blanc (65% chenin et 35% chardonnay) et le rouge (pinot noir, "on a enfin un terroir à pinot noir!") ouvrent des perspectives intéressantes. On devrait constater toute les qualités de ce secteur après quelques millésimes, lorsque les effets d'une viticulture conventionnelle ancienne seront atténués. Enfin, jolie bouteille que ce Clos Saint André 2012 (100% chenin), issu de deux tris seulement, au lieu de trois habituellement et d'un passage de dix mois dans le béton. Et conclure sur les bulles de la MT, citée plus haut, parfaite pour cette journée, qui permet de découvrir toutes les avancées des vignerons bâtisseurs du cru!...

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