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La Pipette aux quatre vins
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12 juillet 2015

Ludovic Bodin, huîtres naturelles au Port Chinois

Le Port du Bec, ou Port Chinois, haut-lieu touristique en Vendée, également connu pour son activité ostréicole. C'est pas le tout d'apprécier les huîtres à table ou au cours de dégustations comparatives, voire en off de divers salons des vins naturels mais, si on allait voir comment ça se passe en mer?... Parce que, faut-il le rappeler, avant d'arriver jusqu'à nos papilles, en vue de nos évaluations de gourmands perspicaces, il y a du travail!... Au grand air, certes (quelle chance ils ont, disent parfois les éditorialistes des grands médias parisiens!...), mais dans le genre maritime et la mer, certains jours, ce n'est pas vraiment les vacances!...

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C'est l'histoire d'un jeune boulanger-pâtissier de la côte nord-vendéenne, Ludovic Bodin qui, après quelques dix années de renfort estival dans une boulangerie de Beauvoir sur Mer, par exemple, découvre que l'on peut pratiquer la pêche à pied, des palourdes notamment. Pendant les trois mois de la saison, non content d'oeuvrer au fournil et de pétrir baguettes et brioches de 22 heures à 5 heures du matin, il enchaîne en faisant les marées et devient pêcheur à pied de coquillages. Il opte finalement pour cette seule activité, qu'il pratique désormais depuis neuf ans.

002Quand on est dans la grève, on s'intéresse vite à tous les mollusques et coquillages. Dans le but de diversifier son activité, Ludovic ramasse aussi quelques huîtres sauvages qui se sont captées sur les rochers, des huîtres arrivées là de façon naturelle, dans certains gisements. Du fait de la mortalité dans les parcs, au cours de ces dernières années, il a le droit de les pêcher en paquets et de les troquer auprès des ostréiculteurs en place. Au bout de quelques temps, il finit par se dire qu'il pourrait rejoindre le groupe local de ces professionnels. Bien sur, on accède pas au domaine maritime en claquant des doigts, il va donc lui falloir suivre les formations successives voulues.

Il faut aussi s'équiper d'un bateau adapté, passer le permis adequat et investir petit à petit dans le matériel indispensable : les coupelles sur tube pour le captage, puis les poches aux maillages différents (4, 9 et 14), etc... Depuis trois ans, Ludovic gère cette période incontournable, ce passage obligé. A Noël 2015, il pourra enfin produire une quantité viable d'huîtres de captage (environ 15 tonnes) les plus naturelles qu'il soit. A terme, l'objectif est d'environ une vingtaine de tonnes annuelle, alors qu'en 2014, les sept tonnes produites ont été vendues à des grossistes.

Selon les zones de production, en rapport notamment avec le prix à l'hectare des parcs à huîtres, les ostréiculteurs cherchent parfois à accélérer le processus qui, naturellement, s'étale sur environ trois ans et demi, entre le captage du naissain et la consommation. Ces modes d'élevage restent néanmoins naturels, on peut même considérer que certaines options permettent "d'enrichir" gustativement les mollusques bivalves, en les faisant passer par d'autres eaux.

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Mais, avant toute chose, un peu d'histoire... A l'origine, en France, toutes les huîtres étaient plates et ce, jusqu'en 1920, année d'une épizootie des plus sévères, qui les fit disparaître presque totalement de nos côtes. Dès 1865, un armateur de pêche du bassin d'Arcachon avait décidé d'y introduire des huîtres creuses portugaises. Il obtient l'autorisation à la fin de cette même année, mais les premiers chargements arrivent au début 1867. D'autres envois suivront jusqu'en 1871. Mais, l'un d'eux se termine mal. En provenance de Sétubal avec son chargement, le bateau - Le Morlaisien - se présente dans les passes du bassin arcachonais, mais ne peut y pénétrer du fait de la tempête. Le capitaine décide de se mettre à l'abri dans l'estuaire de la Gironde. Le voyage se prolonge (jusqu'à Bordeaux?) et la cargaison, devenue impropre à la consommation, est passée par dessus bord, non loin du Verdon. Là, quelques spécimens survivent, se développent et colonisent la rive droite de l'estuaire, pour atteindre La Rochelle en 1874. Cinq ans plus tard, toute la Charente Inférieure de l'époque est colonisée.

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Ici, à L'Epoids, commune de Bouin, les premiers ostréiculteurs venus de Marennes-Oléron se sont installés en 1948. Ils étaient alors à la recherche de nouveaux sites et ont développé la production en quelques années, entraînant quelques agriculteurs locaux, qui trouvèrent là matière à diversification. Notez que la portugaise - crassostrea angulata - a désormais disparu de nos côtes et ce depuis 1970. Elle est désormais remplacée par une souche japonaise - crassostrea gigas - variété très largement diffusée. Elle pourrait devenir la seule valide, car l'huître américaine - crassostrea virginica - semble aussi connaître quelques problèmes...

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Ciel plombé, rares trouées dans les nuages, mais température clémente. La balade en mer commence par une virée en tracteur, histoire de rejoindre la cale de mise à l'eau. Là, ça se bouscule quelque peu, vu que tous ceux qui ont prévu d'aller travailler sur leurs parcs doivent saisir le bon moment. La mer descend, il faut pouvoir passer quelques heures sur place, car dès que l'eau remonte, il faut refaire le parcours inverse. De plus, nous allons à un endroit où les tables couvertes de poches d'huîtres ne se découvrent qu'aux marées de vives eaux, avec un coefficient minimum, au-dessus de 80. Là, Ludovic dispose de vingt-cinq ares et il y a, au bas mot, sept cents poches à retourner!... Physique comme boulot, pas de doute!...

Comme tous les parcs sont couverts à notre arrivée, il faut dire que l'oeil exercé du marin est indispensable pour se faufiler entre les piquets et trouver la bonne allée. Pour ma part, ne disposant pas de cuissardes à ma pointure, je devrais attendre le bas de l'eau pour secouer quelques poches, sans remplir mes bottes. J'ai bien dit quelques, parce que pour le dos, avec ce genre d'activité, il vaut mieux que son ostéopathe préféré ne soit pas parti en vacances!...

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Très vite, du point de vue du paysage de la Baie de Bourgneuf, la magie opère. Les hectares de parcs se découvrent lentement. J'essaie de ne pas trop perturber la tâche de Ludovic, habitué à travailler seul, sachant bien que le temps lui est compté. A proximité du chaland, des tubes couverts d'huîtres sont posés sur les tables. Tout cela mérite une petite explication de texte.

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En fait, Ludovic Bodin dispose de près de cinq hectares de parcs, mais dans la région, ce sont les tables que l'on paye, alors que dans d'autres zones, comme en Normandie par exemple, le prix à l'hectare s'est envolé, d'où le besoin d'obéir à une autre logique de production et de commercialisation. Plusieurs parcelles dans le secteur, mais aussi non loin de Noirmoutier et de la Plage des Dames, avec en plus la chance de disposer de tables dans une zone de captage, du côté de La Bernerie et des Moutiers en Retz, destinée à la production de naissain.

En ces tout premiers jours de juillet, les huîtres sont en lait et commencent à délaiter. Elles libèrent une laitance composée de larves qui vont mettre vingt et un jours pour s'installer, se capter, sur un support. Les coupelles sur tubes (voir plus haut) sont les plus efficaces, en tout cas, la méthode la plus moderne. Ces dernières sont mises à l'eau au moment du 14 juillet et relevées (en principe) en mars ou avril de l'année suivante. Notez qu'il y a parfois des exceptions, puisqu'en 2014, du fait d'une production très importante de laitance, les coupelles furent relevées dès le mois d'octobre. Les conditions climatiques de la fin de l'été y furent sans doute pour quelque chose alors, qu'a contrario, 2013 ne permit qu'une production très réduite.

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Parfois, ce sont des tubes qui sont utilisés, disposés un par un ou en paquets de dix sur les tables. Lorsque les huîtres atteignent la taille voulue, les tubes sont passés en machine (seule concession à la mécanisation à ce jour chez Ludovic) afin de les décoller et les mollusques sont mis en poches aux maillages successifs de plus en plus gros (voir plus haut), pour permettre leur croissance. Notez que les producteurs de naissains destinent une partie de ceux-ci à certains ostréiculteurs d'autres régions, qui souhaitent raccourcir le cycle naturel, en élevant les huîtres une année de moins, en achetant des coquillages d'un an. Il faut savoir aussi que les producteurs de nos côtes atlantiques expédient une bonne part de leur production en Bretagne, à Paimpol par exemple, entre le douzième et le vingt-quatrième mois, afin d'accélérer la croissance des mollusques. En effet, les eaux plus froides de la Manche et une plus grande richesse en phytoplancton permettent de gagner naturellement environ six mois. Ce pourrait être le cas également au Portugal, dont les côtes sont baignées d'eaux plus froides que dans nos régions, mais malheureusement plus lointaines.

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Bien sur, il existe désormais une autre façon de procéder. Une méthode proposée voilà quelques années aux ostréiculteurs, afin de mettre sur la table des huîtres des quatre saisons. Les naissains sont produits dans des écloseries et élevés le temps voulu en nurseries. A l'origine, une huître mère, un peu comme dans une ruche. Elle est génétiquement modifiée (aspect des choses que les professionnels du secteur ont du mal à confesser) afin de délaiter des huîtres stériles. Ces dernières, les triploïdes, vont suivre le cycle normal, mais ne produiront jamais de laitance. De ce fait, elles sont disponibles toute l'année, notamment entre Fête Nationale et 15 août, période traditionnellement délaissée naguère par les amateurs, car rares sont ceux qui se délectent d'huîtres laiteuses. Et c'est ainsi que les touristes étrangers visitant la Capitale et notre beau pays, peuvent se régaler en terrasse au coeur de l'été, avec vue sur le Louvre ou le Mont Saint Michel!...

044Un autre mode de production prévoit le passage en claires, comme à Marennes, par exemple. On distingue alors des fines de claires (les branchies deviennent vertes grâce à une micro-algue filtrée par l'huître), des spéciales de claires (sélectionnées pour leur forme plus creuse, plus concave, ce qui va les rendre plus charnues) et des pousse en claires, qui comme les précédentes sont élevées dans des bassins argileux peu profonds pendant quatre mois minimum, au lieu de vingt-huit jours pour les deux premières, mais à raison de cinq individus par mètre carré. Ce sont des huîtres dites de la mer à la terre, plutôt rares, mais succulentes.

D'autres secteurs de production, comme Le Port de la Guittière, en Vendée, pratiquent une méthode voisine avec des mollusques venant de Normandie et qui suivent une préparation quasi identique aux spéciales telles que définies à Marennes. Notez que cela n'a rien à voir avec les bassins en béton dont disposent les ostréiculteurs à proximité de leur cabane, quant à eux destinés à une période de séjour tampon prévue par la législation selon les régions. En effet, les huîtres extraites des poches doivent y séjourner quelques jours avant d'être mise sur le marché, du fait de la qualité des eaux (et de la proximité d'autres productions agricoles?).

Mais, la mer remonte, il faut regagner le petit port chinois, qui ne porte jamais mieux son nom qu'à la marée basse, lorsqu'aux grandes marées, il ne reste plus que quelques centimètres d'eau sous le moteur. Nous retrouvons les encombrements du bord de mer. Juste le temps d'évoquer une goûteuse recette suggérée par le pêcheur de palourdes :

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De retour de la pêche, bien laver les palourdes et les jeter dans un faitout, afin de les faire ouvrir à sec. Lorsqu'elles sont ouvertes, on sépare les coquilles de la chair, puis on passe le jus récupéré au chinois. Mettre les palourdes dans un récipient et arrosez-les du jus de cuisson. Il faut alors les laisser mariner ainsi au réfrigérateur au minimum douze heures. On peut alors ajouter un soupçon de vin blanc et un jus de citron. Récupérer la marinade lorsqu'elle est prête en passant de nouveau le jus au chinois. Un petit peu de beurre dans le fond d'une poêle, saisir ainsi à feu assez vif les palourdes, jusqu'à ce qu'elles prennent une très très légère teinte dorée. Mouillez les d'un peu de jus, ajoutez un soupçon d'ail moulu et de la crème fraîche. Servez chaud, poivrez très légèrement, un peu de pain frais, du beurre au cristaux de sel de Noirmoutier. Ne reste plus qu'à se régaler, le tout arrosé d'un vin blanc sec naturel de votre choix. Elle n'est pas naturelle, la vie des bords de mer?...

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Commentaires
T
En effet, on ne peut déguster de bonnes huîtres sans un bon verre de vin blanc ...<br /> <br /> En bon bordelais que je suis, je vous conseille vivement les grands crus de la cave Bordeaux rive droite https://plus.google.com/+bordeauxrivedroite (où il n'y a pas que des vins de la rive droite (mais aussi St Emilion, Pomerol, Fronsac ...), de très bons produits, une sélection pointue, allez y faire un tour, à découvrir, vraiment.
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