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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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7 décembre 2017

Clos Louie, Castillon vaut bien une bataille!...

Ce n'est pas parce que je découvre Clos Louie le 2 décembre, soit deux cent douze ans, jour pour jour, après la bataille d'Austerlitz et que je vis dans une ville créée par Napoléon, qu'il faut voir le moindre relent boutefeu dans ce titre. D'autant que Castillon la Bataille évoque plutôt l'évènement qui mit fin à la guerre de Cent Ans, le 17 juillet 1453, au cours de laquelle les troupes françaises boutèrent les Anglais hors d'Aquitaine et de France!... Palsambleu!... D'ailleurs, la commune prit ce nom définitif en 1953, à l'occasion du 500è anniversaire du célèbre combat, dans le but surtout de la distinguer des autres Castillon. Ici, pas moins de deux cent trente vignerons représentent l'appellation et certains, comme Pascal et Sophie Lucin-Douteau, portent haut l'étendard castillonnais, alors même que seulement un coteau et un chemin de terre les séparent de St Émilion, notamment des châteaux La Fleur Cardinale et Valandraud, ce dernier cher à Jean-Luc Thunevin. Quelques francs-tireurs donc, qui tirent Castillon vers le haut, au point sans doute, que certains voisins sentent bien désormais, qu'il se passe quelque chose dans ces coteaux de St Genès de Castillon...

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Avec ses trois hectares, Clos Louie a tout pour être un de ces micro-domaines dont la production s'arrache sur tous les marchés, à coup d'allocations qu'il ne faut pas lâcher, au risque de les perdre. Sans doute n'était-ce pas le cas lors de sa création en 2004, mais moins de quinze ans plus tard, amateurs et professionnels de toutes origines savent désormais que ce domaine saint-genésien et castillonnais relève de la pépite rare (8 à 9000 bouteilles/an), que l'on met à table pour s'étonner, voire pour démontrer que certains crus méritent qu'on oublie parfois des appellations supposées plus prestigieuses. "Ce qu'on veut, c'est que le vin ait quelque chose dans les tripes et qu'il ait la gueule du lieu!..." Pascal Lucin ne se pose pas en donneur de leçons, d'autant qu'il reste ouvert, millésime après millésime, parce que pour lui et son épouse, on ne fait de progrès qu'en se remettant en question et en évitant de se donner des certitudes. "Il ne faut pas figer les choses, sinon on s'emmerde!..." Une approche très différente de celles d'autres domaines, dont certains assez prestigieux de St Émilion, par exemple, qu'il connaît très bien pour les pratiquer au quotidien.

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Trois hectares donc, sur deux secteurs très différents qui, au final, permettent de proposer deux cuvées bien distinctes. Les premières parcelles (85 ares au total) - le Clos Louie - sont situées sur la commune de St Philippe d'Aiguilhe, sur un plateau très légèrement déclinant, avec peu de sol (roche mère calcaire à un mètre), argilo-calcaire doté de résidus ferrugineux rouges, que l'on peut sans doute assimiler à la crasse de fer de Pomerol. C'est là qu'au début des années 2000, Pascal Lucin hérite d'une parcelle de 45 ares de vieilles vignes plantées par son grand-père, lui-même vigneron, avant de confier sa vendange à la cave coopérative, ce que fera également sa mère pendant quelques années. Ici, certains ceps témoignent de la tradition viticole. Les plus vieux pieds sont préphylloxériques, ce qui est plutôt rare dans la région de Castillon et la vigne est complantée de cabernet franc, cabernet sauvignon, merlot, malbec et carmenère, tous cépages ramassés et vinifiés simultanément, après un tri soigneux. Une sélection massale attentive (sur porte-greffe rupestris du Lot), pratiquée notamment par Lilian Bérillon a permis de remplacer les plants morts, mais aussi de compléter la parcelle voisine, plantée en 1985 par l'aieul, où l'on retrouve environ 50% de merlot et 50% de malbec. Le sol de ces vignes fut naguère travaillé par un boeuf, méthode choisie par le grand-père du vigneron. Ce dernier avait pour sa part opté pour le cheval dans un premier temps, mais a préféré revenir ensuite à un tracteur léger.

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Les deux autres hectares (dédiés à la cuvée Louison et Léopoldine) sont situés à proximité de la maison achetée en 2012 et rénovée au fil du temps. L'ancien propriétaire voulait se séparer de certaines de ses parcelles (au total 35 ha), ce qui a permis au couple de composer un îlot intéressant, bien exposé, sur des argiles blanches et un sous-sol calcaire, jusqu'au plateau voisin. Néanmoins, comme on peut le constater pour toute la production du domaine, rien n'est figé, sans que l'on puisse supposer des remises en question épidermiques. Les décisions sont pesées et tout est fait pour que les éventuels changements interviennent au moment voulu. Ainsi, tout près, une vigne de cabernet sauvignon plantée transversalement sera prochainement arrachée, afin que l'ensemble soit plus harmonieux, mais une haie bocagère sera également implantée, ceci permettant à terme de séparer le "clos" des vignes voisines en conventionnel. Ceci a déclenché dans un même temps une réflexion quant à l'identité des cépages à y introduire. Il est probable que la proportion de malbec augmente et que ce nouvel espace lui soit dédié. A terme, quelques arpents de cépages blancs pourraient venir compléter l'ensemble, mais ceci est une autre histoire...

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Dès la création du domaine, le vigneron de St Genès a opté pour la biodynamie, pour toute la subtilité qu'elle apporte et la nécessité qu'elle impose de se mettre à l'écoute des vignes et de l'environnement. Le vignoble est naturellement enherbé, la herse étant passée un rang sur deux, selon les parcelles. La taille est assez courte (taille bordelaise parfois ou taille Guyot-Poussard, celle qui préserve les flux de sève, ce qui permet de lutter, dit-on, contre des maladies telles que l'esca), avec l'objectif d'obtenir une bonne répartition de la charge de raisins. Comme pour tous les choix que la viticulture et la production de vins de qualité imposent, il semble que le maître mot du domaine soit adaptation. La vérité d'un millésime n'est jamais celle du suivant. De plus en plus, Pascal Lucin aime à donner sa pleine chance au vin : les élevages évoluent, tant par leur durée que par les contenants utilisés.

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La vendange en graines entières mélangées est bichonnée. Tri à la vigne, puis sur table, cuvaison (inox) de trente jours environ, pigeage au pied, puis écoulage en fûts (de 600 à 225 litres) pour Clos Louie en 2016. Aucune pompe n'est utilisée. Encore faut-il ajouter que les interventions sont réduites au strict nécessaire et que le feeling reste la méthode privilégiée. S'il fut un des premiers à utiliser les barriques Stockinger, le vigneron saint-genésien est désormais passé à autre chose, tout d'abord en adoptant la production d'un tonnelier italien, Mastro Bottaio, qui utilise les mêmes bois que le fabriquant autrichien, mais surtout en passant à des contenants de 600 litres, voire en utilisant la cuve, quand les circonstances l'imposent. Cependant, toujours à l'écoute, suite à la découverte, lors de dégustations impromptues chez quelques confrères, d'autres barriques et d'autres types d'élevages, comme celles d'Atelier Centre France, tonnelier ligérien cette fois, Pascal Lucin ne repousse pas l'idée d'élargir son choix de barriques, en privilégiant l'idée que le "boisé" n'est pas une fin en soi. Il n'est pas impossible d'ailleurs, que quelques jarres fassent leur apparition à moyen terme dans le chai, sans pour cela céder à quelque mode que ce soit, mais parce que le jeu en vaut peut-être bien la chandelle, terroir oblige.

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Ce ne sera pas le cas en 2017, puisque l'année est connue pour les difficultés engendrées par le gel printanier dévastateur. Après le sinistre coup de froid, les trois hectares étaient quasiment gelés à 100%, mais grâce aux repousses rapides, un rendement de 10 hl/ha environ s'est avéré possible, lors de vendanges effectuées début octobre. Ce sera donc l'occasion de proposer une sorte de "passetoutgrain" élevé uniquement en cuve. Une filtration assez légère lui permettra sans doute de conserver ce "côté sympa façon Beaujolais", selon les propres mots du vigneron, qui voit là une occasion de positiver dans l'adversité climatique.

24131486_10214754680118586_2592841087732700177_nLors de la dégustation des vins, tant pour Clos Louie que Louison et Léopoldine, on devine très vite qu'il serait absolument passionnant de se lancer dans une verticale et de découvrir l'un après l'autre, les millésimes auxquels le vigneron a donné tout le loisir de s'exprimer. C'est une sensation rare pour tout amateur et sans doute pour les professionnels, que l'on rencontre, par exemple, lorsqu'on déguste une série de vins du Domaine de Trévallon, cher à Eloi Düurbach. De plus ici, on note vite que, de par sa qualité, l'expression aromatique est diverse et complexe. On aborde 2016 et même 2013 (ou 2015 pour Louison et Léoplodine) sur une sensation de fruit mûr, puis viennent des notes de feuillage froissé, relevées de fines impressions de sous-bois et de terre humide, de délicates nuances épicées émergeant ensuite. Il n'est pas rare, selon Pascal Lucin, que des arômes de truffe apparaissent très tôt, ainsi que cette sensation crayeuse, qui active toute la salinité de la fin de bouche, un soupçon de cerises kirchées venant titiller nos papilles, lors de la rétro-olfaction, comme s'il s'agissait d'agrémenter la minéralité du vin. Notez que Louison et Léopoldine 2016 a été élevée uniquement en cuve inox, ce qui sera l'occasion sans doute de découvrir au final, toute la qualité de ce vin pur fruit, issu de 80% de cabernet franc et de 20% de merlot.

Treize ans, c'est finalement assez peu pour acquérir des certitudes. Cela tombe bien, parce que Pascal et Sophie Lucin-Douteau ne se nourrissent pas des notes supposées confortantes de Parker (ou d'autres) et d'éventuels commentaires dithyrambiques, pouvant avoir un effet anesthésiant pour certains, si l'on y prend garde. Un peu par surprise, les premières bouteilles du Clos Louie obtinrent une très belle note de la part d'un journaliste français bien connu, qui exprima dans un hebdomadaire tout le bien de ce qu'il pensait du cru. Cette notation fut vite confirmée par Robert Parker lui-même puis, plus tard, par Jancis Robinson, qui semble bien apprécier le Clos. Mais là aussi, avec quelques années d'expérience, le couple a pris quelques distances avec ces considérations chiffrées qui flattent l'égo, mais finissent sans doute par enfermer dans une gangue ceux qui se laissent bercer par des avis trop emphatiques.

Clos Louie conserve donc une dimension familiale et en tout point artisanale. En découvrant ces vins, on entre presque dans l'intimité d'un domaine où le hasard n'a pas sa place - si ce n'est pour les conditions climatiques propres à chaque millésime - et où tout est mis en oeuvre pour atteindre la quintessence des fruits de la vigne et d'un cru. Une notion de cru qui finalement, pourrait convenir dans bien des cas à Bordeaux, pour peu qu'on retrouve ce besoin de produire des vins qui "ont la gueule du lieu"!... En attendant, un détour par St Geniès de Castillon s'impose.

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Commentaires
N
Merci à vous de retracer l'histoire de ce domaine, le Clos Louie est un des grands noms du vin et ceci non pas sans raison. Effectivement personne n'a pu échapper à l'année 2017 qui ne s'est pas avérée tendre avec nos vignes.
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