L'été venu, il fait bon écouter les cigales et marcher dans l'argile des vignes languedociennes. Ciel bleu, chaleur, l'été du Sud, quoi!... Pourtant, à Argelliers (prononcez Argellierses), nous sommes dans un endroit assez particulier, du point de vue climatique. Un petit flash-back vers un article paru ici en 2014, ou une consultation des pages 200 et 201 de Tronches de vin n°2 vous permettra de reprendre contact avec cette terre aride et difficile, où naguère on ne trouvait que moutons et charbon de bois. Mais Frédéric Porro, le beau-frère de notre hôte du jour, a démontré, avec sa compagne Stéphanie Ponson que, lorsque les difficultés liées à la météo locale étaient moins cruelles, il est possible de produire sur ces terres, des vins très identitaires du Languedoc, mais bourguignons dans l'esprit. Bienvenue au Champ des Barbiers qui, selon la légende, permettait jadis aux coiffeurs et barbiers du village de venir prélever ici les fleurs qui leur étaient utiles!...
A l'instar de son beau-frère, Stéphane Gros est d'une nature discrète et humble. Si ce n'était les compétences d'Alexandre Pons, ès-qualité de dénicheur de nectars, voici un domaine qui passerait inaperçu. D'ailleurs, le vigneron est presque surpris qu'on s'interresse à lui!... Ses vrais débuts remontent à 2007, sous l'impulsion de Frédéric Porro. Avant, son père était coopérateur et vendait sa vendange en l'état. Au moment de prendre sa retraite, ce dernier cache mal son amertume, à voir toutes ces vignes arrachées. C'est ainsi que le fils décide de se lancer dans l'aventure.
Il faut dire que la propriété possède quelques belles parcelles de vigne et qu'après une restructuration attentive, elle compte aujourd'hui pas moins de onze hectares, y compris les derniers plantiers de l'année. On dénombre notamment 60 ares de chardonnay, 40 de viognier, 80 de sauvignon et 40 de vermentino, plus 50 ares de sauvignon, 50 de grenache blanc et 60 de vermentino plantés en 2018, pour les blancs. Du côté des rouges, 1,5 ha de syrah, 70 ares de vieux cinsault, 40 de grenache et 40 de cinsault plantés cette année, mais aussi, 1,16 ha de grenache, 1 ha de cabernet, 35 ares de tempranillo et 50 ares de mourvèdre que l'on découvre en s'engageant dans un chemin de randonnée, permettant d'accéder à la parcelle dite de Fondelette, surnommée le Petit Nice par les habitants du cru, puisqu'elle n'est jamais touchée par le gel, chose rare dans cette région!...
D'ailleurs, Stéphane Gros nous emmène ensuite à la sortie du village, sur la route de La Boissière, où il possède une parcelle de 70 ares d'un vieux carignan planté en 1970 (ainsi que 30 ares d'ugni blanc) particulièrement ravagée par la gelée du printemps 2017. Au point qu'il envisage de l'arracher purement et simplement, au vu des contingences climatiques touchant encore plus fortement cette coulée, parfois parcourue d'un vent glacial de nord.
Il faut dire que ce terroir, argilo-calcaire tendance calcaire, usant pour les outils, dont on pourrait louer les qualités, du fait notamment de ces grandes amplitudes thermiques, y compris estivales (il faisait 7° le matin du 23 juin dernier!), est une source d'inquiétude pour les vignerons, au point qu'il est nécessaire, certaines années, de trouver des ressources insoupçonnées pour faire face au découragement. Malgré la faible distance, il n'est pas rare de constater, au petit matin, deux à trois degrés de différence avec le village situé sur la crête proche. Ainsi, en 2017, le vigneron a perdu là 90% de ses blancs et au moins 50% des rouges!... Au chapitre des difficultés diverses, il faut ajouter que le village est situé en "zone noire" pour les sangliers, qui ne manquent pas de prélever la vendange, lorsqu'elle est à leur goût!... Au point que dès cette année, la plupart des parcelles seront clôturées, afin d'éviter toute intrusion de ces mammifères quelque peu envahissants.
L'ensemble est travaillé en agriculture biologique depuis des années, la plupart des parcelles étant plantées à la densité de 5000 pieds/hectare. Les cuvées sont proposées en IGP Pays d'Hérault plutôt qu'en Pays d'Oc, qui n'accepte pas le tempranillo, mais il n'est pas impossible que ces vins rejoignent avant longtemps l'AOC Terrasses du Larzac, très en verve en ce moment. Le plus souvent, il s'agit d'assemblages, sauf pour le tempranillo et le mourvèdre l'an dernier.
Côté dégustation, la mise en bouche se fait grâce au blanc Les Nigelles Rescapé 2017!... Une cuvée rarissime, mais qui rappelle que quelques raisins sont là pour évoquer les difficultés de ce métier. Le vigneron, navré de ne disposer que de quelques grappes, a finalement ramassé tous les blancs ensemble et les a pressés dans une sorte de "passetoutgrain" fort agréable, à la jolie finale saline, particulièrement sapide. Pas plus de six hectolitres au final, alors qu'une année normale permet d'en produire quatre vingt au minimum!...
A suivre, Les Nigelles 2016, avec une base de 60% de sauvignon, 20% de chardonnay et 20% de viognier, mais sans exubérance aromatique, un joli équilibre et une belle fraîcheur. Notez qu'ici, les vins sont non filtrés, non collés et sans intrants divers et variés.
Au chapitre des rosés, signalons Les Beaux Jours 2017, 50% grenache et 50% cinsault, dans un style rosé de pressurage, mais sans que ce soit la règle tous les ans, puisque le millier de bouteilles n'est pas forcément proposé chaque année. Un vin de l'été, comme le suggère son nom.
A signaler également, L'Esprit Libre 2016, catégorie rouge léger que l'on peut volontiers rafraîchir : 50% grenache, 30% cinsault, 10% mourvèdre et 10% syrah, là encore un assemblage qui s'adapte à chaque millésime et qui se destine notamment aux bars à vins. Bien sur, on ne peut ignorer Solitaire 2016, le 100% mourvèdre (du Petit Nice!), issu d'une vinification traditionnelle (c'est le cas pour tous les rouges), avec un pigeage doux une fois par jour (sauf une syrah qui bénéficie d'un remontage ou d'un délestage si nécessaire) et une macération d'environ trente jours.
Une jolie découverte estivale, mais au mois d'août, ne vous précipitez pas, car c'est pour Stéphane Gros le temps des vacances, qu'il passe en famille en Espagne, au sud de Valence où, entre beaux-frères, ils ont planté des agrumes de toutes sortes!... On se demande d'ailleurs, si le Petit Nice ne pourrait pas devenir un jour le Petit Menton!... Affaire à suivre!...
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:Le blanc Nigelles 2015 contient'il des sulfites ?