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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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14 décembre 2019

Le passé inspire-t-il notre présent, notre futur?... Vous avez quatre heures, quatre vins, quatre vents!...

"Les collines, sous l'avion, creusaient déjà leur sillage d'ombre dans l'or du soir. Les plaines devenaient lumineuses mais d'une inusable lumière : dans ce pays elles n'en finissent pas de rendre leur or de même qu'après l'hiver, elles n'en finissent pas de rendre leur neige." Ce sont les premiers mots, les premières phrases de Vol de nuit, d'Antoine Saint-Exupéry. Là, le biplan de l'Aéropostale ramenait le courrier de Patagonie vers Buenos Aires. Ajoutez le bruit du moteur, les vapeurs de carburant et d'huile et vous mettez les pieds dans une époque certes révolue, mais faisant un peu partie de notre monde actuel, pour ces rares aventuriers prêts à se projeter dans un avenir qui se veut meilleur. L'odeur du cuir de la cagoule du pilote, le poids des écouteurs que l'on repousse parfois sur la nuque, d'un geste mécanique, les paupières lourdes cherchant des étoiles sur l'horizon, bientôt la piste bordée de brûlots en permettant l'approche, à la tombée de la nuit... Le courrier ne mettra que quelques jours à franchir des milliers de kilomètres, alors qu'avant, il mettait des semaines.

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Source : www.argentina-excepcion.com 

Ces hommes avaient le sens de la vie. Ils marchaient à grands pas, volaient dans les nuages, lorsque certains trottaient menu sur les parquets grinçants et les tapis persans des salons d'une époque pariant déjà sur la finance (parfois la trahison d'une certaine éducation se glissait dans les mots et les phrases), ne rêvant que d'alliances mondaines souvent éphémères, quelques fois dangereuses, refusant de croire aux risques de relations internationales incertaines, fussent-elles d'un bon rapport. Nous sommes alors au tout début des années trente, l'horizon ne se pare pas encore de gris. Depuis quelques jours, les entrepôts de L'Aéropostale, du côté de Toulouse-Montaudran, reçoivent quelques victuailles et autres marchandises, avec notamment nombre de caisses de grands Bordeaux (sans doute aussi des Bourgogne) et de Champagne. Avant les fêtes de fin d'année, le courrier laissera un peu de place dans les carlingues à ces bouteilles, ainsi qu'aux toilettes proposées par le chic parisien. Les robes charleston remontent jusqu'au genou cette année, savez-vous?... En effet, certains chefs d'escales en réclament pour eux-mêmes et leurs épouses, à réception des invitations au bal du gouverneur local ou à la cérémonie des voeux de telle ou telle ambassade de France outre-Atlantique.

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La lecture de ces romans et de ces biographies se devait de me permettre de rêver. C'est un peu comme ça qu'est née La Vinopostale, cave alternative au coeur d'une petite préfecture de province. Trop petite sans doute, réclamant toujours plus de vigilance quant à son fonctionnement et son bon équilibre, freinant les ardeurs et l'enthousiasme indispensable à son développement. Pourtant, j'aurais aimé rester à la tête de cette escale sur la route de multiples découvertes, parce que c'est un plaisir intense de proposer aux amateurs, ce sauvignon espagnol vinifié en cuves ancestrales de granite, ce nectar turque apte aux alliances réveillonnesques, ce chenin (fandechenin!) du Swartland ou ces cuvées crétoises à nulles autres pareilles. Un plaisir aussi de contenter le chaland qui passe, heureux de sa trouvaille et qui va tout faire pour préserver son flacon, voire le cacher dans quelque réduit, jusqu'à cette soirée de la fin décembre, au cours de laquelle chacun veut être étonné, plus encore que les autres jours.

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Suis-je pour autant un passéiste ou un nostalgique invétéré?... Je m'en défends en tant qu'amateur, parce que ceux-ci sont toujours tournés vers le millésime à venir, toujours en attente d'un nectar, fruit d'une production novatrice voire... aventureuse, parfois. Certains de mes clients, des amateurs pointus, m'ont quelque peu flatté, en disant que ce concept avait dix ans d'avance!... Alors, si c'est vrai, je rejoins peut-être ceux qui sont à l'origine de l'Aéropostale, dont la règle était de "toujours aller voir". Un fil rouge que je fais mien, volontiers, lorsqu'il s'agit de découvrir le vignoble de Majorque ou des Îles grecques!... Le 1er mars 1931, la célèbre compagnie, lâchée par les politiciens de l'époque, sera mise en liquidation. En 1933, le gouvernement d'alors impose le regroupement des compagnies aériennes françaises sous le nom de Air France. L'aventure a continué!... Jusqu'en 2000, cette compagnie restera propriétaire, avec La Poste, de la SEA Aéropostale. Mais, pas sur que des caisses de grands crus ou des toilettes à la mode venaient alors encombrer les soutes de ces cargos modernes!...

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Fermons les yeux un instant... Il fait chaud à Cap Juby. L'avion en provenance de Casablanca vient d'atterrir. Celui à destination de Dakar, avec quelques autres escales programmées, est prêt à décoller. Le moteur tourne. Les employés de l'aéroplace passent les sacs en toile de jute de la Poste de l'un à l'autre. "Mais, n'oubliez pas d'arrimer comme il faut les malles et les caisses de vin!..." Haut-Brion 25, Latour 24, Richebourg 26... "Ils ne vont pas s'ennuyer à l'ambassade!..." sourit St-Ex', qui vient de prendre possession de bouteilles de Champagne qu'il aura du mal à rafraîchir!... Le temps n'est-il pas comme ces routes qui se croisent?... Avec leur infime et éphémère point commun, quelque part sur la Terre. A un siècle de distance ou presque, nos occupations réciproques ne sont pas si éloignées que cela, pour peu qu'on préserve une part de rêve à nos existences...

"Et le pilote Fabien, qui ramenait de l'extrême Sud, vers Buenos Aires, le courrier de Patagonie, reconnaissait l'approche du soir aux mêmes signes que les eaux d'un port : à ce calme, à ces rides légères qu'à peine dessinaient de tranquilles nuages. Il entrait dans une rade immense et bienheureuse."

"Il eût pu croire aussi, dans ce calme, faire une lente promenade, presque comme un berger. Les bergers de Patagonie vont, sans se presser, d'un troupeau à l'autre : il allait d'une ville à l'autre, il était le berger des petites villes. Toutes les deux heures, il en rencontrait qui venaient boire au bord des fleuves ou qui broutaient leur plaine."

"Quelquefois, après cent kilomètres de steppes plus inhabitées que la mer, il croisait une ferme perdue, et qui semblait emporter en arrière, dans une houle de prairies, sa charge de vies humaines, alors il saluait des ailes ce navire." Vol de Nuit, encore.

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