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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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26 octobre 2021

Sicile baroque, au pays des terres et des pierres blanches

Après avoir tourné l'Etna par l'ouest, je rejoins une autre Sicile, entre Raguse et Syracuse. Cette région fut en grande partie détruite par un séisme, dit du Val di Noto (suivi d'un tsunami!), en janvier 1693. Toute la pointe sud-est de l'île est située sur un plateau calcaire, dit plateau hybléen, duquel émergent parfois des collines plus ou moins importantes, constituant un potentiel vignoble, que quelques vignerons tentent d'exploiter, au milieu d'une terre agricole, où les légumes, les agrumes, les amandiers, les caroubiers et les oliviers se disputent les surfaces disponibles. En fait, c'est la plaque africaine qui pousse vers le nord, ce qui en fait une zone sismique notoire. De plus, la pointe sud-est, le Capo Passaro, est située à la latitude de Tunis!... Pas étonnant, finalement, qu'il fasse quelques degrés de plus, bien appréciables, que sur le versant nord de l'Etna!...

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Une bonne heure de route m'attend pour rejoindre la région de Vittoria (non compris les bouchons pour travaux sur l'autoroute!), où je dois rencontrer Arianna Occhipinti, devenue une des stars de la Sicile. Ce détour par le versant occidental du volcan me permet de passer notamment par Bronte. Une ville souvent négligée par les guides touristiques, mais connue pour sa spécialité principale, les pistaches. Ici, tout le monde vous le dira : il n'y a de pistaches que de Bronte!... Même si la provenance de celles dont nous disposons le plus souvent pourrait vous surprendre. Ici, tout se fait à la main!... Et notamment la cueillette acrobatique sur les arbustes (arbres?) accrochés aux rochers, parfois sur des pentes abruptes. Le degré d'exigence impose de ne pas ramasser celles qui tombent à terre. Bien sûr, la présence d'une main d'oeuvre très qualifiée, notamment pour la taille, s'impose, ce qui a un coût... Mais, l'exception a un prix!...

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Plus au sud donc, me voici dans l'appellation Cerasuolo di Vittoria. Cette DOC créée en 1973, est passée au statut de DOCG en 2005. Quelques domaines bien connus proposent de jolies bouteilles, comme Cos, Manenti, Pianogrillo ou Lamoresca, pour ne citer que ceux-là. Avec bien sûr, l'Azienda Agricola Arianna Occhipinti. Ici, ce sont les cépages nero d'avola et frappato qui, en rouge, sont associés le plus souvent dans des proportions voisines. Le blanc est issu, quant à lui, de moscato di Alessandria et albanelo, mais attention! une nouvelle cuvée, du seul cépage grillo et venant d'un territoire en altitude (500 m), sera disponible en 2022!... Nombreux sont ceux qui ventent, de par le monde, ses talents de vigneronne depuis quelques années, mais elle vient de rappeler, au passage, que le millésime 2021 est le dix-huitième qu'elle vinifie!... Comme le temps passe!...

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En partageant, avec elle-même et toute son équipe, un plat de pâtes et quelques jolis flacons, on comprend que sa préoccupation est de diversifier quelque peu la production du domaine, notamment en développant un potager déjà conséquent, afin de tendre vers une polyculture agricole, y compris la production de céréales. A la question de savoir si elle trouve toujours, malgré ces années, les ressources face à l'exigence imposée dans le cadre d'un tel domaine, elle répond simplement : "Chaque vendange et chaque nouveau millésime est un renouveau, une renaissance!..." Elle ne manque certainement pas de projets, comme celui de la présentation d'une nouvelle cuvée, par exemple, mais précise avec humour qu'elle aspire, pour le moment, à prendre des vacances, en novembre peut-être, afin de franchir la Méditerranée et découvrir enfin ses racines au Maroc. Une notoriété, que l'on peut qualifier de mondiale désormais, n'empêche pas l'espoir et l'envie de satisfaire ces ressentis, qui vous font avancer plus loin. Même si Arianna ne manque pas d'apprécier tout ce qu'elle a pu construire avec le temps et, notamment, ce superbe domaine au coeur de sa région de Pedalino et de la Fossa di Lupo.

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Voilà quelques semaines, je n'imaginais pas mettre le cap sur l'extrême sud-est de la Sicile, afin de partir à la rencontre d'autres vignerons et à la découverte d'autres contrées vinicoles, quelque part entre Raguse et Syracuse. Après tout, vous connaissiez vous-même cette appellation Eloro, apparue en 1994?... Elle englobe tout ou partie des territoires communaux de Noto, Pachino, Portopalo di Capo Passero et Rosolini, dans la province de Syracuse, ainsi que la commune d'Ispica pour celle de Raguse. Il y fait une température des plus agréables, mais rappelons que nous sommes là, à la latitude de Tunis, voire en dessous!... L'agriculture en plein champ ou sous serre est principalement dédiée à la tomate de Pachino (IGP), mais aussi à divers fruits et légumes. C'est une option et une découverte que je dois largement à l'ami Guy, qui passe plusieurs mois par an à Syracuse. En sa qualité de grand amateur de vin et de dégustation, je ne pouvais réagir défavorablement à ses suggestions : "Tu ne vas quand même pas te limiter aux vignerons les plus connus?! Il y en a par ici qui méritent le détour!..." Dont acte.

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Une confortable chambre d'hôte dans un domaine viticole!... Pas mieux pour découvrir la région d'Ispica. Il s'agit là d'une petite ville (15000 habitants environ) revendiquant un style baroque, comme la plupart des autres cités de la contrée. En effet, en janvier 1693, un tremblement de terre détruisit la plupart des villes et villages du sud-est sicilien, faisant de très nombreuses victimes. La reconstruction s'appuya sur le style de l'époque, notamment aussi du fait de la domination espagnole en vigueur ici, à la fin du XVIIè et au début du XVIIIè siècle. En compagnie de Massimo Padova, du Domaine Riofavara, je vais entrevoir ce que la région offre comme particularités pour la production de vins de qualité. Nous avons changé de paysage. La mer est à moins de dix kilomètres et on trouve là des sols argileux, avec une forte présence de calcaire, sous forme de galets de tailles diverses. On y remarque des zones plates, partagées entre les légumes et des parcelles de nero d'avola, cépage vedette de la région. Mais, voilà quelques années, Massimo a acheté des terres sur une sorte de colline conique dominant tout le secteur. Elle s'appelle Miucia. Les plantations se succèdent, avec toutes les orientations que propose ce cône presque parfait. Du nero d'avola donc au sommet, mais aussi sur les faces est, sud et ouest, du moscato bianco au nord et à l'est (destiné au Moscato di Noto, autre appellation locale), un peu de grillo au nord-ouest, entrant dans la méthode traditionnelle et enfin, à l'est et au nord, ce que le vigneron appelle les "reliquia", à savoir cutrera, recunu et rucignola, des cépages blancs antiques, dont il a retrouvé des bois et qu'il destine à sa cuvée Nsajàr, qui lui donne beaucoup d'espoirs, dans une démarche s'orientant vers les variétés anciennes. Epatante découverte!...

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A peine quinze minutes de petites routes distribuant des terres agricoles diverses me permettent d'atteindre une autre zone viticole. Ici, le secteur s'appelle Contrada Buonivini!... Y'a pas de hasard!... Dans la journée, je vais avoir l'occasion de découvrir deux options très différentes de la production vinicole locale. Elles permettent de rappeler que l'échelle des producteurs est large, mais que de tels exemples existent dans presque tous les pays : d'un côté un vigneron artisan passionné de vins naturels et de l'autre un domaine affichant de gros moyens financiers, mais non dénué de l'envie de bien faire, surtout quand tout le monde, propriétaires et acteurs sur place, a perçu le potentiel et l'énergie que le terroir propose.

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Ici, on vous explique que vous êtes sur un territoire quasiment maritime, puisque la mer est à moins de sept kilomètres. La mer, que dis-je?... Les mers, puisque vers l'est, il s'agit de la Mer Ionienne et vers le sud, la Mer Méditerranée, avec Malte à guère plus de cent kilomètres!... Avec Guy et sa compagne, nous avons rendez-vous chez Salvatore "Turi" Marino, au coeur de son petit vignoble de cinq hectares, largement planté de néro d'avola. Mais, il nous propose aussi un brunch composé de spécialités siciliennes, préparées par son épouse Stefania, licenciée en histoire de l'art, qui a également conçu les très belles étiquettes des cuvées disponibles. Turi (c'est le diminutif sicilien de Salvatore) propose des vins naturels depuis 2017, sur la base d'une vigne appartenant à la famille de sa femme, mais pratique aussi une forme de polyculture (céréales, arbres fruitiers), à laquelle il est très attaché. Si son grand-père était tonnelier, fabricant de foudres grands volumes plus exactement, il est aussi connu pour son activité d'oenologue conseil, comme ce fut le cas notamment pour son imposant voisin à ses débuts, Marabino.

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Avant de quitter la Cave Ox, à Solicchiata, j'ai eu droit à une ultime suggestion de Sandro Dibella. "Puisque tu vas du côté de Noto, passe voir Marabino!..." Ce n'était pas sur le ton de "Dis, t'as vu Monte Carlo?..." mais, j'aurais pu croire un instant à une plaisanterie, vu que ce nom m'était absolument inconnu. Je dois bien admettre, cependant, que la connaissance de ces domaines et de ces noms du sud-est de la Sicile relève d'une culture très affinée de la production sicilienne, que seuls quelques distributeurs locaux, voire importateurs pour le moins avisés possèdent. Ici, nous entrons dans une autre sphère...

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Le domaine a été créé en 2002, sur une colline sablonneuse très calcaire, comme en attestent ses sols. Là encore, une situation permettant d'exploiter les différentes expositions, l'influence de la mer, qu'on aperçoit à l'horizon (sud et est), en plus d'une agriculture biologique, tendance biodynamie. De gros moyens financiers (il se murmure qu'ils viennent du pétrole...) ont permis de générer un ensemble impressionant, dans un superbe environnement. Il faut franchir un portail imposant, suivre une allée rectiligne bordée d'oliviers et de mûrs de pierres blanches (contraste saisissant avec les mûrs noirs de l'Etna) et pénétrer dans des locaux flambant neufs, que l'on a voulus dans le style local. La cour d'accueil est dans des proportions parfaites. Pavée, on y dépose pendant quelques jours, les grappes de raisins destinées au moscato passerillé et séché au soleil. Si ce n'est la teinte lie de vin des mûrs, on se croirait dans une très belle propriété du Médoc!...

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C'est Pierpaolo Messina qui me permet de découvrir l'ensemble : une trentaine d'hectares, des sols calcaires aux couleurs nuancées, selon la proportion d'argile et, pour l'essentiel, du néro d'avola, un peu de chardonnay et de moscato bianco, du moscato di Noto et des oliviers de la variété Moresca. Un des objectifs principaux est de proposé des parcellaires nuancés eux aussi par les expositions. Avec pas moins d'une dizaine de rouges proposés lors de la dégustation, le tour d'horizon se révèle passionnant. Il semble que le cépage vedette de la région, le nero d'avola, soit des plus aptes à restituer le terroir. Si vous avez la Sicile à votre programme, voilà une option qu'il ne faut pas négliger!...

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Fin du séjour en Sicile!... Au travail, maintenant. Mais, on peut être certain que le potentiel de cette île n'est pas encore révélé. Avec le constat que plusieurs visites sont désormais nécessaires pour découvrir toute l'ampleur et la variété de cette production. Sans oublier les îles, de Pantelleria aux Eoliennes notamment. A suivre!...

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