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La Pipette aux quatre vins
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14 octobre 2012

De retour d'Ardèche le retour!... (1)

L'Ardèche, ça vous gagne!... Je sais, ça ne rime pas. Que dire alors?... L'Ardèche, ça vous... grèche!... Mais, jamais ça ne vous sèche! Une huitaine d'amateurs passionnés dans un minibus pour presque quatre jours avec Vigne'Horizons, c'était un joli challenge gagné d'avance. Météo douce et du genre à vous laisser dehors du matin au soir, tard et du soir au matin, tôt. Avec en plus, l'accueil de Claire et Jean-Claude, à La Tour Cassée, à Valvignères, haut-lieu vinotouristique ardèchois, nous servant de camp de base pendant deux jours, nous pouvions aborder sans crainte, les faces nord et sud de la viticulture locale.

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 ~ Gilles Azzoni, Mas de la Bégude ~

Après une matinée passée en compagnie des soeurs Saladin, à St Marcel d'Ardèche, étape qui sera évoquée dans un autre article, puis une autre, résolument gourmande cette fois, sur la terrasse ensoleillée de l'Auberge de la Farigoule, à Bidon, nous gagnons Les Salelles, à St Maurice d'Ibie. L'Ibie, c'est une rivière, un affluent de l'Ardèche, mais qui ne paye pas sa gabelle, vu qu'elle est le plus souvent à sec!... La(r)dèche, quoi!... Sauf quand les pluies d'automne, lorsqu'elles sont diluviennes et qu'elles dégoulinent par tous les rus des pentes voisines, provoquent des sortes de vagues, façon mascaret à l'envers, au point qu'il arrive que le cours de la rivière en soit modifié. L'exemple même de rivière sauvage. Gilles Azzoni l'évoque, expliquant qu'il avait lui aussi paru perplexe, un peu comme nous, lorsqu'un ancien du village lui parlait du phénomène et de ses conséquences, parfois, sur les parcelles, jusqu'au jour assez récent, où il avait pu y assister lui-même. Pas que des légendes en Ardèche!... Vous ne connaissiez pas celle de la Bégude?!...

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Il faut dire que cette vallée ibiesque garde une sorte de mystère, avec ses pentes boisées, ses chemins cachés, ses ponts qui deviennent, certains jours, des gués. Parfois même, les GPS y perdent le nord! Elle a des allures de cañon, comme dans l'autre West, le grand, mais là, la cavalerie s'aventure pour des patrouilles goûteuses. Les embuscades gourmandes de la tribu locale se prolongent, au point de vous faire rater d'autres rendez-vous, au grand dam de vignerons pourtant très occupés par ces temps post-vendanges. Ce n'est pourtant pas faute d'user d'un raccourci par la montagne, Cherdenas et Intras. Figurez-vous que, de l'un de ces belvédères, à près de 500 mètres d'altitude, on peut apercevoir par temps clair, à la fois le Mont Blanc et le Puy de Dôme!... Légende ou... effets secondaires de dégustations prolongées?... Allez savoir!...

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Gilles Azzoni vigneron, on peut penser parfois qu'il l'a été toute sa vie et même avant, voire qu'il est tombé dans la marmite dès sa plus tendre enfance. Que nenni! Avec ses origines sardes, ce parisien de naissance fut d'abord dessinateur industriel, lorsqu'il s'est agit d'entrer dans la vie active. Mais, très vite, les arômes de mine de crayon sur le papier calque le rebutent (c'était avant le tout numérique, bien sur!). Il allait alors chercher la minéralité dans un tout autre bureau d'études. Il les reprend donc, ses études, du côté de Mâcon, dans un lycée viticole. Le temps de troquer ses tickets de métro pour un balluchon et le voici qui prend la Nationale 7, cap au sud, pour apprendre sur le tas. Plusieurs expériences se succèdent, mais on le retrouve quelques temps plus tard caviste en banlieue parisienne. Cependant, la capitale a ses limites, surtout lorsqu'on a goûté à la lumière et aux senteurs du midi!... 

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Il découvre cette vallée reculée du Sud-Ardèche et devient locataire de Robert et Lucie (auxquels il ne manque pas de rendre hommage viniquement parlant), un statut plutôt rare pour ce type d'activité. Actuellement, il dispose d'un peu plus de six hectares, tendance décroissance. Installé à la fin des années 80, il tend vers le tout nature avant même le terme du XXè siècle, sous l'influence de Gérald Oustric, vigneron-pilote à Valvignères, dans la vallée voisine, déjà prisée des Romains et aujourd'hui par de jeunes aventuriers de la vigne et du vin, dont la foi soulève la montagne ardèchoise.

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Difficile de trouver mieux pour déguster quelques cuvées, que de s'installer sous le tilleul de la Bégude!... Difficile également de mettre l'une ou l'autre en exergue, tant la gamme est joliment composée. Pas de fausse note, il y en a pour tous les goûts!... Nedjma 10(11) - comprenez bien millésime 2010, additionné d'un peu de 2011 - a beaucoup de charme et de fraîcheur. Le Raisin et l'Ange 2011 (syrah) et Fable 2011 sont dotés d'une belle constitution. Et cette très agréable longueur tonique et disponible, malgré la jeunesse du vin... Le fruit naturel est bien là (la patte Azzoni!), mais on trouve aussi ce qu'il faut de structure et d'équilibre, qui peut nous inciter à ne pas glouglouter trop vite ces quelques flacons. Est-ce en cela que "Gilles est en train de se métamorphoser...", comme le dit un de ses compères de la tribu ardèchoise, le sourire aux lèvres?... (Pas de nom, pas de nom!)

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Métamorphose... Lors d'une précédente visite, en juillet 2011, Gilles Azzoni avait évoqué son avenir. Il ne savait alors quelles couleurs lui donner. On le sentait dans une sorte de période de réflexion, d'analyse. Qui suis-je?... Ou vais-je?... Rien que de très normal, pour un homme, même si cela ne survient pas au même âge pour tous. Il se disait presque prêt à tourner la page de la vigne et du vin, faire autre chose... En fait, il ne s'agissait sans doute pas d'une véritable crise de conscience, mais cet état passager avait sans doute pour origine des aspects pratiques et quelque peu patrimoniaux. Dans les toutes prochaines années, il va devoir quitter sa maison et ses vignes, puisqu'au terme de son bail. Mais, aujourd'hui, tout est clair!... Il a acheté la bergerie en ruines à quelques centaines de mètres de chez lui et va construire là winery & home, le tout intégré dans le décor et utilisant la gravité. Quelque chose me dit que le naturewinemaker Azzoni va encore nous étonner!... Et, de plus, nous avons pu fêter avec lui dès le lendemain, autour de quelques huîtres venues de Normandie et passées par la Vendée, son statut de nouveau propriétaire terrien, puisque acheteur, le jour même, de son premier hectare!... Vous avez dit métamorphose?... Il faut dire que tous ces p'tits jeunes bâtisseurs, ça ne manque pas de vous titiller pipette et carafon!...

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Une visite à Gilles Azzoni ne peut laisser indifférent. C'est sans doute aussi ce que doivent penser certains de ses congénères et notamment les plus jeunes, lorsqu'ils sont confrontés à une cuve récalcitrante, ou à un jus incertain. Au comble du doute, ils leur suffit de lui tendre un verre de cet échantillon douteux, pour avoir souvent, en retour, des paroles enthousiastes : "Mais, c'est génial, ça!" Certes, tout n'est pas alors réglé pour autant, mais on imagine aisément la force de ce réconfort. On ne dira jamais assez les doutes qui envahissent parfois l'esprit d'un vigneron.

Il en va de même avec son compère Gérald Oustric, maillon essentiel, que dis-je, clé de voûte du dispositif naturo-ardèchois. Lui qui a passé une bonne partie des dernières années à construire un domaine, puis à pratiquer une déflation constructive, en redistribuant une bonne partie de ses parcelles à quelques jeunes venus travailler avec lui, s'imprégner de la viticulture locale (et observer l'autre, celle des caves coopératives, plus productiviste!) et désormais, construire à plus long terme. Nul doute que certaines constructions récentes doivent beaucoup à son ouverture d'esprit, à son enthousiasme et à ses encouragments. Nous avons quelque peu raté notre rendez-vous avec Gérald, mais ce n'est que partie remise.

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~ Manu Cunin et Vincent Fargier, Domaine des Deux Terres ~

Duo de choc, à Villeneuve de Berg!... Deux p'tits jeunes qui n'en veulent! Deux terres qui ne font qu'une depuis 2009. Manu avait des vignes en fermage, Vincent reprenait à la même époque, les parcelles de son père, dont les fruits étaient destinés à la cave coopérative locale. A la croisée des chemins, ils devaient se rencontrer. Même si une partie des vignes, de l'un comme de l'autre, est encore destinée à la coopé, six hectares composent actuellement le domaine. A terme, l'équilibre se situera à une production de 45/50000 bouteilles sur 12 ou 13 hectares. Ainsi, la restructuration et la sélection des meilleures parcelles se fera petit à petit, sans précipitation et dans le respect des contrats existants.

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Enthousiasme, dynamisme, ferveur raisonnée, voilà un peu tout ce qui préside à la destinée du domaine. Sans doute, les deux vignerons se sont-ils imaginés très vite, devoir disposer d'un outil de travail pratique et cohérent. La précarité des locaux viticoles disponibles dans la région ne manque pas d'inquiéter parfois, même si Paris, non plus, ne s'est pas fait en un jour!... Certaines situations ou installations provisoires ayant le don de perdurer, autant tenter de concrétiser son projet de cave, surtout lorsqu'on dispose d'une parcelle quasi idéale pour implanter un tel bâtiment.

Celle-ci est donc située au Petit Tournon, de Villeneuve de Berg, à l'entrée de la vallée de l'Ibie. Tout prêt, la cave et le chai de Jérôme Jouret et les installations de Grégory Guillaume, deux autres membres de l'Ardèche en mouvement. Ce dernier n'en est qu'à son tout premier millésime avec 2011 et de ceux qui travaillent à la vigne avec le cheval.

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Les parcelles des Deux Terres sont assez dispersées. Il faut dire qu'une des caractéristiques de la région, c'est la très grande diversité de terroirs, notamment vingt kilomètres à la ronde. On passe ainsi de l'argilo-calcaire, voire à une très large proportion de calcaire, au schiste, au grès ou au basalte. Ce dernier, quasiment circonscrit au plateau du Coiron (Lou Couïron en patois local), donne de réels espoirs à ceux qui disposent de quelques ares aux alentours de la Tour Mirabel, tout de noir vétue. Manu et Vincent bichonnent là du grenache, mais aussi un carignan cinquantenaire le plus septentrional au monde!... Un trésor patrimonial!... Surtout lorsqu'on déguste certains jus pleins de fraîcheur et de tonicité, à l'image de certains gamay d'Auvergne.

"Entre l'Ardèche au beurre du nord (Gerbier de Jonc), montagne adossée à l'Auvergne et l'Ardèche à l'huile du sud, des gorges et du Pont d'Arc, aux portes de la Provence, le Coiron n'appartient tout à fait ni à l'un ni à l'autre..."

Premier millésime donc en 2011, dans cette cave flambant neuve. Toutes les cuvées sont désormais en Vin de France, après avoir été en IGP Vin de Pays de l'Ardèche, au tout début de l'aventure. Un vrai canon blanc pour commencer avec le Vin Nu 2011, assemblage d'ugni blanc et de grenache blanc, passé en cuve uniquement, doté d'une jolie fraîcheur et de plus, ni sulfité, ni filtré. Une curiosité ensuite, avec le même assemblage millésimé 2010, mais issu d'une macération d'un mois. Un vin aux antipodes du précédent qui d'ailleurs, a enthousiasmé les Japonnais!... Ces quelques essais de "vins orange" en France ne peuvent décidément laisser les amateurs indifférents!... Un autre très joli blanc, le Viognier 2011 (issu d'une parcelle de 70 ares), dont l'élevage en barriques arrive à son terme, après des phases parfois déroutantes, aux dires des vignerons eux-mêmes. Auourd'hui, le vin a retrouvé la fraîcheur souhaitée et il ne tardera pas à atteindre son équilibre, dès qu'il sera remis d'une mise en bouteilles prochaine.

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Côté rouges, 2011 va réserver des jolies surprises. Ainsi, la cuvée pure grenache, planté sur basalte, fait la démonstration de sa stature et de son potentiel. Le duo suivant, syrah, âgée d'une vingtaine d'années sur argilo-calcaire et grenache sur basalte, pose bien les bases d'un assemblage quasi idéal. Il devient évident qu'un équilibre moderne, actuel, associe souvent une maturité sudiste, mais maîtrisée et la fraîcheur apportée par un type de sol minéral. Il ne faut sans doute pas voir là de recette miracle, d'autres aspects, d'autres choix entrant en ligne de compte, mais l'expression de telles cuvées est bigrement séduisante. A noter aussi la cuvée 100% syrah, Bric à Brac 2011, obtenue en macération carbonique, dynamique et tonique, exemple même de l'approche privilégiée souvent par les deux vignerons, à savoir des extractions maîtrisées et une recherche de la fraîcheur, comme c'est aussi le cas pour le viognier.

La matinée se termine. D'autres rendez-vous nous attendent dès le début d'après-midi. Nous repartons avec une bouteille de Ripaille 2010, pur carignan, sous le bras, histoire d'arroser au mieux, notre pique-nique, confortablement installés sur une terrasse du superbe village de St Thomé, avant de rejoindre Valvignères. Terre, terre!... Pas de naufrages dans les parages!... 

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