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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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11 novembre 2013

Une grenade dégoupillée dans la tranchée d'une baille* honnête!

Ah ben oui, c'est le week-end du 11 Novembre!... Pas question de broyer du noir, même quand les All Blacks viennent gagner à Paris, après avoir ranimé la flamme sous leur arc de triomphe quasi permanent. C'est 1918 qu'on commémore, au moment où le programme des festivités du Centenaire de l'entrée en guerre en 1914, prend des teintes de "rassemblement républicain", dans un pays, une communauté, que d'aucuns détricotent un peu plus chaque jour.

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Même s'il peut paraître un brin étonnant de saluer le début d'un conflit qui fit tant de victimes et qui laissa tant de traces dans les mémoires de ceux qui subirent quatre années de combat dans les conditions que l'on sait (ils furent nombreux à revenir, sans pouvoir même évoquer leurs souffrances), au point également où, vingt ans plus tard, les peuples et leurs dirigeants furent frappés d'amnésie collective et se lancèrent dans un conflit encore plus terrible, on peut admettre néanmoins que cette commémoration internationale salue le souvenir de ceux qui furent, en quelques sortes, les acteurs d'évènements qualifiés de fondement de notre XXè siècle, dans ce qu'il a eu de meilleur et notamment cette sorte de soif de progrès, dans tous les domaines.

Bien sur, ce progrès a aussi apporté son lot de travers et d'opportunisme dévoyé. Les exemples ne sont pas rares dans le domaine des vins et de la viticulture, comme dans d'autres. A l'aube du XXè siècle et plus encore pendant la Première Guerre Mondiale, le "pinard" tenait une place particulière dans le quotidien des gens et des combattants. C'était le temps où les habitants de nos vignobles connaissaient la valeur des vins et peut-être une hiérarchie non écrite de ceux-ci, mais où il n'était pas fondamental de figurer en bonne place dans un classement établi par quelque élite. Il faut dire que, malgré les dégâts récents du phylloxera et autres mildiou et oïdium, la vigne était présente quasiment partout, ne fut-ce que sous forme de treille dispensant une ombre salutaire sur la terrasse familiale.

Dans l'inconscient collectif qui touche à l'agriculture et, par là même, à la viticulture sans doute, il est communément admis que ces quatre années d'une guerre meurtrière, avec l'insupportable ponction dans la population masculine chargée de la plupart des travaux agricoles, ont contribué à un ralentissement, voire une réduction de la transmission des savoirs d'une génération à l'autre. Même si une plus large mécanisation et l'emploi de produits chimiques n'interviendront vraiment qu'après le second conflit planétaire, on peut penser que 14-18 porte en elle les gênes d'une "déshumanisation" de la viticulture. Bien sur, certaines avancées sont essentielles de nos jours, comme l'analyse chimique des vins désormais très pointue et permettant des bilans plus affinés. On ne peut nier également les progrès en matière d'hygiène des contenants, par exemple, pour peu qu'on n'aseptise pas complètement au passage les contenus. Une des conséquences admises récemment de ces évolutions, était que les domaines viticoles semblent moins exposés aux méfaits d'évènements climatiques, du fait de leur capacité à réagir, mais pourtant, les millésimes les plus récents tendent à démontrer que la vérité est difficile à confirmer dans le temps. Sans parler des risques d'uniformisation, que nous sommes de plus en plus nombreux à craindre et à dénoncer. Le dire ne peut être considéré, précisons-le au passage, comme un accès de nostalgie de temps révolus, ainsi que certains le soulignent très vite.

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La mémoire. Du moins, celle que nous nous composons nous-même. Parfois, elle a tendance à nous trahir, au point d'enjoliver certains évènements. Était-ce aussi le cas pour les Poilus?... Des flammes tricolores flottant au vent de novembre et quelques fanfares bruyantes pouvaient-elles leur faire oublier la boue, le bruit et l'odeur âcre de la poudre?...

Pour notre part, il ne nous reste plus qu'à entretenir notre mémoire olfactive (et le souvenir de nos aïeux, dont il ne reste plus que quelques photos sépia). Celle livrée aux dégustations comparatives, tantôt horizontales, parfois verticales. Celle qui évoque aussi, certains jours, les plaisirs de la table et les accords mets-vins. Ainsi, je pourrais sans doute vous parler longuement de cette poêlée de coquilles St Jacques enturbannées de poitrine fumée, accompagnée de riz safrané et de trompettes des morts juste crémées, sans oublier les graines de muscat et le vin. Celui-ci, sorti de la cave-mémoire, presque oublié, mais voué à nous surprendre, après quelques années passées dans la fraîcheur d'une casemate urbaine, comme dans une sorte de PC, à l'abri des effets d'une paix gourmande.

"C'est une bombe atomique, l'éclate totale!" diraient presque en coeur Mimi, Fifi et Glouglou, comme autant d'anciens combattants de la dive bouteille, prêts à se jeter dans des traquenards ou des embuscades de toutes sortes, verre en main. Et là, le flacon proposé avait tout de la grenade dégoupillée!... Voire au phosphore!... Celle qui fait phosphorer les neurones!... Boom!... Le coup de canon!... Richard Leroy n'est pas son cousin!... Noëls de Montbenault 2006 dans une grande forme, catégorie Anjou, feu!...

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Il ne vous restera plus qu'à en débattre, peut-être au terme de la lecture**, du survol façon escadrille en reconnaissance si vous préférez, de l'album de Michel Tolmer, aux Éditions de l'Epure, chères à Sabine Bucquet-Grenet. Une succulente dégustation de bons mots, une exploitation optimum d'un langage entretenu par tous les amateurs de vin de la planète qui, s'ils pratiquent un tant soit peu l'auto-dérision, ne manqueront pas de rire à la lecture de certaines répliques, que leur mémoire intacte ne manquera pas de refaire surgir à la surface, comme autant de vestiges de la Grande Guerre, suite au labour d'une parcelle de terre de Champagne.

*: avoir une jolie baille! En langage maritimo-populaire, avoir un beau bateau, bien marin, avec une belle carène. Un peu comme celui de Jacques et Véro, sur le point de mettre cap à l'ouest et au sud, histoire de quitter ce b... qui nous entoure!... Bonne mer! Un jour, nous irons peut-être passer en revue, d'îles en îles, les distilleries écossaises, n'est-ca pas Jacques?...

**: au titre des "saines lectures" de notre automne, n'oublions pas les Chroniques de la vigne, BD signée par Fred Bernard, aux Editions Glénat, illustrations des conversations avec son grand père, vigneron à Savigny les Beaune. Une rencontre inter-générationnelle des plus sympathiques, où l'humour et les coups d'oeil dans le rétro sont la base, le fil rouge (ou blanc). Blanc sur rouge, rien ne bouge!... Enfin, Bacchus et Moi, de Jay McInerney (Editions de la Martinière), en guise de renfort venant d'outre-Atlantique! L'auteur est un romancier américain bien connu, qui publie depuis quelques années des chroniques sur le vin dans The Wall Street Jounal, évoquant sa passion pour la chose vineuse et la dégustation, ainsi que son amour pour les nectars produits de France. Dans la droite ligne de Kermit Lynch, importateur américain ayant lui aussi publié un récit de ses aventures savoureuses dans le vignoble français.

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