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La Pipette aux quatre vins
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La Pipette aux quatre vins
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5 février 2014

Vincent Caillé, Sèvre Nantaise rive gauche

Depuis quelques années, on parle presque communément des terroirs du Muscadet : gneiss, orthogneiss, granite et gabbro, voire amphibolite. Vous ne le saviez pas?!... Allez voir Vincent Caillé, à Monnières et tout sera plus clair!... Pourtant, ce n'est pas le plus connu des vignerons du cru. Jusqu'à une date récente, quelques initiés seulement connaissaient ce vigneron des plus discrets, qui s'était pourtant glissé sur quelques belles tables nantaises, notamment avec son Gros-Plant des Coteaux, non loin de Gorges, rive gauche de la Sèvre Nantaise. Il faut dire que la grande restauration de la cité d'Anne de Bretagne a mis très longtemps avant de redécouvrir les crus du Pays Nantais, au point de préférer longtemps quelques sauvignons de multiples origines. Mais désormais, la tendance s'est inversée et les cuvées de terroir de Vincent, avec d'autres, ont gagné le coeur des amateurs. Et c'est tant mieux, parce qu'en plus, quelques millésimes plus anciens sont encore en stock ici ou là. Venez goûtez la différence!...

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Suite à l'article paru dans le n°111 du Rouge & du Blanc et au vu de la photo présente à la une, Patrick Baudouin avait eu cette jolie formule : "Vincent Caillé, le vigneron qui taïchise le melon de Bourgogne!" En effet, on le voit dans une position qui laisse à penser qu'il maîtrise parfaitement la pratique de cette sorte de gymnastique corporelle et énergétique, que l'on voit apparaître depuis quelques temps dans les parcs de nos grandes cités. Sauf que lui s'y exercerait au coeur de ses parcelles de vignes, sur un quelconque méridien traversant sa commune de Monnières. A la différence près qu'il est aussi coiffé d'une jolie casquette, couvre-chef dont on devine qu'il en possède plusieurs, adaptées à chaque saison, un peu comme les bannières de ce blog, qui se veulent saisonnières.

Pour ce qui est des saisons, nul doute que cet hiver 2013-2014 est des plus humides, si bien qu'au coeur du mois de janvier, les vignes du Muscadet, comme d'autres, ont parfois les pieds dans l'eau. Cela ne nous empêche pas de faire une découverte de quelques parcelles, en compagnie de Vincent Caillé. Le vigneron de Monnières est ici chez lui. Il faut dire que ses racines sont bien là, s'enfonçant dans le gneiss ou l'orthogneiss, rive gauche de la Sèvre Nantaise et rive droite de la Maine. Que ce soit côté paternel ou maternel, pas moins de cinq générations de vignerons du Pays Nantais se sont succédées, pour donner à Vincent le goût de la folle et du melon. Du coup, le domaine familial est quelque peu dispersé, puisque les cinquante parcelles composant l'ensemble sont présentes aux quatre vents. Quatorze kilomètres séparent les vignes les plus éloignées. Au total donc, 25 à 26 hectares. "Dans l'absolu, je rêve d'être sur six hectares, mais on est en Muscadet!..." Chacun l'aura aisément compris, de Bourgogne, les vignerons du coin n'ont que le melon, mais pas la grosse tête!... Si l'humilité est la règle ici, ce n'est pas une raison d'écarter l'ambition de faire bon.

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Un terroir d'orthogneiss tout d'abord, non loin de son village natal de la Févrie. Guère plus d'un demi-hectare d'une vigne âgée d'une vingtaine d'années, dont quelques six rangs repris depuis cinq ans à un voisin qui pratiquait une viticulture très conventionnelle. C'est dans ce secteur qu'il a opté pour les premiers essais de biodynamie, voilà trois ans, au point de se faire quelques frayeurs. En effet, après avoir passé pour la première fois une silice (501), il s'aperçoit qu'il a fait une erreur de dosage, doublant celle préconisée. Il cherche donc à se rassurer quelque peu auprès de Jo Landron et de Pierre Masson, qui ne peuvent que lui conseiller de... surveiller et, éventuellement de prévoir une 500, si quelques dégâts apparaissent. Heureusement, le temps est couvert et la température modérée. Si bien que la vigne digère la préparation concoctée. Avec le recul, Vincent constate que cette double dose a boosté la parcelle et notamment les six rangs soignés de façon traditionnelle depuis longtemps. Ce qui ne peut que contribuer à démontrer les bienfaits de la méthode. Peut-être ce qu'il lui fallait pour organiser un passage progressif de l'ensemble de ses vignes à la biodynamie. "Je veux y croire et il y a des signes..."

Nous traversons ensuite une bonne partie de la commune de Monnières, qui ne compte pas moins de six à sept cents hectares de vignes, sur un total d'environ neuf cents. Deuxième arrêt à proximité du Moulin de la Minière, à près de soixante mètres d'altitude. Vue imprenable sur le vignoble, les clochers de tous les villages de la région jalonnent le tour d'horizon. S'il ne reste que trois moulins sur la commune, avec ceux de la Bidière et des Justices, ces bâtisses devaient aussi être nombreuses naguère, puisque le nom de Monnières vient du latin mola, la meule et par extension molinaria, la meunière. A la Minière, certains soutiennent qu'on trouvait là une mine de fer, mais rien n'est moins sur... Autre nom donné au secteur, Les Gâs de la Minière, avec une dominante, des sols de gneiss. Ici, le remembrement n'a pas été sans conséquence. En effet, la réorganisation des parcelles n'a pas tenu compte de la plantation ancienne des vignes. Malgré la faiblesse de la pente, certains arpents n'étaient pas plantés jadis tous dans le même sens. Les raisons, oubliées au profit des bienfaits supposés de la mécanisation, se voulaient proches des observations des anciens. Ceux-ci n'ignoraient pas que sol et sous-sol n'étaient pas du même abord sur tout ce plateau et désormais, les conducteurs de tracteurs s'en rendent compte, lorsqu'ils parcourent ces rangs de plusieurs centaines de mètres. Dans ce secteur, une des parcelles de vieilles vignes, entre le moulin et le bourg, le tout exposé ouest, entre dans la composition de La Part du Colibri.

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Vincent Caillé s'est installé en 1986, avec quatre hectares, à côté de son père et ce, jusqu'en 1992 ou 1993, année où il reprend tout l'ensemble. Depuis les vendanges 2000, il dispose d'une cave dans le troisième secteur de la commune. Le lieu-dit s'appelle Les Coteaux et ici, c'est le gabbro qui domine. Une pente assez marquée en direction d'un coude de la Sèvre et du village voisin de Gorges. On y trouve une parcelle de melon et une très vieille vigne de folle, Le Felland, qui lui permet de produire ce gros-plant que les amateurs s'arrachent (90% destiné à l'export!), vendangé après les Muscadet en 2013 et dont le caractère "pierre à fusil" est d'ores et déjà pour le moins expressif.

Dans ce secteur, le vigneron dispose de plusieurs parcelles de chaque côté de la voie ferrée ("Le TGV mogettes de De Villiers!... Pour permettre le passage du TGV en direction de La Roche sur Yon et des Sables d'Olonne, il a fallu démolir deux ponts très anciens, trop bas de vingt centimètres et poser des sortes de caissons de béton peu esthétiques!"). Un aspect des choses qui le réjouit désormais néanmoins. En effet, deux hauts talus longent cette voie. Naguère, ils étaient entretenus avec force désherbant et insecticides. Aujourd'hui - manque de personnel, restriction de budget et/ou gestion plus "écologique"? - tout reste en l'état (si l'on peut dire!) ou presque et une remarquable biodiversité s'est de nouveau imposée. Pour quelqu'un qui cherche à l'encourager grâce à son approche bio, on ne peut rêver mieux!... Notez également que, de l'autre côté du pont et de la voie, une parcelle proche est parsemée de tulipes sauvages, plantées par le Jardin des Plantes de Nantes, qui cherchait à la ré-introduire dans le vignoble. Une idée qui ne pouvait que plaire au vigneron!...

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Voilà tout ce qui fait l'univers topographique de Vincent Caillé, qu'il peuple aussi des souvenirs transmis par ses ascendants. Comme ceux de cette grand-mère qui évoquait, lorsqu'il était enfant (pas très sage peut-être?), la présence de bagnards tirant les péniches sur la Sèvre, au tout début du XXè siècle. "C'est pourtant pas Cayenne, ici!..." On devine sans peine que le vigneron est heureux de pratiquer cette activité dans son pays, même si des doutes et des incertitudes surviennent parfois, face à la difficulté notamment de former une équipe stable et convaincue par la méthode, le travail des sols n'étant pas très répandu dans le secteur, les jeunes tractoristes en particulier n'y sont pas légion.

La cave du domaine se compose d'une batterie de cuves, des garde-vins en fait, qui permettent notamment d'élever les jus rigoureusement par terroirs. Bientôt peut-être, de nouvelles cuves en béton, parce que le Muscadet le vaut bien. Parce qu'aussi le vigneron du Fay d'Homme est persuadé que ses vins peuvent franchir un nouveau palier, même si, ce qu'ils expriment maintenant tend à démontrer que Vincent Caillé, malgré une certaine discrétion, est bien un des référents du Muscadet.

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Avec les 2013, finalement, beaucoup de satisfaction au domaine. Les échantillons, tirés le matin même, sont expressifs et d'un abord facile. La Part du Colibri vieilles vignes 2013 (une sélection de deux parcelles entre la Minière et le bourg) est dotée d'une belle tension, précise et droite. De l'aveu du vigneron, celle-ci aurait pu composer une cuvée de Monnières-St Fiacre (élevage de 36 à 39 mois), mais elle sera mise en bouteille à la fin du printemps prochain. Avis aux amateurs!... La version 2009 de ce cru communal démontre toute la dimension de ces vins destinés à un long élevage. Ampleur et distinction. Même Opus n°7, dont l'élevage en barriques peut surprendre, est tout à fait digne d'intérêt.

La nuit est tombée depuis un moment. J'ai raté mon ultime rendez-vous de la journée. Mais, avec Vincent Caillé, il y a toujours un vin à déguster et la série de la cuvée du Clos de la Févrie démontre à quel point la notion de terroir peut être mise en valeur à l'occasion d'une telle verticale. Au cours de la dernière décennie, chacun peut se souvenir des dominantes des différents millésimes. Richesse et densité parfois, acidité et tension certaines années. Pourtant, une indiscutable filiation relie toute ces bouteilles et ces vins issus de ce sol d'orthogneiss, traduisant la lecture qu'en fait le vigneron.

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Les sensations seraient sans doute proches, si l'on faisait de même avec les autres étiquettes. Mais, dans une telle occasion, on mesure aussi à quel point les Muscadet ont un potentiel de garde. Ils méritent d'être abordés comme d'autres blancs destinés à être oubliés en cave. Certains des clients du domaine, d'ailleurs, y compris professionnels, ne l'ignorent pas et ils sont devenus des fidèles de ces vins dédiés à une belle gastronomie, surtout lorsqu'ils sont à leur pleine maturité.

A noter que les doses de soufre sont très limitées, mais seuls les rouges (non dégustés ce jour-là) sont les supports de quelques essais sans le moindre sulfite. Avec quelques résultats concluants, qui pourraient faire évoluer le cours des choses. Il faut dire que Vincent Caillé est très attentif à la perception que ses clients ont de ses vins et même sensible aux commentaires de ceux qu'il rencontre dans diverses occasions, comme Alice Feiring, naguère, à New York, qui n'avait pas manqué de lui faire part de son étonnement quant à la présence de soufre. Mais, chacun sait à quel point Alice est sensible à la chose!...

A Monnières donc, Vincent avance à petit pas. Et on peut comprendre aisément ce qui a pu le séduire dans la légende amérindienne du colibri. Cet oiseau qui vole au secours de la forêt en feu, en l'arrosant des quelques gouttes d'eau que contient son bec, simplement pour faire sa part, même si tous les autres animaux restent prostrés et impuissants. Ne pourrions-nous pas le rejoindre, inspirés par tant d'abnégation?...

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