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La Pipette aux quatre vins
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7 mars 2019

David Barrault, Château Tire-Pé, à Gironde sur Dropt (33)

27 février, la météo perd la boule!... Plus de 25° annoncés pour l'après-midi!... Au pied de la falaise calcaire, la Garonne serpente vers l'Ouest, une fois La Réole passée. Le Dropt ne va pas tarder à la grossir, à quelques kilomètres de là, dans une double confluence, entre deux méandres, comme s'il l'invitait à danser, avant de filer sur les quais de la grande ville. La voie ferrée de Bordeaux à Sète, ainsi que la célèbre RN 113 (D 1113 en Gironde), de Bordeaux à Marseille, traversent aussi la commune dans sa partie sud. Les voyageurs s'y véhiculent depuis des lustres. Pouvaient-ils apercevoir le vignoble sur les hauteurs, lorsqu'ils passaient en diligence ou en train à vapeur, au XIXè siècle, tout en hauts de forme et crinolines?... Du point de vue du vignoble justement, nous nous situons à la limite sud de l'Entre-Deux-Mers, mais on y propose également du Bordeaux, comme il se doit. C'est ce que fait David Barrault, berrichon pure souche, arrivé là un peu par hasard. On aurait tout aussi bien pu le croiser du côté de Madiran ou en Minervois. Mais, c'est à Tire Pé qu'il vint construire sa cabane, avec vue sur mer, lorsque le fleuve déborde pour déposer son limon sur les terres maraîchères de la vallée...

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Le Château Tire Pé se situe en haut de la longue côte de Tire Pet, parce que justement, les chevaux devant monter au domaine, avaient coutume de se soulager quelque peu avant l'effort... au risque de contribuer à une augmentation significative des gaz à effet de serre dans le secteur!... L'histoire ne dit pas si les tracteurs post-modernes qui leur succédèrent, fumant et pétaradant (à leur tour!) avaient une autre forme d'influence sur notre santé, ou celle de nos parents... C'est un peu comme le débat opposant ceux qui soulignent la mortalité de certains oiseaux à cause des éoliennes et ceux rapportant que le nombre de couples de certaines variétés ne cesse d'augmenter, en même temps que l'implantation de ces mêmes éoliennes s'intensifie, du fait de la transition énergétique en cours, en Allemagne notamment. Notre rapport à l'écologie n'en est que plus compliqué... certains jours!...

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En prenant pied sur la terrasse de la cabane, on commence par apprécier le paysage, en cette matinée d'hiver qui tire le printemps par la manche. Un endroit hors du commun, où l'on peut apprécier la majesté d'un coucher de soleil estival, partager quelques flacons avec les amis, lire un livre ou y passer les nuits, forcément plus belles que nos jours... Le domaine compte pas moins de douze hectares d'un seul tenant, huit sur le versant sud et quatre au nord de ce promontoire remarquable. En fait, un bloc argilo-calcaire, avec des épaisseurs d'argiles plus ou moins importantes et des sols aux pH très élevés, ce qui contribue à donner aux vins une acidité naturelle notoire. Ça tombe bien, c'est une saveur et un critère que le vigneron apprécie particulièrement. Ce n'est pas une raison suffisante cependant pour proposer des blancs, il n'y en a pas à Tire Pé, malgré les demandes de quelques-uns de ses fans. Il y en avait bien quelques arpents à son arrivée, en août 1997, un mois avant les vendanges, mais ils ont été arrachés très vite et il est peu probable qu'ils réapparaissent.

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Il faut dire que David justifie aussi cela par son choix de prendre quelques jours de vacances, chaque année, au moment où les variétés de blancs arrivent à maturité. Et l'idée de faire une croix sur cette petite semaine qu'il s'accorde, avant le rush des vendanges, lui est profondément insupportable!... Il est comme ça David!... Partir seul en montagne ou sur des chemins de traverse, c'est sa manière à lui de recharger les batteries. Juste une question d'équilibre... Arrivé à Gironde sur Dropt voilà près de vingt ans, après des études de commerce agro, puis un passage en Afrique du Sud notamment, il travaille trois années en tant que salarié de deux domaines bordelais, ce qui lui permet de confirmer ses impressions et de mettre ses envies sur les rails.

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S'il n'y a pas de blancs, on trouve aujourd'hui pas moins de sept cuvées de rouges au domaine, celui-ci étant en culture biologique depuis 2008 et certifié Ecocert depuis 2014. Pour ce qui est de l'encépagement bordelais, le merlot représente 60% de l'ensemble, le cabernet franc 30% et le malbec 10%. Les deux premiers sont présents sur les deux versants, ce qui leur confère des expressions aromatiques et des structures différentes, contribuant à la complexité des vins. A ceux-là, il faut ajouter désormais 40 ares de mancin des palus, 40 de castets et 40 de pineau d'Aunis!... Pour les deux cépages anciens du Bordelais, la plantation est lente, puisqu'il n'a pas été toujours facile, depuis cinq à six ans, de trouver des bois. Enfin, pour ce qui est du "chenin noir", un des surnoms du pineau d'Aunis, il s'agit plus d'une figure de style, recherchant une expression originale de ce cépage, que le vigneron apprécie pleinement avec son profil ligérien. Celui-ci sera disponible après les mises du printemps.

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Après toutes ces années, David Barrault se donne la liberté de modifier le cap, juste pour atteindre une vitesse de croisière satisfaisante. Il procède à un réglage de la voilure afin de régénérer l'aventure peut-être, mais il ne cède en rien au niveau d'exigence qu'il s'est imposé. Cette ouverture vers les cépages anciens du Bordelais, lui permet de rejoindre les initiatives récentes - Cazebonne, Mounissens, mais d'autres aussi, comme Liber Pater et quelques grands crus qui s'y essaient - et d'apporter sa pierre à l'édifice, donnant de l'expérience et du recul à cette région qui, pour un peu, mettrait en évidence son conservatisme, alors même que d'autres secteurs du vignoble français ont quelques coups d'avance, comme par exemple la Savoie. Ici, si on peut tabler sur le fait que le merlot sera probablement moins présent à l'avenir, il ne faut pas y voir une révolution de palais inconsidérée, du fait des considérations justement et des envies du vigneron connaissant bien sa propriété et imaginant aisément ce sur quoi ses vins peuvent encore progresser, tout en restant dans une bonne cohérence économique.

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La gamme actuelle est somme toute très bien construite et du coup, l'appellation Bordeaux, souvent décriée, peut trouver là (et les amateurs également!) un fer de lance valorisant, avec en particulier, une grande exigence pour ce qui est de la qualité des élevages. L'entrée de gamme disponible actuellement, puisqu'il faut la nommer ainsi, c'est Tire Pé Diem 2017, issu d'un millésime qualifié de "normal" par le vigneron, puisque le secteur a échappé au gel. La cuvée est produite grâce à l'achat de raisins de merlot, auprès d'un des voisins de Tire Pé et a, pour vocation, de proposer un vin facile à boire. La seconde, Tire'Vin Vite 2017, est également composée de merlot, mais venant de deux parcelles distinctes. Passant huit à dix mois en cuves béton, elle est plutôt destinée à être bue jeune et sans sulfite ajouté. Aux yeux de David Barrault, elle démontre toute son exigence pour proposer des vins restant précis et sans la moindre déviance. Il confesse d'ailleurs quelques déboires, voilà quelques années et la perte de grands volumes due à la présence de brettanomyces, avec lesquelles il ne transige en aucun cas.

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La cuvée référence du domaine reste Tire Pé 2016 (en attendant les prochains millésimes) réunissant les plus vieilles parcelles de merlot. Le plus souvent, l'élevage dure entre dix-huit et vingt mois en cuves béton uniquement. C'est, en quelques sortes, l'aimable mise en bouche, avant d'apprécier les deux vins pour lesquels le vigneron se donne quelques libertés, quant à leur composition et aux choix d'élevage. Après avoir adopté de grands contenants pour ses barriques, David s'est équipé, depuis quatre ou cinq ans, de jarres italiennes tout à fait artisanales, venant de la région de Florence. Sous bois ou sous terre, les élevages durent à peu près un an, avant un passage en cuves de six à huit mois, dans le but d'homogénéiser l'ensemble.

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La Côte de Tire Pé 2015 obéit à ce même rythme. Il s'agit là d'un assemblage de merlot et de cabernet franc, élevé pendant un an dans les grosses barriques (400 et 500 litres), avant le séjour en cuve et la mise en bouteilles. Cette cuvée se doit d'apporter une plus grande complexité et exprimer les meilleurs terroirs. Les Malbecs 2015, qui précèdent bien sûr 2016 - "tout à fait top"! - 100% malbec comme il se doit, ont séjourné en jarres, pour 20 à 30% du volume, pendant un an environ (puis six mois en cuve). Dès 2016, la proportion élevée ainsi est plus importante, avec l'idée d'une progression et d'une belle restitution des argilo-calcaires, dans un millésime au fort potentiel. Néanmoins, il est à noter que cette cuvée doit évoluer à l'avenir, puisque dès 2017, même si elle n'est pas encore en bouteilles, le millésime a incité le vigneron à franchir un nouveau cap, en associant 85% de cabernet franc et 15% de malbec!... Ceci traduisant la volonté de mettre en évidence le cépage ligérien, que David Barrault apprécie de plus en plus.

Bien évidemment, il convient d'évoquer ("discrètement, pour cause d'appel d'air probable!") L'Echappée 2016, premier millésime réunissant castets et mancin, cépages anciens parmi les plus présents jadis dans certains secteurs du Bordelais. Certes, les vignes sont encore très jeunes, mais le vigneron cache mal cette sorte d'impatience qui l'envahit (la même que David Poutays, à Mounissens!), surtout qu'il capte à l'évidence très bien, les progrès que 2017 et 2018 apporteront gustativement à l'avenir. Sans doute, la manière avec laquelle les amateurs recevront cette nouveauté, ne manquera pas d'interpeller ces "nouveaux aventuriers" du vignoble de Bordeaux. Cela ne manquera pas non plus, au passage, de conditionner la décision de nouvelles plantations éventuelles, ainsi que de faire le choix d'élevages d'autant plus attentifs.

Tout cela ne semble pas inquiéter outre mesure David Barrault qui, en à peine deux décennies, a tracé une voie et donné des signes d'une qualité constante, que les amateurs et les professionnels apprécient forcément. Il va sans doute interpréter les données de cette évolution, à caractère historique, avec une certaine philosophie et un certain recul. Il serait étonnant, au final, qu'il ne continue pas à marcher dans la campagne, le moment venu, ou à s'asseoir sur la terrasse de sa cabane, pour y apprécier pleinement la majesté d'un soleil couchant sur la Garonne.

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